[Live report] The Politic Bruce Springsteen Expérience

Remonté comme un coucou, Bruce Springsteen, toujours accompagné par le E Street Band, a donné un concert splendide dans l’enceinte du stade Pierre Mauroy, dans la proche banlieue de Lille.

Villeneuve d’Ascq (Lille), le 24 mai 2025. On le sait, aller voir un concert en voiture est de plus en plus une galère. Alors cette fois, on a décidé d’y aller en métro. Évidemment, pour rejoindre le métro, il a fallu prendre la voiture, mais tous les embouteillages ont été esquivés. Pour être sûr d’arriver à l’heure au stade, le Décathlon Arena Stade Pierre-Mauroy, la voiture est restée à Hellemes, au pied de la station de métro.

Il est 14 heures et la fête promet d’être belle malgré une météo maussade. Le temps de boire une bière ou un café, c’est selon, et une première déconvenue survient : le métro est en panne. A priori, pas trop un problème, il doit repartir dans 5 minutes. Problème quand même, cela fait une heure qu’il doit repartir dans 5 minutes. Allons donc manger une frite, on repassera.

À défaut d’une moule-frite, une délicieuse tajine avec haricots verts à la place des carottes fait l’affaire. Nous voilà repus, et prêts à affronter le métro lillois, évidemment toujours en panne. Pas grave, des bus de substitution ont été mis en place et nous amènent gratuitement au stade, où nous pouvons à nouveau boire une bière, vendue uniquement en pinte, en regardant le match.

Ben oui, n’y a pas de Bruce qui tienne, Bordeaux-Bègles jouait une finale de coupe d’Europe en fin d’après-midi et, dans ce que l’on pourrait appeler le bar du stade, des aficionados de toutes les nationalités profitent du spectacle, et de la victoire bordelaise, alors que les filles forment dans le bar une queue digne des plus grands festivals pour aller aux toilettes.

 

Une nouveau carré or : derrière la scène !

Le concert est annoncé à 19 h 30, il faut encore trouver nos places, des places pour le moins particulières : elles sont certes assises, mais situées avec vue sur l’exacte arrière scène, plein centre ! On le dit, on s’attend quand même au pire. Il faut encore scanner sa place imprimée sur son téléphone pour pouvoir passer, et, Bruce, nous voilà !

La vue est excellente, mais surprenante. Ce n’est absolument pas une scène à 360°. Vraiment, nous sommes derrière : tout le monde va être de dos et tant pis pour l’intimité du groupe, on a même vue sur le backstage. De quoi être bien sceptique. À tort.

Déjà, le lieu est splendide et avec un toit fermé et la pluie menaçante, c’est quand même un sacré plus.

À 19 h 30, le Boss et son E Street Band débarquent. Tout s’illumine alors. Quatre grands écrans géants nous sont dédiés et il y a aussi des murs d’enceintes spécialement montés à notre attention. On s’attendait à une bouillie sonore, on touche au contraire à l’excellence.

En jean, chemise blanche et gilet sans manches, guitare en bandoulière, le Boss en impose. Surprise, des textes en français apparaissent sur l’écran lorsqu’il s’adresse à la foule. Les mots ont été choisis avant le début de la tournée et sont politiquement très engagés à gauche, carrément anti-Trump même. 

Un héros des temps modernes

Le chanteur a, il est vrai, un sacré différent avec le fantasque président des États-Unis Donald Trump et son armée de Trumpettes. Face aux 60 000 spectateurs, Bruce Springsteen prêche sans doute devant beaucoup de convaincus. Difficile d’aimer le chanteur si l’on n’est pas sensible à sa prose sur les conditions de vie en Amérique, tant il a su, tout au long de sa carrière, mettre en lumière tous les travers de la société américaine à travers de très beaux portraits musicaux remplis d’humanisme.

Le summum de la prise de position est atteint juste avant My City of Ruins.

Bruce Springsteen s’étend un long moment sur les dérives de l’état Trumpiste, stigmatisant comment par exemple  sont persécutés ceux qui sont en désaccord avec la politique en place ou pire encore comment «en Amérique, les hommes les plus riches se réjouissent d’abandonner les enfants les plus pauvres du monde à la maladie et à la mort.  (…) Ils abandonnent nos alliés historiques et se rangent du côté des dictateurs contre ceux qui luttent pour leur liberté. »

Un discours sans équivoque

« Une majorité de nos élus n’a pas réussi à protéger le peuple américain des abus d’un président inapte et d’un gouvernement voyou. Ils n’ont aucune préoccupation ou idée de ce que signifie être profondément américain. L’Amérique que je vous ai chantée pendant 50 ans est réelle et, quels que soient ses défauts, c’est un grand pays avec un grand peuple. Nous survivrons donc à ce moment. Maintenant, j’ai de l’espoir, parce que je crois en la vérité de ce qu’a dit le grand écrivain américain James Baldwin : “Dans ce monde, il n’y a pas autant d’humanité qu’on le voudrait, mais il y en a assez.” »

Bruce Springsteen est clairement en état d’urgence, à tel point qu’il a rebaptisé sa tournée Land of Hope and Dreams Tour il y a quelques semaines. Un EP du même nom, contenant les chansons et leurs paroles, virulentes à l’égard de Trump, vient tout juste d’être diffusé.

 

Il parle de tout cela en se faisant comprendre par tous, son discours est écrit sur les nombreux écrans géants répartis dans le stade sans provoquer d’hystérie ou de réactions disproportionnées.

« Because the Night » enflamme la foule sans trop la bouger

Le public a effectivement l’âge de son idole ou presque. Même sur Because The Night, peut-être la chanson, écrite à l’origine pour Patti Smith, la plus endiablée d’un show rempli de classiques, pas de pogos mais juste une légère bousculade dans les premiers rangs. Ici, on préfère bouger les mains et lever les bras plutôt que d’esquisser des pas de danse plus déterminés comme dans un pogo …

Bien assis tout en haut du stade, on redoute surtout que la personne devant se lève tant la vue est splendide et confortable.

 

On ne verra pas les musiciens discuter backstage avant le rappel, le groupe ne sort en effet pas de scène. Born In The USA, titre à la mémoire des héros sacrifiés du Vietnam, puis Born To Run, autre méga classique, sont joués avec une vraie ferveur. Des portraits de Clarence Clemons et celle Dany Federici, les deux musiciens décédés du E Street Band, sont diffusés sur les écrans géants. Émotion, forcément.

Le set se termine avec une reprise de Bob Dylan, le classique Chimes Of Freedom, une chanson très engagée.

Au final, d’accord, on a peu vu le groupe de face, mais avec les écrans géants juste devant nos yeux, on a parfaitement profité du spectacle, et les 2h45, sans interruption, sont passés comme une lettre à la poste, ou plutôt comme une nouvelle finale gagnée (contre Reims cette fois) par le PSG.

Il ne rester plus qu’à rejoindre la voiture. Une mission impossible à faire en métro car cette fois les deux lignes sont en pannes. Et les bus de substitution totalement débordés par d’improbables files d’attentes bien sages.

Nous sommes donc rentrés avec nos pieds, comme on dit à la RATP, avant de déguster, après environ seulement ¾ heures de marche dans les petits chemins des cités de Villeneuve-d’Ascq, un excellent nan du Bangladesh.

Succulente fin d’une délicieuse journée sportive et musicale dans la métropole lilloise. Et surtout un concert quasi parfait d’un chanteur tellement crédible dans son engagement que l’on aimerait bien le voir gouverner les USA.

 

Textes Patrick Auffret – Photos Patrick Auffret et Annick Fidji