[Interview] L’ambivalence de La Maison Tellier

Le groupe Normand La Maison Tellier était le 11 juin dernier au festival Ça sonne à la porte à Grossœuvre dans l’Eure. L’occasion d’une rencontre avec Helmut Tellier, chanteur et parolier de la formation.

 

Facilement reconnaissable avec sa longue barbe poivre et sel, Helmut Tellier était dans de bonnes dispositions ce beau samedi de juin pour répondre à nos questions quelques mois après une prestation très réussie à La Maroquinerie à Paris. 

«  Sur le dernier album, nous avons recruté Mathieu Pigné, le batteur d’Animal Triste. Il est venu faire les parties de batterie sur Atlas. » Il tourne désormais avec le groupe lorsqu’il n’est pas retenu par d’autres obligations professionnelles.

Sur le dernier album, Helmut chantait déjà avec cinq faux-frères. Force est de reconnaître que la fratrie s’est élargie. « Le principe reste le même et Alexandre Tellier reste un faux-frère. C’est une famille qui s’agrandit. Il y a de la place. »

Revenons sur le dernier album. Le morceau-titre, Atlas, sort du lot. « Ce morceau vient de nulle part, une ligne de voix qui m’est venue et après cela a déroulé. Je ne saurais pas trop expliquer de quoi il parle, de quelque chose de profond et d’universel. Cette chanson touche beaucoup les gens. »

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette chanson ne fait pas référence qu’à l’Atlas au Maroc. « Cette montage, je ne la connais pas, je n’y suis jamais allé mais gamin j’étais fasciné par toute cette mythologie grecque. Le dieu Atlas qui porte le monde sur ses épaules. C’est un peu l’impression que le confinement m’a donnée, que le monde pour nous tous devenait un peu plus présent et un peu plus prenant même si nous étions tous très isolés. Nous avions une conscience aiguë du monde. Il y avait cette idée de le porter sur ses épaules. Et des choses plus personnelles, comme ce que c’était d’être un père, un fils. Il y a pour moi tout cela dans ce morceau d’une manière très impressionniste. Mais ce n’est pas un scénario très guidé, j’aime bien que les gens se racontent leur histoire aussi.»

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le clip du morceau n’a pas été tourné au Maroc mais dans « le Colorado provençal » ! « C’était plus simple d’aller là-bas. »

S’il n’est pas encore allé au Maroc, le groupe a déjà bien voyagé, notamment grâce à l’Alliance Française. Il a ainsi pu se produire en Russie. « Nous avons fait cela il y a huit ans, nous n’avons pas refait de demande. C’est bien que cela tourne. Nous avons avec La Maison Tellier et Animal Triste déjà un emploi du temps très chargé. »

Sur l’album précédent, La Maison Tellier avait déjà sorti un morceau particulièrement réussi, Avalanches. « C’était en 2016. J’ai piqué la première phrase à Florence Aubenas dans son bouquin Quai de Ouistreham : C’était la crise, vous vous souvenez. C’était un moment de crise perso pour moi, donc je me suis emparé de ça. J’avais envie que cela bouge, que cela secoue. Et le poulet du dimanche, c’est le genre de connerie que l’on raconte dans le camion, après le concert du samedi soir. »

Cette chanson parle aussi des rapports rémunérés avec les femmes. « C’est de la bravade ! Quand tu vas sur des sites de rencontre, il faut payer.  Il y a statistiquement plus d’hommes que de femmes sur ces sites.  C’est pour rire mais c’est aussi pour rappeler que La Maison Tellier, c’est un bordel à la base. J’aime faire des petits renvois comme ça ».

L’actualité de la Maison Tellier, c’est aussi Animal Triste. Les deux groupes progressent d’une façon similaire, l’un en français, l’autre en anglais. « C’est assez naturel pour moi. J’ai grandi dans la langue française puis j’ai découvert le rock US à l’âge de 15 ans. Cela marche comme ça : il y a la tête et les jambes. La Maison Tellier, c’est plus cérébral, plus soyeux et c’est de la chanson. Animal Triste, c’est animal, c’est complémentaire. »

La question du choix de la langue s’est faite en 2013. « Notre label, dans son infinie sagesse, nous a conseillé de choisir et de ne faire que du français. Un album de douze chansons tous les trois ans, en terme de charge mentale, y’a pire. » Il y a quand même des problèmes de calendrier à régler. « Quand tu te lances dans deux grosses aventures, nous sommes six dans un groupe et cinq dans l’autre, cela fait beaucoup, on s’est un peu fait avoir là dessus mais on ne se fera pas avoir sur le prochain. Le prochain Animal Triste sera réalisé avec Alain Johannes. Il a fait le son de Queens Of the Stone Age et aussi de PJ Harvey, de Mark Lanegan. De la même manière que Peter Hayes avait accepté de poser des grattes sur deux morceaux, il y a une bonne étoile sur ce projet. Et avec La Maison Tellier, nous allons tourner jusqu’en décembre. »

Le prochain album de la Maison Tellier est aussi en construction. « On y bosse. Nous avons envie d’inviter des copains. Nous avons fait deux hommages à Harvest (ndr : l’album de Neil Young), l’un à Bourges, l’autre au 104 à Paris. » Cet été l’hommage a également été joué à Avignon avec notamment Arman Méliès et Emily Loizeau. « Cela donne envie de faire pareil en studio, d’inviter des copains. »

 

 

Texte et photos : Patrick Auffret (Avec Lyli Garance)