« Bonjour ! Je cherche le « dernier » album de George Harrison, la réédition de « Living in the material world« , en rayons et je ne le vois pas ?! « -« Ha, je n’ai pas eu le temps de le sortir des bacs. Je n’ai reçu que très peu de quantités, vous désirez l’édition collector ? J’en possède deux.«
Deux ?
Les albums de Cure et Julien Doré trustent tous les espaces mais aucune niche pour feu l’ex-Beatles, parolier de génie et guitariste racé et fantasque ?
C’est quoi, ces commandes frileuses ? George Harrison serait-il passé de mode ? Moins bankable que nos amis les corbeaux et le fils d’Astérix ?
C’est le précieux sésame dans ma besace que je m’extraits de la grande surface cul-truelle, interloqué et pour le moins songeur.
A défaut de prendre le train de banlieue, je choisis la « Time-Machine ».
Retour en 1972. Notre animal mystique, enorgueilli par le succès plus que mérité de son premier album en solo (« All things must pass »), s’attaque au délicat tour de force du deuxième opus. 1973. Bien plus sombre que son prédécesseur, « Living in the material world » n’en demeure pas moins une porte idéale sur l’univers ô combien complexe et généreux de George Harrison. Les titres imparables sont à nouveau convoqués et le discours pacifiste teinté d’hindouisme ne verse jamais dans la facilité mais l’universalité. Dès la première écoute, c’est un paysage musical luxuriant qui pénètre dans notre esprit avec la fougue d’un grand orchestre et la concision d’un single. Et l’album (numéro 1 dès sa sortie en Angleterre, Belgique, Espagne, Australie, au Canada et aux USA) de dérouler ses instantanés sans interruption.
Cela démarre très fort avec « Give me Love (Give me Peace on Earth) » puis l’ami britannique enfile (indienne) les genres et les instruments avec un équilibre déconcertant. « The Light that has lighted the World », « Who can see it », tous parents, tous différents. Musique de bistrot, de bouge, relents boogie, slide-guitar, piano, hymnes hippies et complaintes déchirantes. On sent l’influence des compagnons de toujours, Lennon & Clapton, quand soudain un clavier bien tempéré à la Pink Floyd déride des cuivres royaux. Ici, des solos de guitare somptueux, là un duel contre un saxo sexy et au milieu, un album qui prend son envol sans céder un pouce de compromis.
Indiscutablement, Dieu devait taper du pied en studio à l’écoute de ce LP (« Help »?) et fumer un nuage sur « Be Here Now » la plus belle chanson jamais entendue durant cette décennie. Folk you very much? Il suffit de se pencher sur la deuxième galette disponible dans le très beau coffret collector pour s’en convaincre. L’auteur, compositeur et interprète y est à poil comme jamais et nous offre une leçon d’architecture : concevoir des chansons qui tiennent toutes seules sans artifices ni mur du son ( le spectre Spector) . J’ai la chance de découvrir, depuis peu, l’immense catalogue de Paul Mc Cartney et de ses comparses. N’étant pas un Beatle-maniac ni un fan hardcore ( cette bafouille amoureuse mais peu encyclopédique en témoigne), je picore dans leurs mines pop et leurs carrières en solitaire, me délectant de trouvailles avant-gardistes d’une modernité absolue. Encore mille fois « MERCI » Mr Harrison. Elliott Smith, Damon Albarn, Suzanne Vega et Badly Drown Boy vous doivent beaucoup.
Le meilleur album de 2024 ? Il a déjà plus de 50 ans.
Tu le crois, toi ?
John Book.