Et si l’on arrêtait de chercher un sens aux choses pour simplement écouter le chaos ?
Avec STILL, leur deuxième EP, les Parisiens de LISATYD assènent un son puissant. Matérialisation, brutale, organique, déchirante du chaos. Six morceaux comme autant de coups portés à l’indifférence ambiante, six fragments de vérité sonore captés dans l’électricité d’une époque en vrille.
Le quatuor formé de Simon Garrette (guitare/chant), John Babkine (guitare), Angela Dufin (batterie) et Clément Verhaeghe (basse) avait déjà posé les jalons d’un rock hybride, entre grunge fiévreux, noise râpeuse et stoner plombé sur leur premier EP éponyme en 2023. Mais ici, quelque chose a basculé. Comme si, deux ans plus tard, le groupe avait saisi que la beauté réside dans l’abrasion, que la mélodie peut se nicher dans la fêlure, et que la violence peut être un langage d’émotion.
Des textures abrasives, des pulsations qui cognent
Dès les premières secondes de LOOP, le décor est planté : guitares en dents de scie, basse grondante, batterie tribale. Le son est massif, saturé, presque trop — mais jamais gratuit. La voix de Simon, mi-scandée, mi-étouffée, semble émerger d’un tunnel de réverbération. On pense aux cris noyés d’un Brutus, à la fureur sous contrôle d’un Deftones, au souffle noir de A Place to Bury Strangers.
Puis vient FACES, et l’équilibre se fait plus étrange encore. L’énergie punk rencontre des textures shoegaze, entre accélérations foudroyantes et ralentissements rêveurs. On dérive. Où sont les repères ? Et surtout : en a-t-on besoin ?
Craniotomy, pièce maîtresse de l’EP, est une véritable odyssée sonore. Un morceau-caméléon, lentement construit, lentement démoli, entre tension sourde et déferlante cathartique. Les riffs y grondent comme des machines mal huilées, les breaks percutent comme des silences lourds de sens. Une lente craniotomie émotionnelle.
À l’inverse, Plastic Roses frappe net. Riff immédiat, refrain hurlé, section rythmique d’une efficacité chirurgicale. C’est frontal, sale, accrocheur — le genre de titre qui colle à la peau, même une fois l’ampli éteint.
Entre chaos et contrôle, la matière vivante du son
Ce qui frappe dans STILL, c’est cette capacité à contenir le chaos sans jamais l’étouffer. Chaque morceau est un champ de bataille où se croisent dissonances subtiles, grooves oppressants et mélodies bancales. La batterie d’Angela Dufin pulse comme un cœur à la dérive, la basse de Clément Verhaeghe enserre l’ensemble dans un grondement sourd, les guitares taillent l’espace à grands coups de delay et de fuzz. Le tout capté avec une production artisanale mais redoutablement expressive, signée Simon Garrette lui-même, puis magnifié par le mastering épais et vivant de Jérôme Richelme (French Fuzz).
C’est aussi dans le fond que l’EP trouve sa cohérence : STILL parle de stagnation, de cycles qui s’enchaînent sans résolution. D’une époque qui n’avance qu’en rond, les yeux fermés. Des souvenirs comme des chaînes, des drames intimes qui résonnent avec un monde à la dérive. Pourtant, quelque chose perce. Une lueur. Ironique, peut-être. Mais là.
Et puis, au bout, il y a cette ballade. Dernier morceau, respiration tardive, presque douce — mais jamais apaisée. Une fin suspendue, qui laisse le goût amer de ce qui n’a pas été dit. Comme une promesse.