“Listen Without Prejudice Vol.1” de George Michael. The Celluloid Closet.

Il y a de cela à peu près un an, j’avais partagé avec vous mon engouement pour George Michael via Lust4Live. “Last Christmas” de Paul Feig, comédie romantique par excellence,  avait littéralement enchanté votre serviteur et terminait l’année cinématographique écoulée sur une note d’optimisme. Nous sommes, à présent, en 2020 et tout est détraqué.  A quel saint se vouer? A quel Dieu (Grec) s’adresser?
Pour bon nombre de fans, le recours à un album particulier-dans un contexte difficile- sert souvent de baume réconfortant pour le cœur et l’âme.

Ainsi, “Listen without préjudice vol.1” m’a toujours guidé dans les aléas de mon existence. Confinée ou non.
Pour ses 30 ans d’existence, retour sur un album nécessaire dont l’importance dans la culture populaire résonne encore à nos oreilles.
Nous sommes en 1988.
George Michael s’extirpe à peine de la frénésie engendrée par son album multi-platiné et souhaite faire une pause. Histoire de Faith: tournée marathon et surexposition.  Il s’agit, à présent, pour l’artiste d’être adoubé par ses pairs pour ses talents d’auteur-compositeur et interprète. En effet, l’ex co-leader de Wham! est devenu une star internationale mais peine à être reconnu par la critique. Sa gueule d’amour et son passé au sein d’un duo mythique- souvent et injustement apparenté à un boys band- font surtout de lui un chanteur de charme. Un sex-symbol. Un “garçon coiffeur”.
Partageant, pourtant, avec les Beatles cette même facilité à composer et écrire des succès planétaires à un âge que l’on pourrait jugé précoce (“Love me Do” et “Wake me up before you go-go“, même credo), George souhaiterait être reconnu.
Seulement, nous sommes dans les golden eighties et le culte de l’image est à son firmament (MTV et “qu’on sort”…). L’iconique jeune homme de vingt cinq ans (seulement!) à la barbe de trois jours  se voit, donc, sommer d’électriser les stades tout en remisant au placard ses tenues flashy et ses aspirations auteuristes.

Et de placard, il en est question chez Sony. Impossible pour la major d’afficher au grand jour les préférences sexuelles de sa poule aux oeufs d’or. “I want your sex“? Certes, mais with Ladies only. Depuis 1985, les peurs liées au SIDA sont prégnantes dans les médias et un amalgame malencontreux “Queen- King Mercury-King George- Gay Virus” virerait au cauchemar. L’ horizon dans les torchons? Un abonnement à vie dans la plupart des tabloïds et la confession d’un mensonge par omission. Désamour présupposé des fans. Chute vertigineuse des ventes d’un prochain album attendu.
Impossible rétorque Epic.
Muselé, bridé et manipulé, le songwriter répondra par la plus élégante des manières: la conception d’un second album solo intemporel, avare en singles dévastateurs mais d’une beauté vertigineuse. “Listen without Prejudice Vol.1“.
La démarche artistique se veut kamikaze: une plage bondée de Coney Island en 1940 pour énigmatique pochette et le refus d’apparaitre de quelque manière que ce soit.
A l’instar de Prince et de son tube “Sign O’ the Times”, le premier clip dévoilé en août 1990 (“Praying for Time”) mettra en avant voix, lyrics et fera fi de présupposées minauderies.
Point de pose lascive ni de présence à l’écran. Blackout.


Serait-ce la fin du glamour? Un caprice fugitif de Diva? Une mauvaise passe?
Il n’en est rien. George Michael assume tout. Sa musique parlera pour lui et ses paroles dévoileront, en filigrane, sa véritable personnalité. Dans une ultime pirouette moqueuse à sa maison de disques, le 30 octobre 1990, Mister (point) G. fera son coming-out avec “Freedom’90“, titre phare et délicieusement libérateur. Engagera pour son clip ultra-léché les plus grandes top-models du Moment. Confiera la réalisation soignée à David Fincher et enverra valser les artefacts de son alter-ego hétéro.
Adieu ray-ban, perfecto et juke-box!
Place à plus de sobriété.
Label(le) échappée.
Notre songwriter joue les filles de l’air.
Absent des écrans mais sur tous les fronts lors des tournages.
Sur le plateau, Naomi Campbell, Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Cindy Crawford et Christy Turlington se voient dirigées et conseillées par un fantôme bienveillant et confiant.
Généreux. Control Freak et philanthrope.


A n’en pas douter, George Michael est un multi instrumentiste sensible en phase avec la société qui l’entoure. Ce nouvel opus reflète ses interrogations profondes, son rapport à l’autre, sa conception de la Passion et de la Liberté. Thèmes abordés? La peur d’un nouveau siècle naissant, la foi en l’avenir, la guerre, l’amour inconditionnel d’une mère pour son fils, le ménage à trois (bizzare love triangle?) et le plaisir pour toute religion. Ses atouts? Son organe puissant et un savoir-faire de composition indéniable. Pour “Listen without Prejudice Vol.1“, sa voix chaleureuse s’envole dans des cimes rarement atteintes et son “feeling” musical conjugue “production made in Motown” et tradition pop-rock .Hommage et héritage.
En 48 minutes, la ballade jazzy (“Cowboys & Angels”) croise la dance décompléxée (“Soul Free”), les confidences sur l’oreiller (“Heal The Pain”) et la reprise insensée (“They won’t go when i go” de Stevie Wonder).
En 48 minutes, Sinatra susurre d’interminables propositions indécentes à Whitney Houston et de cette union nait la perfection.
A quoi bon afficher une plastique irréprochable, bonne à être punaisée sur les murs épais d’une chambre d’adolescent(e)? Est-elle foncièrement nécessaire dans la découverte de ce joyau pur? Indispensable à des royalties en sus? Réponse de l’interessé:
” Sometimes the clothes do not make the Man”.
Contre toute attente, en dépit de ventes plus qu’honorables et d’un Brit Award mérité, un volume 2 ne vit jamais le jour.
D’autres excellents albums suivirent mais jamais, à mon sens, Georgios Kyriacos Panayiotou n’atteignit telle beauté, tel épanouissement…
En octobre 2017, un coffret célébrant ce chef-d’oeuvre doté d’un “unplugged” d’anthologie ainsi que de nombreux remix, versions alternatives et autres réjouissances, voyait le jour dans nos bacs. Que vous soyez un inconditionnel de The Weeknd, AC DC, Marvin Gaye ou de Steve Reich, jetez une oreille attentive à la conception de ces standards magnifiquement élaborés. Please. Ecoutez sans préjugés.
Noël approche à grands pas et à l’écoute inévitable d’un réconfortant “Last Christmas”, ayons une pensée ce 25 décembre 2020 pour son créateur, trop tôt disparu. Un ange est passé.
Demeure l’un des meilleurs albums anglais de tous les temps.

John Book.