[Interview] YARD – « Appetite »

Après une année 2024 marquée par des performances explosives à travers l’Europe et un passage remarqué aux Trans Musicales de Rennes, le trio électropunk YARD frappe haut et fort avec un premier EP éponyme, dense, viscéral et surtout sans compromis. Entre techno industrielle, rock électronique et post-punk abrasif, le combo irlandais mélange les genres et s’impose comme l’un des projets les plus audacieux de la scène irlandaise actuelle. À travers quatre titres puissants, YARD explore la psychologie du vivant — la colère, la mort, le doute, le chaos, la révolte et l’isolement — avec une approche chirurgicale, mêlant énergie punk hypnotique et recherche sonore avant-gardiste alléchante. Rencontre avec Emmet White (vocalist & bass synth), leader d’un groupe qui bouscule les codes et transforme chaque concert, chaque morceau, en une expérience sensorielle totale.

 

« Trevor » ouvre l’EP avec une histoire profondément personnelle et intime à propos d’un vélo volé. Pourquoi avoir choisi cette métaphore pour initier le projet ? Et comment reflète-t-elle votre approche de l’écriture et de la composition ?
Trevor aborde directement l’histoire du vol de mon vélo, mais à plus grande échelle, il aborde la transition de la jeunesse à l’âge adulte. En vieillissant, on laisse derrière soi certaines croyances et motivations. Trevor était un vélo d’enfance, et sa perte était une façon concise de présenter cette idée. Nous avons ouvert l’EP avec Trevor, car c’est ainsi que nous ouvrons nos concerts et, thématiquement, il annonce un nouveau départ.

Dans « Appetite », vous explorez le vampirisme psychologique et les pensées intrusives. Comment transposez-vous ces thèmes abstraits et mentaux en textures sonores concrètes ?
Lorsque j’écris des chansons, et en particulier avec « Appetite », j’acquiers une meilleure compréhension des concepts abstraits au cours du processus d’écriture. En travaillant sur ce morceau, j’espère mieux comprendre le thème que nous explorons. La texture d’une chanson et ses thèmes se succèdent et se renforcent mutuellement. Dans le cas d’« Appetite », des pensées intrusives transparaissent dans l’intensité du morceau, le mouvement incessant et la qualité du chant.

Votre son oscille entre techno industrielle, post-punk et rock électronique. Cette orientation était-elle intentionnelle dès le départ ou s’est-elle développée naturellement au fil du temps ?
Notre son a beaucoup évolué au fil du temps. À ses débuts, plutôt noise-rock, nous avons atteint notre niveau actuel grâce à l’exploration des genres électroniques. L’adaptation aux synthétiseurs, à la batterie électronique, au sampling et aux effets vocaux a été essentielle pour obtenir le son que nous avons aujourd’hui. Nous restons fidèles à nos racines noise/punk avec l’utilisation de la guitare et de certains éléments vocaux. C’est dans la combinaison de ces genres que vous avez mentionnés que nous nous sentons le plus épanouis et à l’aise.

Vos concerts sont connus pour leur intensité immersive. (Je l’ai vécu en live lors de la dernière édition des Transmusicales à Rennes). Comment la scène influence-t-elle votre façon de composer et de transmettre votre musique et vos messages ?
Nos concerts sont très importants et nous y avons consacré beaucoup d’efforts au fil des ans. Nous travaillons en étroite collaboration avec James Eager et Cian Finlay, ingénieurs du son et de la lumière, pour créer le spectacle le plus parfait possible. Notre objectif est d’immerger le public et de créer inévitablement ces moments d’évasion. Jouer cette musique est une évasion personnelle pour chacun de nous et nous souhaitons la partager avec le public.

Comme des groupes comme Sleaford Mods, Gilla Band, Enola Gay et Chalk, il y a quelque chose de chaotique et de radical dans vos chansons. Est-ce influencé par votre rapport à votre propre identité et à votre environnement social ?
Nous avons toujours été attirés par la musique heavy et intense, et c’est ce qui nous procure le plus de satisfaction à écrire et à interpréter. C’est ce qui est venu naturellement lors de la formation de notre son et c’est quelque chose que nous comptons continuer à explorer.

« Sunlight » se distingue par son ton introspectif et son exploration du désespoir. La musique est-elle pour vous une forme de catharsis émotionnelle ?
Sunlight est assurément une chanson cathartique et résume parfaitement ce que nous recherchons dans notre musique. Personnellement, pouvoir mettre autant d’énergie dans une performance est thérapeutique et me permet de traiter les idées abordées par la chanson. Cette sortie, fruit de mes performances et de mon écriture, n’a fait que grandir au fil des ans, et je suis très chanceux de l’avoir et de la partager avec George et Dan.

Vous avez tourné à travers l’Europe et avez déjà tourné avec Chalk au Royaume-Uni. Comment percevez-vous cette reconnaissance hors d’Irlande ?
C’est incroyable de recevoir un accueil aussi positif pour notre musique hors d’Irlande. Nous avons vraiment apprécié créer des moments avec le public du Royaume-Uni et d’Europe. Visiter des pays pour la première fois et nous y produire a été un véritable plaisir. Nous avons hâte de poursuivre ces opportunités et de partager notre travail avec toujours plus de monde.

Photo (c) Patricia Rosingana