[Interview] Lewis Evans – « Cœur Céleste »

Auteur-compositeur-interprète originaire de Liverpool, Lewis Evans, a grandi dans la culture musicale britannique avant de poser ses valises en France, où il a su réinventer un nouvel univers artistique singulier. Ancien membre du groupe The Lanskies, une fois installé en Normandie, il s’est lancé en solo avec une approche instinctive et sincère. 
Sa musique, à mi-chemin entre folk, rock et pop, est marquée par des influences aussi diverses que Gang of Four ou encore Devo. Son style unique repose sur une écriture spontanée et un sens de la mélodie à la fois percutant et entêtant. Explorant des thèmes universels, il puise son inspiration dans son vécu, ses voyages et ses rencontres, construisant ainsi un univers où se mêlent nostalgie et énergie brute.
Avec Cœur céleste, son dernier album, Lewis Evans franchit un nouveau cap, plus pop. Porté par des compositions introspectives et lumineuses, cet opus reflète une envie de renouveau, tout en restant fidèle à son authenticité. À travers cette interview, il nous parle de musiques, de ses influences et nous partage un petit bout de son regard sensible.


 

Parlons de ton nouvel album, Cœur Céleste. Quelle a été ta démarche pour le créer ?
Je n’ai pas vraiment de démarche fixe. J’adore faire des albums. À peine Cœur Céleste terminé, je pensais déjà au suivant. J’écris en permanence, je pourrais faire un album tous les trois semaines. (Rire)

L’idée de cet album m’est venue après un séjour en Angleterre, à Liverpool. Je me suis replongé dans mon enfance et j’ai réalisé que je n’avais jamais écrit un album inspiré de mes racines anglaises. Jusqu’ici, j’allais chercher l’inspiration ailleurs, le blues du Delta, les sonorités américaines, mais jamais chez moi.

C’est là que j’ai redécouvert les Beatles et, pour la première fois, des albums de Paul McCartney. Ça a été une révélation. Je pensais que ce serait ennuyeux, mais j’ai été bluffé.

Tout le monde disait que je chantais comme des Beatles, mais ce n’était pas forcément une référence majeure.

J’en ai parlé à Frédéric Boucher, mon fidèle collaborateur, j’ai dis : « on se fait des pop-songs ». Et là on a décidé de faire un album qui sentait l’Angleterre. En huit heures, nous avions les bases des morceaux. Bon, en réalité, c’est un peu exagéré, mais nous avons travaillé intensément et instinctivement.

Je fonctionne en one-shot. J’allume le micro, je prends un café, et je me lance. Pas de réécriture, pour préserver la spontanéité. C’est une habitude que j’ai développée en jouant dans la rue, en improvisant des heures durant sur un seul accord.

Tu travailles toujours ainsi ?
Oui, et j’ai une méthode particulière, je travaille sur quatre chansons à la fois, en parallèle. Si une ne fonctionne pas, je passe à une autre. Mon travail avec Frédéric Boucher repose aussi sur cet échange permanent. Lui, à Versailles, moi à Granville, on s’envoie des idées par WeTransfer. Il sublime mes brouillons avec sa touche à lui. Il rejoue la guitare, des trucs un peu hip-hop. Il m’envoie un truc incroyablement beau.
J’ai de la chance. Des fois, je me dis, putain, faut jamais qu’il meure, sinon je suis dans la merde. (rire)
Franchement faire de la musique avec lui c’est génial.

Tu as donc déjà ton prochain album en tête ?
J’ai plein d’idées, je marche beaucoup par thématique… J’écoute beaucoup de Claude Debussy actuellement et je me disais, pourquoi pas aller dans quelque chose de plus classique, avec des tracks impressionnistes.
Mais pour l’instant, je vais défendre Cœur Céleste. Une fois qu’un album est terminé et partagé, il appartient au public.

Dans cet album, tu as collaboré avec Frédéric Lo. Comment est née cette rencontre ?
Par hasard ! J’ai vu un clip de lui avec Pauline Drand, et sa voix m’a marqué. J’avais cette chanson, Heather, et je me suis dit qu’il serait parfait pour l’interpréter avec moi. Je l’ai contacté via mon manager, et deux minutes plus tard, il acceptait !

Ce genre de collaboration semble se faire très naturellement chez toi.
Oui, tous mes duos se sont faits très simplement : Armand Dune, Juliette Armanet, Keren Ann, Gaëtan Roussel… À chaque fois, c’était spontané. Deux jours après notre premier contact, j’étais déjà en studio avec Frédéric Lo à Paris. C’était génial.

 

Comment embarques-tu les gens dans ton univers ?
Je crois que mon côté spontané, un peu décalé et sans filtre, met les gens à l’aise. J’ai une approche instinctive, parfois un peu maladroite, qui crée peut-être cette connexion. En fait je reste cool, je ne suis pas dans l’attitude ou la recherche perfection narcissique. Je suis juste moi-même.

Avec mon parcours entre punk-rock, new wave, mon accent de Liverpool et une vie qui a été parfois un peu bancale, j’essaye d’apporter quelque chose de différent. J’aime que les gens ressentent que je fais de la musique par passion, pas pour la carrière.


Pour cet album et ton clip « Monday » tu utilises un avatar. Pourquoi ?
Je voulais me détacher de mon image habituelle et explorer un univers graphique. J’étais lassé des mêmes photos de presse et des mêmes clips. Créer un personnage en papier mâché était une façon de raconter une autre histoire et de jouer avec la réalité et la fiction.

Petit à petit, ce personnage a pris vie, comme une extension de l’album. J’aimerais encore explorer cette direction, avec d’autres matériaux, comme le plastique ou la pâte à modeler. C’était une manière d’aller à contre-courant de ce qui se fait habituellement.

Comment ton entourage réagit-il à cette évolution ?
Mes amis évitent le sujet musique parce que je ne parle plus de ça, ma femme ça l’énerve un peu parce que je suis trop absent. (rire)
Être musicien, c’est un sacrifice. Aujourd’hui, ça paie, mais avant, c’était une source d’angoisse. Je suis assez grand-père. Je fais mes concerts. Je rentre chez moi et je ne vois pas beaucoup de monde. Je ne suis pas le mec qui sort beaucoup.
J’ai un super manager, mais je porte aussi à fond mon projet sur toutes les facettes. Et ça, ça prend beaucoup de temps.
Je consacre pratiquement 95 % de mon temps en dehors de la musique à ma famille et au sport.

Tu as récemment enchaîné plusieurs concerts, comment as-tu vécu cette expérience ?
Franchement, je suis content de moi. Je pensais ne pas pouvoir chanter plus de trois concerts de suite avec ma voix de rocker bien entamée, mais avec une meilleure hygiène de vie, ma voix tient le coup ! C’est une vraie surprise.

Je me demandais toujours comment certains artistes arrivaient à enchaîner plusieurs dates sans perdre leur voix. Avant, après deux concerts, je n’avais plus de souffle. Sans doute à cause des excès. Mais maintenant, j’ai compris l’importance d’une bonne hygiène vocale.

En octobre dernier tu présentais ton album à la Maroquinerie. Tu avais convié tous tes fans de Normandie à venir en Bus. Ça devait être un chouette moment ?
Un des plus beaux moments de ma vie. Voir mes fans et mes amis venir de Normandie en bus pour assister au concert. Un moment très fort émotionnellement que je n’oublierai jamais. Beaucoup de joie, beaucoup d’énergie. C’était magique. J’ai même versé ma petite larme à la fin…

 

 

 

 

Photo de couv. Stéphane Perraux