[Interview] L’ENVOUTANTE – « RADIO ÉTOILES »

Il y a chez L’Envoûtante quelque chose d’indompté et de profondément humain. Un duo qui avance comme on suit une piste intérieure : a l’écoute, avec l’intuition et une forme de nécessité. Bruno Viougeas, homme des grands espaces et des mots brûlants, et Sébastien Tillous, architecte sonore passionné depuis l’enfance, ont façonné un univers où la poésie parle au rythme, où l’électronique respire avec le vivant, où la scène devient un lieu de partage nécessaire. Leur nouvel album, Radio Étoiles, condense les brins d’émotions vives glanés sur les sentiers d’un parcours artistique aussi passionné que chemin singulier. C’est une poésie musicale nourrie de ruralité, d’élévation cosmique, de questionnements sociaux et d’élans rageurs qu’ils nous offrent. À l’heure où leur musique invite autant à la danse collective qu’à l’ouverture d’esprit, nous les avons questionnés pour comprendre comment se fabrique cette vibration si particulière, entre enracinement universel et vertige humaniste.

Le titre de l’album, Radio Étoiles, évoque autant une diffusion qu’une écoute cosmique. Quelle image intime ou symbolique souhaitez-vous transmettre à travers ce nom ?
Bruno : L’idée était d’évoquer ce moment où l’humain relève le nez vers le ciel nocturne, après une journée de travail, une journée de fatigue peut-être, et il dialogue avec lui-même, ou avec les étoiles (s’il est autant barré que nous) et ça lui fait du bien. L’image des ondes radio, qu’elles soient émises ou réceptionnées, surlignait un côté sonore, un côté verbal, en lien avec nos médias artistiques à nous.

Sébastien : Il y a clairement une invitation à « lever la tête » comme dit Bruno, prendre de la hauteur, pour aller trouver le meilleur de soi, dans ce marasme que l’on vit tous (pour peu qu’on ose se l’avouer). Plus intimement « lever la tête » évoque aussi pour moi, la considération d’une forme saine de fierté. Dans notre société où en grande majorité la musique n’est plus qu’un produit de pur divertissement, pour accompagner des choses majeures comme faire du jogging par exemple (rire ) notre propos motivé par une certaine vision du sacré, est souvent difficile à faire passer. Donc on apprend à garder quand même « la tête haute », c’est à dire, un peu plus près des étoiles.

 

Le titre de l’album, Radio Étoiles, évoque autant une diffusion qu’une écoute cosmique. Quelle image intime ou symbolique souhaitez-vous transmettre à travers ce nom ?
Bruno : L’idée était d’évoquer ce moment où l’humain relève le nez vers le ciel nocturne, après une journée de travail, une journée de fatigue peut-être, et il dialogue avec lui-même, ou avec les étoiles (s’il est autant barré que nous) et ça lui fait du bien. L’image des ondes radio, qu’elles soient émises ou réceptionnées, surlignait un côté sonore, un côté verbal, en lien avec nos médias artistiques à nous.

Sébastien : Il y a clairement une invitation à « lever la tête » comme dit Bruno, prendre de la hauteur, pour aller trouver le meilleur de soi, dans ce marasme que l’on vit tous (pour peu qu’on ose se l’avouer). Plus intimement « lever la tête » évoque aussi pour moi, la considération d’une forme saine de fierté. Dans notre société où en grande majorité la musique n’est plus qu’un produit de pur divertissement, pour accompagner des choses majeures comme faire du jogging par exemple (:-) ) notre propos motivé par une certaine vision du sacré, est souvent difficile à faire passer. Donc on apprend à garder quand même « la tête haute », c’est à dire, un peu plus près des étoiles.

Votre musique semble tisser sans cesse le lien entre le terrestre et le très céleste. Comment ce dialogue entre l’ancrage rural et la dimension presque sacrée du son s’est-il développé dans votre parcours ?
Bruno : Je crois que nous l’avons toujours eu, et que ce sont juste les couches de retenues, de hontes ou des freins personnels qui tombent de plus en plus. Du coup on fait dialoguer, comme vous dites, la vie et les envies du quotidien avec des choses beaucoup plus sensorielles et abstraites. Le rapport qu’entretient Sébastien avec le son est complètement sacré, alors que de mon côté, c’est plus le sens de ce qui est dit qui est sacré. Mais tous les deux, on est vite lassé quand un propos est uniquement « spirituel » ou uniquement « concret ». On préfère quand tous ces aspects se rencontrent.

Sébastien : « Le terrestre et le très céleste » : merci pour cette très belle prosodie ! Pour ma part, il y a une sorte d’évolution personnelle entre la conscience de « ce que je fais » dans laquelle j’étais au début de l’âge adulte et une conscience plus fraiche et pas encore complètement incarnée aujourd’hui de « ce que je suis ». Pour le coup, si on prend l’exemple d’un arbre, j’ai l’impression d’être parti du feuillage et d’évoluer de plus en plus vers les racines. Comme un chemin inversé. Chez moi c’est plutôt : des étoiles vers la terre.

 

-Bruno, tu viens d’un rapport physique au paysage ; Sébastien, d’une immersion profonde dans la matière sonore. Comment vos sensibilités respectives se rencontrent concrètement dans l’écriture et la composition ?
Bruno : Déjà c’est pas toujours simple ! …Là aussi c’est un dialogue. On considère que c’est le gros du dossier, que le « sacré » du sens (des paroles) aille dans la même direction que le « sacré » du la musique. Le plus souvent dans mon écriture, je parle aux gens, j’évoque des sensations personnelles que j’espère partagées (ou au moins partageable). Sébastien touche plus directement les corps. Comme chacun de nous prépare sa propre matière en amont et en individuel, il faut que la rencontre soit soignée. Si c’est une confrontation : ça part mal. 
On est au top quand on sent que l’un des trucs embellit l’autre. Du coup concrètement, c’est de l’écoute, des essais, pas mal de frustration et de déchets. Des fois ça prend des mois de recomposition et des allers-retours avec le live. Des fois ça match illico (ça c’est bon !).

Sébastien : Après, malgré nos oppositions qui forment finalement notre complémentarité, on a forcément un lien commun dans notre sensibilité profonde, qui nous dépasse, qu’on ne peut pas vraiment comprendre et donc gérer. Le truc est d’accepter l’inconfort de ce paradigme et de garder toujours la lumière bien allumée sur l’ensemble de notre projet. Mais la passion qui nous anime chacun comporte souvent le venin qui vient remettre le bordel dans la tambouille. Ce n’est que depuis quelques temps-là, que je comprends enfin les bouddhistes que je lisais  il y a trente ans, qui conseillaient avec insistance, de se tenir loin des « passions »…

 

Le feu de l’oralité, la voix parlée, la poésie scandée occupent une place essentielle dans votre esthétique. Comment travaillez-vous la présence du texte pour qu’il devienne aussi hyper vivant ?
Bruno : Déjà merci. Ça découle un peu de ce qu’on a évoqué plus haut. Dès l’écriture, j’aime bien me projeter devant un public ou un interlocuteur, et je veux que ce côté « écrit à l’oral » survive au rec. et au mix et persiste jusqu’au bout du morceau. J’ai aussi mis du temps à sentir que l’espace me fait du bien, que lâcher une certaine densité du flow m’est bénéfique.

Après au mix, j’y comprends rien, mais Sébastien évoque toujours l’idée d’éviter un mix « variété française » (ou « slam + musique »), sans pour autant rentrer la voix comme un groupe de rock qui braille en anglais. Si on arrive à une enveloppe sonore dons la voix et le sens des mots font partie, on est contents.

 

L’éducation populaire est une fibre assumée dans votre démarche. Comment se manifeste-t-elle dans vos ateliers, vos concerts ou votre manière d’être avec les publics ?
Bruno : En tant que gamin, je suis un pur produit des MJC (pas seulement, mais quand même…), et j’étais animateur avant de bosser avec mon art. J’aime bien partager en groupe un instant de création, aussi modeste soit-elle. Sébastien me semble plus dans la pédagogie de la finesse et de la sensation. Comment communiquer un feeling de jeux ou de compo. Mais la transmission et/ou l’échange sont une part importante de nos vies. Je pense qu’avant de brandir les grandes idées sur l’éduc’ pop’, c’est surtout un kif. Et puis les jeunes avec qui on bosse nous maintiennent dans le lien avec ces générations. Sinon ma manière d’être ? J’essaie d’être… gentil ! 

 

Votre musique traverse les frontières de genre : électronique, spoken word, rythmes organiques… Quelles sont les inspirations artistiques ou humaines qui vous nourrissent aujourd’hui et orientent vos choix sonores ?
Bruno : Alors là ! On peut y passer la nuit ! Avec Sébastien, on se dit souvent que ce n’est pas la musique qu’on écoute qui nous influence le plus, mais tout le reste ! On exagère mais c’est un peu ça. Une bonne balade en forêt, une rencontre, un bon bouquin, … 

Sébastien : Les influences artistiques nous ont forgés un sens de l’esthétique mais le résultat de notre travail provient davantage de nos pratiques quotidiennes et de nos regards sur le monde dans lequel on vit. De mon côté, je me sens aujourd’hui complètement libéré des influences esthétiques. Mon travail est motivé par des intentions précises et une volonté de « servir à quelque chose ».

 

Dans une époque agitée, vos morceaux semblent inviter à ralentir, à écouter, à rester sensible. Pensez-vous la musique comme un espace de soin, ou cela se fait-il malgré vous ?
Bruno : Je crois qu’on la pense comme ça, et qu’on ne sait pas trop faire autrement. J’ai toujours aimé que la philosophie s’invite dans la musique (c’est à cause de Marley et Claude Sicre).

Sébastien : Plus jeune, la musique était plutôt un espace de kif, mais c’est vrai qu’en prenant de l’âge la notion de « soin » devient évidente. Et cela nous rapproche d’une certaine manière de toutes ces traditions ethniques qui mêlent la musique à la médecine. Dans certaines cultures il semblerait même que c’était sa fonction première.


Radio Étoiles c’est une sorte de ferveur collective partagée avec le public, qu’espérez-vous susciter le plus chez celles et ceux qui vous écoutent pour la première fois ?
Bruno : J’aimerai que ça les (ré)ancre en eux/elles si ce n’est pas déjà le cas, et que ça les aide à faire des beaux choix pour eux/elles, dans cette époque un peu « agitée » comme vous disiez. Si déjà ils prennent une bonne bouffe émotionnelle… C’est pas mal ! 

Sébastien : Oui, que ça les aligne nouvellement à eux-mêmes, que ça leur illumine l’intérieur ! Pour plus d’espoir, plus de foi, de confiance… Hyper prétentieux je l’avoue… Mais la musique et la poésie, si elles ne servent pas à ça, à quoi bon servent-elles ?

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Photo de couv. (c) Francois Manie