[Interview] Ô LAKE – “Still”

Le talentueux Rennais Sylvain Texier aka Ô Lake ne cesse de faire évoluer un monde sonore, fait de rythmiques subtiles aux arrangements oniriques, survolés par des notes électroniques d’une beauté sincère et bouleversante. Nous avions déjà été séduit l’année dernière en live lors du festival Les Embellies au Théâtre du Vieux St Etienne. Depuis, nous le suivons d’un œil discret, mais attentif. Justement il sortait, le 3 mars dernier, son nouvel album “Still”, dans lequel il développe une nouvelle fois un réel sens mélodique poétique. Dans cet ensemble de 9 titres aux sensibilités voyageuses, il nous guide vers des histoires, sans paroles. Tantôt dramaturges, tantôt romantiques, tel un film sonore qui défile dans nos oreilles, avec l’odeur d’un océan brumeux ou d’un sous-bois à la moiteur réconfortante, ou encore la douceur d’une balade matinale lorsque le monde s’éveille et que notre esprit est libre comme l’air. Autant de songes auditifs où nous pouvons sentir toute la puissance d’une nature rêveuse. Une captivante déambulation que nous ne pouvions qu’applaudir des deux mains. L’occasion pour nous de le découvrir un peu plus.


1- On pourrait qualifier ton univers musical de mélodieux, introspectif et même de profondément sensible. Mais toi, comment le définirais-tu ?
C’est toujours compliqué de définir sa propre musique, surtout que la mienne se joue un peu des contraires. Je dirais : intimiste mais ample, ambiante mais mélodique, mélancolique mais lumineuse.

2- Ton album “Still” est sorti le 3 mars 2023 dernier. J’imagine que comme chaque nouvel opus il y a une forme de recommencement. Comment l’as-tu abordé cette fois?
Je pense que les artistes se doivent de se réinventer à chaque album. Pour surprendre leurs auditeurs
mais aussi pour se surprendre eux-mêmes. Mais ce n’est pas évident. Pour ma part, j’ai souhaité ce
nouvel album plus ample que mon premier album « Refuge », sorti en 2019. Plus puissant, plus intense aussi. Pour ça, j’ai fait appel à un orchestre à cordes de 40 musiciens. J’ai aussi utilisé plus de synthétiseurs, plus d’électro sur ce nouvel album, tout en conservant le côté intimiste que j’avais sur mon premier disque avec l’utilisation d’un piano droit très feutré.

3- Dans ce disque, tu confirmes ou affirmes ton amour pour la douceur musicale en faisant cohabiter un sentiment de mélancolie et de force. Pas forcément antinomique, mais comment jauges-tu cet équilibre fragile ?
C’est quelque chose d’assez naturel, que je ne réfléchis pas vraiment. J’aime quand la mélancolie
est renforcée par quelque chose d’un peu puissant. Ça accentue les émotions, les transcende.

4- Comment s’est passé ton processus de composition et avec qui l’as tu réalisé ?
Je n’ai pas vraiment de processus de composition. Un morceau peut jaillir d’une simple texture sonore, d’une mélodie de piano ou d’une suite d’accord. Il n’y a pas vraiment de règle. Du moins, j’essaie de ne pas en avoir. Je compose et j’arrange seul, dans mon home studio (sauf pour les cordes qui ont été co-arrangées avec Ronan Maillard). C’est un processus qui prend beaucoup de temps car j’aime laisser reposer les morceaux et y revenir quelques temps plus tard.

5- Il y a aussi une forme d’immobilité contemplative, sur certains morceaux comme “Innocence”, “Funeral” ou encore “Distance”. Te considères-tu comme quelqu’un de contemplatif ?
Je suis plutôt quelqu’un qui est dans l’action. Mais la musique ou même le cinéma contemplatif me
fait du bien et m’aide à retrouver le calme. Ce que je préfère dans la contemplation, c’est la mélancolie qu’elle procure.



7- Dans ta musique, comme dans la plupart des albums instrumentaux, nous pouvons laisser libre court à notre imaginaire en l’écoutant. Mais j’oserai dire, sans fausse flatterie, qu’en live il est presque impossible de résister à cette immersion sonore. Je ne sais pas si tu arrives à ressentir cela en écoutant ta musique ou celle des autres ?
Quand j’écoute ma musique, il est plutôt difficile pour moi de lâcher prise. Je suis plutôt dans une écoute « technique », d’analyse ; à la recherche de ce que je pourrais, ou que j’aurais pu, améliorer.
Quand j’écoute la musique d’un autre artiste, c’est également assez compliqué car je me dis sans
cesse : « Tiens, c’est quoi ce son de clavier ? » ou « Comment a-t-il fait ceci ou cela ? »

8- Ton clip “Innocence” montre une facette très cinématographique de ta musique. Aurais- tu
envie de revisiter à nouveau une œuvre cinématographique (comme Gerry) ou de faire la
musique d’un film ?
J’ai régulièrement l’occasion de composer des BO de court-métrages, c’est un exercice que j’aime
particulièrement. Et j’espère que je serais amené à écrire la bande originale d’un long-métrage
prochainement, c’est une envie très prégnante depuis mon adolescence.

9- La pochette de ton album marque aussi toute en simplicité et douceur qui habille tes
compositions. Après la photographie tu utilises cette fois la peinture. Pourquoi cela ? pour
l’abstraction que cela offre ?
J’adore utiliser la photographie pour mes pochettes de disque. Elle permet, comme les titres des morceaux d’ailleurs, de donner une direction, un indice sur le sens du morceau. Mais pour ce nouvel album, j’avais plutôt envie que l’auditeur se fasse ses propres images. Certains voient dans le visuel de cette pochette une montagne ou une forêt, d’autres la mer ou du givre sur une fenêtre.
La peinture abstraire est comme la musique instrumentale, elle se prête au jeu de la libre interprétation.

10- Depuis tes débuts sous le nom Ô Lake en 2017 et ton 1er album “Refuge ” tu as parcouru du chemin et vécu de belles rencontres j’imagine ? Quelles sont les étapes les plus
marquantes pour toi ?
Ce nouvel album a été une des étapes marquantes, notamment grâce à l’enregistrement de l’orchestre à cordes. C’était un rêve de gosse, que je pensais jusque-là irréalisable. La première partie de Chris Garneau au Café de la danse en 2022 a aussi été un moment important pour moi. C’était mon premier Café de la danse, et j’ai rencontré un artiste que j’admire et que j’écoute depuis ses débuts.

11- Maintenant que l’album est disponible c’est quoi la suite pour vous ?
La sortie d’un album n’est qu’une étape. Il faut maintenant le promouvoir et faire les concerts. Mais je ne te cache pas que je pense déjà au futur album. Pas de création à proprement parlé pour l’instant mais plutôt des pistes de travail.


Ô LAKE est actuellement en concert :
– 14 Mars – CAFÉ DE LA DANSE (PARIS)- RELEASE PARTY
– 25 Mars – Médiathèque (Concert au casque)- Airvault
– 8 Avril – UBU (RENNES) – RELEASE PARTY


Suivre : https://www.facebook.com/olakemusic

Photo de couv. © Thomas Dilis