Les quatre lyonnais de Kitch, Adrien Maillet (claviériste), Léopold Riou (guitare/chant ), Dany Boutin (guitare/chant) et Thomas Loureiro (batteur), défendent une musique expérimentale hors norme teintée de Rock/Noise/Techno. En digne ambassadeur d’un esprit indie rock français novateur, défricheur d’horizon, ils prennent à bras le corps leurs univers en constante expansion et décident de faire de leur leitmotive : ce qu’il aime musicalement, sans limite. Réinventeur de sonorités qui pourraient nous évoquer du Pink Floyd par moments, puis à du Red Hot Chili Pepper, ou du Brian Eno l’instant d’après, les influences sont multiples. En mélangeant celles-ci avec un esprit novateur et une liberté absolue de ton, ils créent des sonorités transversales. Loin de se contenter uniquement de brouiller des pistes trop usitées, ces quatre jeunes gens poussent le bouchon de l’expérimentation hors de leurs zones de conforts, devenant tour à tour bruitiste, ambiant, vivifiant ou planant, et ça bouillonne, ça pétille, ça percute. Ils nous ont accordé un moment d’échange, précieux à nos yeux, et nous vous en livrons le contenu ….
C’est quoi exctement l’ADN musical de Kitch ?
Adrien :L’ADN est pluriel. On vient d’univers plutôt différents, donc c’est assez éclectique dans la manière de travailler, mais dans l’ensemble on s’inspire beaucoup de chacun. J’ai découvert énormément de courants, de musiques, que je ne connaissais pas, grâce aux gars. Je me suis même surpris à aimer certaines choses que je n’aurai pas imaginé, et je pense que c’est réciproque. On mélange toutes nos envies, toutes nos connaissances, en restant super ouverts d’esprit. Et ce qui prime pour nous c’est ce qu’on ressent lorsqu’ on fait de la musique ensemble. On se fait plaisir.
Léo : Oui c’est très dur à définir. Pour la facilité je dirais que notre ADN c’est du « rock alternatif » car ce n’est pas vraiment du krautrock, ni du rock psyché, ce n’est pas non plus du stoner, ou du métal, c’est donc une sorte de musique alternative, un rock différente. La seule vraie définition c’est « on se fait plaisir ». Et c’est ça aussi le rock.
Dany : Comme on dit assez souvent, on vient de milieux différents, donc quand on a mis ça ensemble et ça a créé ce groupe. Et puisque ça fonctionne et qu’on est bien ensemble, on ne lâche rien et on continue…
Justement, les influences que l’on pourrait retrouver dans votre musique sont nombreuses, c’est un peu le choc de vos cerveaux qui donne cette énergie mélodique ?
Adrien : On est un quatuor qui se complète très bien. Comme on le disait à l’instant, on vient tous d’univers différents, mais en même temps très similaires sur certains points. On s’est rencontrés assez jeunes, alors forcément nous évoluons musicalement ensemble. Ce qui fait que cette énergie que l’on dégrade, elle prend corps quand on est sur une scène ensemble. Et individuellement on est aussi capable de dégager quelque chose d’assez puissant, puisqu’on se connaît très bien. C’est sans doute cette force là que nous avons, de mettre notre énergie réciproque en phase pour faire une musique calme, posée, comme une musqiue rock, très énervée : c’est parce qu’on est à l’aise entre nous.
Et vous avez aussi quelque chose de très communicatif ?
Thomas : Carrément. Notre principal but c’est avant tout de s’amuser. A partir du moment où tu kiffes ce que tu fais, c’est forcément communicatif avec quelqu’un qui arrive à le ressentir dans la salle.
Dany : Il y a une véracité de propos en fait : à partir du moment où , dans la vie, et surtout dans les milieux de l’art, si tu es vrai tu le partages de façon plus instinctive. Quand tu vas à un concert et que tu vois que les artistes s’éclatent sur scène, c’est forcément communicatif, tu as immédiatement la banane. Et c’est vrai ce que disent les gars, Léo, Adri et Thomas, depuis le début : on a cette chance de s’aimer comme des frères, de vivre ensemble, de se comprendre, et d’avoir grandi ensemble aussi au sein d’un conservatoire, on s’aime fort ! Donc je pense qu’on le transmet spontanément et que le public le ressent.
Léo : C’est la façon dont on s’est rencontrés aussi. Il y avait un prof de guitare au conservatoire qui faisait un atelier d’impro libre, c’est là qu’on s’est rencontrés. Au final on a laissé les guitares par terre, on a pris les pianos et on a fait des sons. C’est comme ça qu’on a joué la première fois ensemble. C’est peut-être de là qu’est parti un truc, dans l’impro libre il y avait déjà une synergie forte. C’est parti vraiment d’un atelier d’expérimentation et nous avons gardé cette énergie communicative.
Si je résume, il y a ce que vous donnez au public, et ce que vous échangez entre vous avec une sorte de langage que vous avez développé entre vous ?
Adrien : Complètement. On a une vie commune, on mûrit et on passe à l’âge adulte ensemble ! Et c’est ce qu’on raconte aussi dans nos textes.
On n’est pas juste un groupe, on est plus que des amis ! Des copains plus que des amis d’ailleurs, je trouve cela plus fort.
Vos albums ont la particularité d’avoir énormément de morceaux dessus. Comment faites-vous pour en mettre autant sans que ça déborde ?
Thomas: C’est un cheminement assez naturel en fait. Et comme le disait Adrien, on s’est découverts dans un groupe d’improvisation, nous devions forcément créer nos codes, une sorte d’alphabet propre à nous même. Quand on compose, on est toujours dans ces codes-là entre nous. Quand on veut aller trop loin, il y a la petite voix de la raison qui nous ramène à l’ordre et on arrive à condenser. Sur le dernier album on a même réussi à condenser de façon plus efficace, mais c’est aussi parce qu’on reste attentif. Même si on ne veut pas être influencés par l’extérieur, aujourd’hui c’est difficile de ne pas l’être ! Mais en effet, on arrive à créer un truc qui ne touche peut-être pas tout le monde, mais ça en touche nous, et si ça ne déborde pas c’est plutôt bien. On peut le dire, si tu aimes la musique un peu barrée, tu peux t’y retrouver. Je pense qu’on ne se trompe pas.
Dany : On doit aussi beaucoup à la musique qu’on écoute. On est très attachés au format album : un album ça raconte quelque chose, par juste enchaîner des musiques les unes après les autres. Par exemple, Adrien est un grand fan de Nils Frahm et il nous apporté toute cette musique expérimentale narrative qu’on écoute beaucoup. Je ne vais pas citer d’autres artistes, mais on est vraiment attachés à un format où ça raconte une histoire, où il y a de l’expérience, de la communication par la façon de toucher les instruments différemment. C’est cela qu’on a essayé de mêler, alors si tu dis que ça ne déborde pas, c’est trop cool, ça veut dire qu’on fait bien les choses, merci beaucoup !
Ce qui est intéressant aussi, c’est que vous ne semblez pas être formatés? Vous avez la liberté de vous dire que vous pouvez faire un album avec 17 morceaux, en arrivant à un résultat qui est quand même bluffant !
Thomas : Le radio-edit, c’est pas nous ! Finalement ne pas avoir de limites dans ce qu’on fait c’est aussi un atout, pour s’imposer. Parfois on se force à ne pas respecter le cadre, même si il n’y a jamais rien de totalement libre dans l’absolu. On ne se pose pas les mêmes limites que les autres. On se pose d’autres cadres ailleurs.
Votre groupe existe déjà depuis quelques temps, est-ce que vous estimez que, dans le futur, vous pourrez aller encore beaucoup plus loin dans votre démarche, ou au contraire, vous voulez garder cette espèce de cocon que vous avez ?
Thomas : Ça va dépendre de la démarche que l’on va actionner sur l’album ou l’EP qu’on veut faire… C’est une recherche entre nous, et on en parle déjà ! Il y a aussi de la musique « hasardeuse », qu’on voudrait pouvoir mettre. Si ça nous plaît, et que nous nous disons : « wouah ! » Là, on travaillera plus profondément sur le concept.
Adrien : Par exemple pour NEW STRIFE LANDS, on est arrivés à 90 ou 100 productions ! Donc quand on a bossé sur l’album, on s’est dit qu’il fallait faire des choix. On a donc sélectionné ce qui nous plaisait le plus, et après on a retravaillé autour. Mais en fait on adore tellement produire et composer qu’il y a cet aspect là, où tu peux vite passer 1h30 à expérimenter sans même t’en rendre compte ! C’est peut-être là que sont les contraintes qu’on s’impose. Entre HENGER et NEW STRIFE LANDS on entend quand même qu’il y a une approche beaucoup plus concise. On a fait des choix, mais toujours avec cette liberté. Avec le recul HENGER, c’est vrai qu’on était super libres, c’était la fête quoi ! (rires) Bon, on avait 6 mois de groupe en même temps…
Au delà de la richesse de vos compositions, sans se tromper, on peut dire que vous êtes un vrai groupe de live. Pour autant arrivez-vous facilement à transposer vos compositions en live ?
Clairement on est amoureux du live ! On aime autant l’un que l’autre à 50/50 ! Pour l’album on s’est enfermés 2 semaines dans un chalet, on avait déjà composé, on avait déjà des idées de riffs et des idées qui venait naturellement. Le rock c’est quand même le live principalement. Et nous de l’énergie, on en a à revendre (rire) !
On met aussi un point d’honneur, même si on ne se l’est jamais vraiment dit, de ne pas composer quelque chose qu’on ne pourra pas faire en live.
En fait il y a deux KITCH : le KITCH du live, et le KITCH du studio ?
Dany : Oui ! Même si on aime bien faire des morceaux hypers produits, si le morceau doit être un peu retourné, un peu réarrangé pour le live, ça ne nous pose aucun problème. Une boucle de synthèse sur l’album, hyper produite, ça nous est déjà arrivé. Sur NEW STRIFE LANDS pour le morceau « Charismatik », par exemple, on avait enregistré les deux guitares et la batterie tous les trois, et Adrien a pris le temps de jamer dessus, et à un moment son séquenceur analogique a sorti cette boucle de techno. Le problème, c’est que c’est un séquenceur analogique, et pour le faire en live, bonjour… (rires)
Adrien : Sur la compil des Trans, c’est le seul morceau qui a été composé de cette façon. Cette boucle a disparu en fait ! En live, Adrien ne peut pas le faire au séquenceur, donc je le fais au SPD, et lui il fait autre chose en attendant. Il y a deux manières de produire.
Thomas : On est tous fans de musique produite, et on en écoute aussi. Les gars, chez eux dans leur coloc ont commencé à monter un petit studio, avec Gabriel qui travaille avec nous au son en live aussi, et chez moi j’ai mon petit studio aussi, donc on peut aussi commencer à travailler de plus en plus chez nous. On va avoir de moins en moins besoin des studios extérieurs. On a aussi acquis des techniques et on commence à avoir un « savoir faire », pour enregistrer, mixer, savoir se débrouiller…
Léo : Ca va dans le sens où on se dit qu’on ne va pas se mettre de barrière, et on est avides de rencontres ! Rencontrer d’autres zicos ou autre, travailler avec d’autres gens, on adore ce qu’on fait, notre vie, elle est trop cool ! (rires) Et il y aura toujours des riffs sur scène !
Aujourd’hui vous êtes aux Transmusicales : ça vous fait quoi ?
Quand on a appris qu’on était programmé au Transmusicales, on a sauté partout, on était tellement heureux, parce que c’est un excellent festival ! L’année dernière, on a joué aux bars en Trans de Rennes, et quand on est passés devant l’Ubu, qui est un lieu mythique, on s’est dit :« Oh ce serait super stylé, d’y jouer l’année prochaine… ». Cette année nous y sommes, c’est un rêve de gosse ! On est contents, émus même !
Avec un bon stress forcément, mais on a envie de s’éclater. Tu as toujours un stress, mais c’est celui qui te fait progresser, celui qui te fait bosser...
Photos du concert de KITCH aux Trans-Musicales par ici
Entretien Stéphane Perraux – Retranscription Anne-Marie Léraud pour Lust4live.