[Interview] Paddang “Chasing Ghosts”

Le combo toulousain Paddang sort un premier album “Chasing Ghosts”, aussi puissant que somptueux. Naviguant entre rythme énervé et atmosphère immersive, les 9 titres de cet album sonnent post-punk-noisy tout en faisant vibrer copieusement la corde sensible d’un psyché-rock-garage intemporel. Et c’est bien là que le groupe semble toucher du doigt la grâce, le disque créant une ambiance électrisante, mitonnée aux petits oignons où l’on peut s’immerger sans difficulté. Le plaisir chez Paddang est immédiat, ne dérogeant pas aux codes bien huilés que la discipline impose, s’approchant ainsi de bien des groupes auxquels on pourrait les comparer (King Gizzard & The Lizard Wizard, Osees, Slift ou Pond) mais en gardant une originalité dans le ton et l’esthétique. Pour peu que n’on ne soit pas réticent au style, ce plaisir directement accessible devient la marque d’une musique qui se savoure sans complexe. Avec “Chasing Ghosts” une tempête rafraichissant souffle dans nos oreilles et franchement c’est idéal pour vous mettre la patate et bien plus encore !

 

Quelle est l’histoire à l’origine de Paddang ?
Pour faire simple, c’est avant tout une histoire de rencontre et d’amitié. On s’est rencontré au bon moment dans nos vies respectives et avec la volonté commune de pousser les murs, d’explorer nos limites, d’exorciser nos questionnements intérieurs, de jouer du rock. Peu après nos premiers échanges, je suis parti en surf trip à Bali quelques semaines. C’est un voyage qui m’a marqué et j’en suis revenu avec le nom “Paddang” qui nous suit toujours aujourd’hui.


Comment définiriez-vous votre univers musical ?
On est curieux ! C’est une question difficile à laquelle on n’essaye plus trop de répondre, on fait simplement ce qui nous plait, du rock je crois. On pourrait certainement reprendre la formule de Lysistrata “post-à-peu-près-tout” tant nos influences sont riches. C’est ce qui collerait le mieux. Puis on essaye de condenser tout ça dans la musique qu’on crée en s’affranchissant des étiquettes pour créer notre univers aux teintes multiples.


Votre 1er album “Chasing Ghosts” est disponible depuis fin mars. Après de nombreux singles et un Ep vous vous sentiez prêt de passer à un grand format discographique ?
Oui c’était un challenge qu’on voulait relever; d’abord pour s’affirmer sur une scène rock francophone incroyable, puis pour nous, parce que c’était un rêve de gosse. C’est sûr, l’album est un format qui n’a plus autant la côte qu’avant mais pour nous c’est le format plus noble. Écrire un album, c’est un autre monde, tout doit avoir du sens, le simple fait de choisir un nom n’est plus anodin.


Vous a-t-il permis d’affirmer votre esthétique musicale ?
Paddang, c’est un groupe qui s’est fait dans la construction. Plus on avance, plus on aiguise nos goûts et nos envies. Le chemin qu’on a parcouru nous a permis d’arriver aujourd’hui à ce 1er album qui pose les fondations de ce que le groupe sera dans l’avenir. “Chasing Ghosts” c’est le premier vrai “essai” du groupe, il représente bien qui nous sommes, nos différentes couleurs et ce qu’on aimerait en faire. Mais ce n’est qu’un début !


Pour concocter les titres de cet opus, comment et avec qui avez-vous travaillé ?
Dans l’urgence…haha, sous toutes ses facettes. L’urgence est un concept qui représente bien Paddang. L’urgence de vivre, de faire et de dire. On a écrit cet album globalement en 8 mois, enregistré, mixé et masterisé en 4 mois. On voulait proposer quelque chose de nouveau rapidement; quelque chose qui nous ressemble et qui soit cohérent.

Alors on a commencé à écrire sur une même période pour rester dans l’instant, puis on a pris le temps de jouer les titres sur quelques lives. On a pris un peu de recul avec un coach d’une des SMACs qui nous accompagne et qui nous a permis de les finaliser.

Quand on s’est senti prêt, on a décidé d’aller en studio avec la même équipe que notre précédent EP. On s’est donc enfermé chez Flantier Records aux pieds des Pyrénées pour enregistrer les titres pendant une quinzaine de jours, puis on a bossé sur le mixage toujours avec eux. Pour le mastering, on a tout envoyé à Détroit (USA) chez Third Man Records qui nous avait déjà épaulé dans le passé et dont on était très content. On voulait sortir des vinyles donc le choix de Third Man faisait d’autant plus sens.


Le graphisme de vos pochettes est particulièrement soigné. Qui en est l’auteur et comment procédez vous pour la réalisation des illustrations ?
Jusqu’à présent c’était du DIY, mais pour cet album on s’est entouré d’une illustratrice Toulousaine “Alligataure” qu’on a rencontré via notre réseau. On avait une idée assez précise de ce qu’on voulait pour illustrer le nom “Chasing Ghosts” et ses précédentes œuvres fonctionnaient bien avec la direction qu’on voulait prendre. Elle n’avait encore jamais trop bossé sur ce genre de format mais l’idée lui plaisait beaucoup. On avait déjà notre vision, après quelques échanges, elle a vite compris où on souhaitait aller et on lui a laissé champ libre. Cette pochette lui ressemble autant qu’à notre album.


Dans vos chansons vous abordez des thématiques actuelles avec un ton positif, presque naïf (selon vos propres termes) . Vous êtes naturellement optimiste pour l’avenir ?
Quand on voit ce qui se passe dans le monde et dans nos sociétés actuellement, ça donne un peu le vertige : violence, inégalité, racisme, guerre en Ukraine, destruction de la planète…Il devient même difficile de savoir quel est notre place en tant qu’homme, femme ou non genré. Je ne suis pas sûr que notre ton soit très positif, mais naïf c’est sûr. On aborde ça comme des gamins enragés de voir la bêtise humaine, des gamins qui doivent grandir trop vite car c’est urgent. La musique comme échappatoire, la musique qui rassemble et parfois permet de prendre un peu de hauteur et d’oublier qu’on court à notre perte si on continue comme ça. Parce que oui, si on ferme les yeux un instant, et qu’on se prend à contempler ce qui nous entoure, le monde est beau et l’avenir est dans nos mains.


Depuis la sortie de “Chasing Ghosts” vous avez eu l’occasion de le défendre de nombreuses fois sur scène. Comment avez-vous vécu ces concerts ?
On a beaucoup travaillé en résidence pour préparer la tournée et proposer à tous une expérience en live différente de l’album. Quand à la fin des concerts, des personnes viennent nous voir pour discuter et nous dire ce qu’elles ont ressenti, c’est toujours notre plus grande victoire. Notre musique n’est pas la plus abordable, ne serait que structurellement parlant, mais on a le sentiment que l’album plait, qu’il marche bien en live et que l’audience rentre dans notre univers, alors c’est une belle réussite. Il y a aussi de plus en plus de monde qui vient nous voir et ça nous fait plaisir car on fait de la musique pour la partager avec le public. Cet album ne nous appartient plus, il est le vôtre et ce n’est qu’avec le public qu’on peut lui donner du sens à chaque concert.

Quels sont vos prochains projets ?
On fourmille d’idées, on s’est déjà remis au travail sur la composition de nouveaux titres ! L’urgence on vous disait ! Haha. On pense aussi clipper un dernier titre et si possible produire une live session avec quelques titres de l’album.

Mais avant tout ça, on a une belle tournée qui nous attend !

Paddang “Chasing Ghosts” – Mars 2023

Photo de couv. Gabbie Burns