“Les crimes du futur” de David Cronenberg. “Touch me, touch me, i want to feel your body…

Une catastrophe. En dépit du buzz (comme dirait “La Mouche”) au Festival de Cannes, des premiers secours qui stationnent devant la Croisette et en dépit d’une filmographie mythique et sulfureuse, oui, c’est une catastrophe.
David Cronenberg peut s’escrimer à survendre “Les Crimes du Futur” comme un choc pour les spectateurs, la chair est triste et notre ami canadien bien fatigué.
Exit les plongées en eaux troubles dans notre subconscient. Exit la maestria ! Exit l’éternelle jeunesse partagée avec ses comparses Spielberg, Miller et Lynch.
Notre cinéaste culte n’a plus rien à dire.
Qu’on ne me prête pas des intentions que je n’ai pas. J’adore le réalisateur de “Faux Semblants” et de “Crash”. Ses films sont de superbes cauchemars éveillés où l’ombre de Francis Bacon s’aligne sur celle d’un médecin-légiste à moitié fou. De 1979 à 2014, Cronenberg disséqua nos âmes et nos pulsions avec passion. Tritura nos boites crâniennes. Interrogea notre fonction d’être humain, notre rapport à la technologie et projeta nos phobies sur une toile géante avec brio.
Le 7ème Art pour toute thérapie ?
C’est un peu cela et plus encore. Le cinéaste tourmenté aime nous pousser dans nos retranchements, qu’il dispose d’un budget conséquent ou de financements limités. Et quand certains s’allongent sur le divan, d’autres vont à la messe dans une salle obscure.
J’attendais énormément de cette nouvelle saillie, sachant pertinemment qu’elle ne retrouverait pas l’aspect “film d’art et d’essai” de “Spider”, son ultime production “barrée”, et verserait dans un cinéma dorénavant plus classique, à l’instar de son “History of violence”.
Je me trompais sur toute la ligne.
Dès les premières images, le natif de Toronto nous convoque dans son théâtre des monstruosités avec une économie de moyens surprenante.
Renouer avec ses premiers amours et proposer une descente aux Enfers sans clinquant ni patine, l’intention était des plus louables. Proposer une vision kafkaïenne de notre Futur sans emballage spectaculaire, pourquoi pas ?
Mais à force de développer un univers opaque où les informations circulent au compte-goutte, David trop nous berne.
Performance corporelle datée, fusion entre la bidoche et le moche, rapports cliniques entre les protagonistes, prophétie d’un Monde ouvert sur le transhumanisme, groupuscule extrémiste qui œuvre dans l’ombre pour libérer l’Homme de ses entraves, télécommande organique en forme d’insecte…le tout supervisé par Eros & Thanatos, vous l’aurez compris : le créateur de “Vidéodrome” bégaye ses tics de réalisation et s’auto-congratule dans une compilation absolue de ses longs-métrages.
Ce scénario-pondu par l’un des derniers Maitres de l’Epouvante ! – verse dans la psychanalyse de comptoir et l’Art conceptuel daté.
Davy compile les strates d’interprétations, de machinations et de fausses révélations ad nauseam.
Vous attendiez “La Métamorphose” ?
Vous aurez “Le petit chose”.
Merde !
Le festin pue.
Quitte à replonger dans une fausse adaptation du grand romancier austro-hongrois, autant réviser ses classiques et mater “Ombres et Brouillard” de Woody Allen !
Cette critique de la télé-réalité, de la culture “Tik-Tok” et de la technologie moderne dénuée de sens s’enlise dans l’intellectualisme et l’onanisme.
Si seulement les mouvements de caméra nous sauvaient de notre léthargie !
Hélas, la réalisation est des plus poussives est fait peine à voir.
Mr Cronenberg semble découper ses scènes comme des historiettes sclérosées et indépendantes l’une de l’autre. D’où cette impression tenace de “film à sketchs” sous-tendu par une vague trame générale.
Pire, on se demande souvent si le casting est concerné par cette boucherie-charcuterie ? S’il perçoit les tenants et aboutissants de ce long calvaire ?
Seuls Viggo Mortensen et Kristen Stewart tirent leur épingle du jeu, l’un misant sur le recul permanent, l’autre sur l’excitation puérile d’une groupie.
Et le reste, on s’en balance.
Ce n’est pas un électrochoc, c’est un défi à la narcolepsie.

Mais le supplice ne s’arrête pas là.
Le fidèle Howard Shore souligne sa nouvelle bande-sonore à grands renforts de thèmes cycliques et récurrents mais méprise l’auditoire. Car cet emprunt non avoué du 2ème mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven (“Hamlet” par Johnny Hallyday, tu te souviens ?), relifté superficiellement, c’est une mauvaise blague ?
Non ?
Ah bon ?
Et que dire de son utilisation systématique qui nous épuise et nous agace ?
Un interstice entre deux plans ? Vite ! La septième !
Saul Tenser qui passe d’un quartier à un autre ? Bim! Deuxième mouvement.
C’est redondant, c’est rébarbatif, c’est interminable.
Enfin, comment ne pas fustiger cette scène racoleuse et putassière où le cadavre d’un enfant de 8 ans, totalement nu, est éventré devant une foule conquise ?
C’est plus que mon esprit analytique ne peut le supporter.
Quel gâchis !
Dans le paysage cinématographique actuel et la carrière sans-faute d’un génie touche à tout, ce “Crimes du Futur” est un crime de lèse-majesté.
Un film d’auteur présomptueux et inutilement compliqué.
L’escalier tortueux d’un phare menant au pire des nanards.
L’ai-je bien descendu ?

John Book.