Un an à peine après leur formation, Violent Sadie Mode débarque avec un premier EP « Incelcore » qui claque comme une gifle. Six titres courts, nerveux, qui réveillent la flamme punk hardcore dans sa forme la plus brute et viscérale. Né d’un coup de tête, né d’un enregistrement solo dans une cave bordelaise, le projet a rapidement pris corps autour d’une urgence commune : crier ce qui brûle à l’intérieur, mettre des mots et du bruit sur la rage, la peur, la honte, mais aussi la solidarité.
Emmené·e par Sadie, voix criante de sincérité et de colère lucide, le quatuor revendique une indépendance totale et une fidélité sans compromis à l’esprit DIY. À travers « Incelcore », Violent Sadie Mode ravivent la flamme d’un punk viscéral et frontal, qui refuse la résignation et transforme la douleur en force collective.
On a rencontré Sadie pour parler de ce premier disque, de l’énergie du groupe, de la place du punk aujourd’hui et de la puissance de crier enfin, haut et fort.
Votre son frappe fort d’entrée de jeu : court, nerveux, frontal. Comment s’est passée l’écriture de ce 1er disque ?
L’écriture du disque a été le point de départ de la création du groupe en fait. Ça vient d’un hyper focus de Rémi sur une après-midi, qui, sur un coup de tête, a enregistré des riffs sur son téléphone. Le lendemain, il est allé à notre cave pour enregistrer les maquettes des 6 morceaux tout seul. Le groupe n’existait pas à ce moment-là, et plus que ça, moi j’avais jamais chanté. C’était il y a pile 1 an.
Quand il a fini les maquettes, il m’a proposé que je mette du chant dessus en me disant « t’inquiète, t’as pas besoin de savoir chanter, il suffit de crier avec la bonne vibe ». J’ai adoré l’exercice, et on s’est dit ensemble qu’il y avait un truc à faire, pas juste pour le plaisir dans notre coin, mais pour faire un vrai groupe.
C’est là qu’on a proposé la basse à Hugo, un ami d’enfance de Rémi, qui est ultra fan de musique extrême, et c’est Hugo qui ensuite nous a trouvé Elmo, un tout jeune batteur prometteur, fan de hardcore. L’ambiance a vite été chouette entre nous 4.
Aviez-vous une idée précise de ce qu’il devait être dès le départ ?
Oui, l’idée de Rémi était claire dès le début : refaire du punk hardcore à la Minor Threat, avec lequel il a grandi. Bien sûr, l’ajout de ma voix change pas mal la personnalité des sons qui étaient pensés à la base, mais c’est pour le mieux je pense.
Vous parlez de raviver la flamme punk et de montrer qu’elle brûle encore. Comment voyez-vous la scène punk actuelle, et où vous y situez-vous ?
Pour nous, l’esthétique punk est un support pour extérioriser tout un tas de choses qui passeraient mal dans d’autres contextes. C’est ça la force de ce style : il permet de balancer tout ce que t’as sur le cœur, et ça choque personne, les gens sont là exactement pour ça. Il y a un truc beau là-dedans.
Actuellement, il y a un revival de la musique hardcore, mais elle s’oriente plus vers des sonorités modernes inspirées par le métal. Personnellement, c’est une approche que j’aime moins, je suis plus touchée et fidèle au punk hardcore classique, plutôt qu’au metalcore qui grandit en ce moment. Cela dit, on est agréablement surpris de voir la convergence de ces deux styles dans notre public.
Sadie, ta voix porte une rage mais aussi une grande lucidité. Qu’est-ce qui nourrit ton écriture et cette colère ?
Depuis presque toujours, j’écris des textes, des poèmes et des chansons dans un carnet, tel un ado mélancolique. Ça vient surtout du fait que j’ai toujours eu du mal à verbaliser ces choses qui m’énervent ou qui me rendent triste, donc l’écriture m’a beaucoup aidée à mettre ces ressentis en quelque chose de concret.
Ça a souvent été un cadre intime pour moi où je peux me permettre de ressentir ce que je veux. Utiliser ces textes pour des chansons m’a permis de pousser cette extériorisation encore plus loin, en les interprétant en chant punk, où j’ai le droit de verbaliser, de crier, de me mettre en colère et surtout de les partager avec les autres.
La lutte contre les violences sexuelles et sexistes est une cause qui me touche particulièrement, dû à mon vécu où j’ai été malheureusement beaucoup confrontée à ces expériences de violences. Je suis naturellement quelqu’un d’assez anxieuse et réservée, ce style me donne la force et l’espace d’exprimer ma rage, de la partager de manière crue et sans honte.
Qu’est-ce que vous vouliez dénoncer et mettre en lumière le plus dans vos textes ?
Le silence et l’ignorance des gens face aux VSS, le tabou des souffrances mentales, la passivité des politiciens et le contexte politique merdique, …
Et qui est donc le Mr. Bunny qui clôture ce disque ?
Mr. Bunny est une petite personne qui cherche à s’émanciper de son environnement statique et campagnard, dans l’espoir de trouver un endroit stimulant où il peut se construire. Il a une idée glamorisée de la ville, qui est ensuite mise à mal par la réalité… mais résolue par le pouvoir de l’amitié lol.
Comment s’est construite votre dynamique de groupe ? Venez-vous de parcours différents ?
Moi je fais des études en psychologie, j’ai obtenu ma licence l’année dernière. J’avais toujours voulu faire de la musique mais à l’époque je voyais pas trop comment m’y prendre.
Rémi est intermittent du spectacle, il joue dans pas mal d’autres groupes à Bordeaux.
Hugo est un chanteur de metal à la base, il joue aussi dans d’autres formations. Il m’aide beaucoup à progresser dans les techniques vocales d’ailleurs.
Et Elmo vient de finir le Ciam, une école de musique à Bordeaux (dans laquelle était aussi Hugo il y a quelques années).
La dynamique du groupe est très fluide : comme moi je connaissais bien Rémi, et que Rémi connaissait bien Hugo, ça facilite les choses. On est tous les 4 très potes aujourd’hui.
Vous sortez cet EP sur un ensemble de labels DIY et scènes locales. Qu’est-ce que représente aujourd’hui l’indépendance dans la musique, au-delà du simple fonctionnement économique ?
En fait, être indépendant dans la musique qu’on propose, c’est le seul moyen d’exister. Tu ne peux pas débarquer de nulle part et signer avec une grosse prod du jour au lendemain, ça n’existe plus dans notre niche.
La seule voie possible pour développer un projet comme le nôtre, c’est de s’allier avec des gens déter de la scène locale, et de montrer tous ensemble qu’on existe. L’indépendance c’est un moyen de survie.
Sur scène, votre son promet d’être encore plus radical que sur disque. En tant que jeune groupe, est-ce que le live vous aide à dépasser vos limites ?
Personnellement j’ai découvert très récemment le plaisir de la scène, et oui clairement ça m’aide à dépasser mes limites. Grâce à mon “alter ego” sur scène, je me permets grave de m’exprimer d’une manière qui serait pas possible ailleurs, et j’adore ça.
Les trois autres, ça fait plus longtemps qu’ils font ça, ils ont plus l’habitude, mais c’est évident que ça leur plaît beaucoup aussi.
Comment vivez-vous ces moments face au public, et avez-vous un rituel avant de monter sur scène ?
Depuis un an que le groupe existe, on a joué dans des endroits très différents les uns des autres. C’est vraiment pas la même approche et le même ressenti en fonction des types de lieux, et du monde que tu as devant toi. Et c’est d’ailleurs une super chose, parce que comme ça on ne se lasse pas, il faut toujours s’adapter.
Moi en tout cas, c’est des moments que j’aime énormément, et j’espère qu’on pourra continuer et en faire de plus en plus.
On n’a pas spécialement de rituel avant de monter sur scène : moi je prends quand même le temps de m’échauffer un peu la voix, et puis après on s’approche de la scène, on partage nos sensations et on se soutient. C’est très simple, et c’est très bien comme ça.



