[interview] RIVIERE “Dans la Splendeur”

RIVIERE, c’est une profondeur et une force qui font vibrer nos oreilles et nos sens. Avec ses textes poétiques, sombres, rageurs ou rugueux, toujours pertinents et une voix d’une sensibilité telle qu’elle fait résonner toute l’authenticité des paroles chantées, on se laisse volontiers entraîner dans cet univers d’une sombre ardeur captivante. Mélange de rythmiques entraînantes et de mélancolies riches accentuées par des sonorités rock anglo-saxonnes, voilà autant d’atouts qui nous emmènent dans le monde qu’il crée sur le fil des 5 titres envoûtants de son nouvel EP “Dans la Splendeur”. Sans détour, Il nous en parle . 

Comment définirais tu ton univers musical ?
Quand je me suis lancé dans RIVIERE, cette aventure solo, je ne savais absolument pas quelle forme elle prendrait. Mais j’étais en réaction à mon histoire musicale ; quoi qu’il se passe dans ma « carrière » de musicien, je souhaitais avoir un refuge artistique où je pourrais faire tout ce qu’il me passerait par la tête. Les choses ont depuis pris une certaine consistance mais je garde cet objectif comme ligne directrice.

Aujourd’hui, je mélange rock et pop, c’est la musique que je sais faire, et je chante en français. J’essaye de composer et d’écrire une musique et des textes sensibles, émotionnels. Je cherche à faire en sorte que chacun des morceaux ait un intérêt musical et/ou narratif, en y intégrant ce que j’aime et comprends des autres styles (folk, jazz, classique…).


Après ton premier album “Sous le pont où RIVIERE braille” sorti en 2020, quelle était l’idée, le point de départ de l’écriture de ton nouvel EP “Dans la Splendeur”?
Ces dernières années, je n’ai pas vécu les décisions sanitaires comme le moyen de faire une pause salutaire et apaisante. J’ai sorti des vidéos « lives » et des documentaires, et j’ai collaboré avec des artistes graphiques sous le projet « RIVIERE BRAILLE ENCORE ». Même si je suis très heureux et très fier d’avoir pu faire vivre mon premier album de façon virtuelle, psychologiquement, j’ai ressenti cette période comme un bâton supplémentaire dans la roue de mon développement professionnel. Mon souci, loin s’en faut, n’était pas de savoir quand allait être reportées mes dates de sorties d’albums et de tournées, mais de savoir si j’aurai encore la force mentale de faire exister RIVIERE. Donc cet EP a été l’expression d’une volonté de persévérance !

Artistiquement, je voulais une très grande majorité de sonorités naturelles de vrais instruments. Je souhaitais affirmer un coté plus « direct » et délaisser le coté alambiqué que pouvaient avoir les morceaux de l’album précédent. Ce fut la même démarche pour les textes. J’avais envie et le besoin d’être plus clair avec moi et les autres, sans redouter d’être plus cru, plus transparent. Il est fini le temps où je me cachais derrière une poésie absconse. Je garde bien entendu une part de mystère car j’aime les images abstraites et la possibilité des interprétations multiples.


Au-delà des sonorités que tu développes il y a une vraie richesse d’écriture. J’imagine qu’il y a vraiment un processus littéraire dans la genèse de tes textes?
Je n’écris qu’avec mon stylo Bic 4 couleurs Dark Vador ! Et c’est un peu cliché je le confesse, quand j’écris mes textes, j’ai à côté de moi « Les Fleurs du mal » et un recueil de textes de « Bashung illustré » par Killoffer. (Non, je n’allume pas de bougies ahah) Cela me permet de m’immerger dans une ambiance, dans une couleur de langage. Je m’en extirpe rapidement tout de même, mais certains mots lus m’aident souvent à me sortir d’impasses ou éveillent et éclairent une nouvelle idée, une nouvelle direction.

Concernant le processus d’écriture lui-même, le point de départ est la musique. La mélodie et les harmonies arrivent toujours avant les mots. Elles inspirent un thème, au minimum un état d’esprit. Ensuite, je découpe mon texte afin qu’il colle au plus près émotionnellement et efficacement à ce que dégage la musique au même moment. Je m’amuse tout de même bien souvent à prendre le contre-pied et à créer des effets dramatiques.

Je n’ai pas de culture poétique. Je ne connais quasiment rien aux règles mais j’apporte un grand soin à la sonorité des mots et à leur rythme.

Et où puises tu tes inspirations ?
Idem c’est un peu convenu, mais je puise dans ce que je vis, lis, regarde et ressens. Les textes naissent de tristesses, de colères, d’injustices, d’amour… Musicalement, je laisse faire le hasard et mes capacités !

As tu un artiste/groupe qui te scotche plus que les autres par son flow, par ses textes ?
Je n’ai pas un nom qui me vient en particulier, mais plus un ensemble qui témoigne de mon humeur du moment. Hop, je raconte ma vie :

Je suis très agréablement surpris de l’évolution musicale de Paramore et j’écoute leur dernier album « This Is Why » avec plaisir. Je suis en train de me plonger dans les disques d’Arman Méliès avec lequel je me sens plutôt proche dans sa démarche artistique actuellement. Queen reste une source intarissable de joies et de surprises. Leur discographie est incroyable ! Le jeune auteur-compositeur Gabriel Kröger, qui œuvre aussi dans le groupe Salammbô, est vraiment talentueux et je prédis qu’il va peser lourd rapidement. Il a une originalité plaisante que je n’avais pas ressentie depuis longtemps. Il a toujours Nina Simone, Marika Hackman, Des Ark, Propagandhi, Rage Against The Machine que j’écoute avec bonheur. Pour finir, je veux écouter plus et mieux Deftones. J’ai découvert avec l’album « Saturday Night Wrist » que j’étais passé totalement à côté de la subtilité de ce groupe.

 


Tous tes morceaux ne sont pas incarnés de la même façon. comment détermines-tu le point d’accroche qui donnera l’énergie du titre ?
J’essaye d’être au plus proche de mes envies. J’improvise et laisse volontiers entrer le hasard et la surprise. Mais dans un coin de ma tête, J’ai un certain nombre d’envies, une sorte de liste de souhaits musicaux que je veux exaucer, du genre : une intro a capella, une fin rock progressif, un morceau en deux parties distinctes, une idée rythmique particulière, etc.

En fonction de ce qui me vient avec ma guitare folk sur mon canapé, je puise alors dans cette liste et développe le morceau dans cette direction.

 


Avec le côté hyper introspectif de tes chansons, n’as-tu jamais peur de te montrer une certaine vulnérabilité aux yeux des gens ?
Les artistes comme Bashung, Noir Désir, Eiffel ou Prohom avaient mis la barre haut en qualité d’écriture. Prendre la décision de chanter en français, au-delà de l’aspect « livre ouvert », c’était prendre le risque d’être immédiatement comparé à eux. Pour ces deux raisons, le choix a été dur et m’a longtemps bloqué, mais depuis que je l’assume pleinement, je crois que montrer ma vulnérabilité est précisément ce que je cherche à faire !

Avant d’être un moyen de subsistance et un produit commercial, l’art est un mode d’expression, un jaillissement égoïste de ses émotions. Il y a donc, pour moi, un devoir éthique envers soi et le spectateur à être sincère. Le caractère inspirant et empathique est indépendant de la volonté de l’artiste, mais ne peut être qu’issu d’une forme de vérité.

La vulnérabilité dans sa forme péjorative n’est que dans les yeux des autres. De mon point de vue, je la ressens comme une puissance, celle d’avoir su affronter son propre côté sombre, son mal, ses faiblesses ou ses ressentiments. Cette démarche thérapeutique d’acceptation de soi dans son entièreté, c’est cela qui m’intéresse de faire et de présenter dans mes chansons. J’ai d’avantages peur de n’avoir pas ou mal été compris.

J’ai noté aussi un rythme puissant qui souligne l’affirmation d’un esprit militant, engagé. Je me trompe ?
Militant ? Je ne suis pas sûr. Créer est une forme de lutte, mais je ne me sens pas du tout légitime d’avoir ce qualificatif ; je n’adhère à aucun parti, je ne combats pas dans la rue. Peut-être que cela viendra…

Oui, j’ai des convictions, qui peuvent être perçues comme radicales par beaucoup, mais elles restent de l’ordre du privé et sont en perpétuelles constructions et affinages. J’essaye surtout d’être lucide sur le « d’où je parle ». Je résume cette pensée dans la chanson « Potlatch ». Je m’adresse à un xénophobe mais au fond je pense que le processus est le même pour chacun d’entre nous. Je veux montrer que ce que l’on prend pour des convictions et des croyances allant de soi (qu’elles soient jugées bonnes ou mauvaises par la société) ne sont très souvent que le résultat de conjonctures sociales et culturelles liées au hasard de notre lieu de naissance. Et je suis persuadé de la nécessité de ce besoin de recul pour une meilleure appréhension du monde et de l’autre.

Par conséquent, moi aussi je fais des erreurs, je m’en-tête, je m’engueule avec mes amis et ma famille, j’invective mon écran d’ordinateur devant des débats affligeants, je donne des coups d’épée dans l’eau. Donc en tant qu’artiste, il est hors de question de donner des leçons ou d’être péremptoire.

 

Je crois en effet que je suis alors plus engagé que militant. Comme je l’évoquais à la question précédente, mon engagement est dans mon processus créatif et dans la façon dont j’aborde le point de vue de mes sujets. D’après les chiffres de l’Insee, je vis sous le seuil de pauvreté. Je suis alors une de ses voix qui témoigne d’un contexte social, que je trouve assez peu entendu dans la pop musique. Celui de cette classe moyenne qui « n’est rien » mais qui n’adhère pas pour autant aux délires de cette réussite financière présentée comme la seule qui vaille la peine de suer.

 

 

Maintenant que ton EP est disponible à tous. Quel est ton sentiment premier ?
Un mélange ambivalent de satisfaction, de soulagement, de complétude et la sensation d’avoir jeter une bouteille à la mer ! Je suis très curieux de voir qui va être touché et de savoir comment les chansons vont être reçues. J’ai aussi l’impression de devoir immédiatement préparer la suite…

La suite pour toi c’est quoi ?
J’espère que 2023 sera l’année des concerts. Mon style « cul entre deux chaises » ne facilite pas les démarches mais je ne désespère pas !

Côté création, j’ai beaucoup d’envies et j’ai dans mon collimateur un planning chargé. J’ai dans mes cartons deux albums, un EP folk, des singles disparates et un projet littéraire. La plupart est déjà en cours de préparation. Cette année devra donc être aussi l’année de l’organisation, de la priorisation et de la recherche de financement, ahah !

J’aimerais montrer d’autres facettes musicales, écrire des chansons joyeuses peut-être ? J’avoue qu’avec ce qui s’annonce comme bouleversements, je ne suis pas sûr d’y arriver.

 

 

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