“Jungle Cruise” de Jaume Collet -Serra. And Nothing Else Matters

Voilà l’été ! La période propice aux terrasses entre ami(e)s, aux échanges masqués sur le 7ème Art et aux longs-métrages “bigger than life” dans les salles de cinéma. Alors que James Mangold poursuit le tournage d'”Indiana Jones 5″ à Londres sous haute surveillance, les fans du Monde entier sont à cran. Et cherchent un substitut à l’Aventure avec un grand “A”. Après des mois d’abstinence en salles obscures, me voici, donc, de retour-avec mon fiston ! – dans un multiplex où le pop-corn coule à flot dès 9h30 du matin (sigh !) pour “Jungle Cruise”.
L’affiche laisse présager une saveur “old school” qui n’est pas pour me déplaire et, en dépit de faux espoirs (le reboot du “Trésor de Matacumba” pour seule illusion), cette adaptation cinématographique d’une attraction m’intrigue.
Moteur. Action.
Incursion. Digestion.
N’y allons pas par quatre chemins, cette escapade déçoit.
J’attendais énormément du réalisateur surdoué de “Night Run”, “Instinct de survie” et “The Passenger”. Par l’entremise de mouvements de caméras élégants et d’une photographie soignée, ces trois longs-métrages inspirés s’écartaient des sentiers aseptisés. Mieux, ils portaient la signature d’un movie-maker qui s’extirpait sans mal de commandes hollywoodiennes pour mieux les appréhender.
Un vrai réalisateur populaire aux manettes avec un sens du storytelling remarquable ? Inévitablement, cela ne pouvait qu’attirer la firme aux grandes oreilles !
Ce fut, donc, “Jungle Cruise” inspiré d’une attraction de Disneyland, tout comme “Pirates des Caraïbes” ou “Tomorrowland” (“A la poursuite de demain” de Brad Bird, chef-d’œuvre de SF boudé et injustement méconnu).Grosse production, casting de choc et charme désuet des pulp’s pour plaire aux quinquagénaires…et plus.
Seulement, à trop vouloir formater ses produits, Disney engonce ses réalisateurs dans des costumes trop étriqués.
L’exotisme est bien présent dans cet hommage appuyé à “La Momie” de Stephen Sommers (ce préambule dans la bibliothèque est un clin d’œil évident) et le cahier des charges (l’immuable quête frénétique pour sauver le Monde) bien rempli. Mais pour l’originalité scénaristique, on piochera définitivement ailleurs…De plus, Jaume Collet-Serra semble coupé dans ses élans créatifs. Là où le cinéaste espagnol nous collait à notre fauteuil avec un sens du suspens savamment dosé (l’hitchcockien “The Commuter” ou le terrifiant ” The Shallows”, digne héritier de “Jaws”), sa nouvelle production patauge dans le déjà-vu et le resucé. Certes, le long-métrage ne verse jamais dans le plagiat de l’homme au fouet et tend plus vers la saga (et le bestiaire) de Jack Sparrow . Ou l'”African Queen” de John Huston. Certes, l’ensemble se laisse voir sans déplaisir et galvanise les plus jeunes. Mais là où le talentueux Brad Bird prenait à bras le corps une commande en la triturant dans tous les sens, “Jungle Cruise” laisse un sentiment de paresse et d’inachevé.
Voyage au bout de l’ennui ?
Attraction désastre ?Pas loin.
Mais après avoir tiré à boulets rouges sur ce navire, je dois lui reconnaitre une certaine allure…et des qualités indéniables qu’il serait honteux d’ignorer.
En premier lieu le choix de son casting.
Le duo formé par nos deux protagonistes fonctionne à plein régime. Emily Blunt, toujours aussi piquante depuis son incarnation de “Mary Poppins” (rôle convoité par Anne Hathaway), est parfaite en tête brulée féministe. Dwayne Johnson lui donne la réplique (et ses jeux de mots plus pourris que les miens) avec bonhomie et joue les roublards au cœur tendre sans se prendre au sérieux. Jack Whitehall se décalque, gentiment, sur Jonathan Carnahan en lui ajoutant une teinte “over the rainbow”. Jesse Plemmons, fantastique dans la seconde saison de “Fargo”, parodie les despotes germaniques (la V.F. est priceless) sans sourciller et l’immense Paul Giamatti campe un méchant de pacotille avec délectation.
Le haut du panier, sans se forcer.
En second lieu, une composition enlevée et “on the rocks”.
Dès la séquence d’ouverture, vos oreilles ne vous font pas défaut et vous entendez avec stupéfaction…Metallica !
James Newton Howard, compositeur culte et prolifique, a collaboré étroitement avec le batteur Lars Ulrich afin de concrétiser le fantasme d’un fan absolu. Insérer dans un blockbuster une relecture symphonique de “Nothing Else Matters”.
Lorsque l’on découvre que ce fan n’est autre que Sean Bailey, président de Walt Disney Pictures, ce choix audacieux relève aussi bien du caprice que d’une prise de risque tant le morceau s’insère étrangement dans la bande-son. Pas de thème-gimmick en vue. Pas de leitmotiv musical.
Non.
Juste une agréable surprise qui donne le ton !On ne peut posséder “The Rock” dans sa distribution sans y insuffler un minimum de grandiloquence.
Enfin, la photographie de Flavio Martinez Labiano mériterait, à elle seule, un Oscar tant les couleurs séduisantes (valorisant une 3D optionnelle à la projection) explosent votre rétine.
Alors ?Moins “fun” que la franchise “Jumanji” ou “A la poursuite du diamant vert” et moins mystérieux qu’un ” Temple Maudit”, “Jungle Cruise” est un objet hybride qui tourne à vide. Un divertissement de qualité totalement désincarné.
On pourrait, aussi, reprocher à cette série B friquée une certaine démagogie et un brassage de valeurs dans l’air du temps : le girl-power, le “pink washing” ou la protection des animaux au sein d’une société souvent réactionnaire.
Walt Père la Morale?
C’est un fait.
Disney fait, ici, office de garde-fou mais verse, surtout, dans l’uniformisation de la pensée bienveillante.
On connait toutes et tous le refrain d'”It’s a Small World”.Oui. Oui.
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
Mais, au sortir d’une séance, si cette avalanche de compassion pouvait éclairer la lanterne de nos bambins, élever leur conscience et réveiller, en eux, l’âme d’un Jimini Crickett?
Car, au final…Rien d’autre ne compte.


John Book.