Kat White, pour moi, c’est une onde de choc. Un souffle puissant, un coup que vous prenez en plein cœur et qui pénètre au plus profond de vous même. Avec une voix à la fois fébrile et incroyablement incandescente, elle transcende les mots et livre une charge émotionnelle vive. Chaque vibration, chaque cri, semble chargé d’une urgence vitale, comme si elle chantait pour survivre, pour dire l’indicible. Sa musique, à la croisée de la folk, de la pop et d’une poésie brute, touche au cœur des blessures et des espoirs humains. À travers des mélodies épurées et des textes poignants, elle évoque l’amour, la perte, la résilience, avec une sincérité bouleversante. Impossible de rester insensible. Kat White, lumineuse, fait vivre ses cicatrices, ses doutes et ses certitudes…
Sa scène, avec son groupe, elle captive, envoûte. Il y a dans sa présence une intensité rare, un mélange d’abandon et de maîtrise qui frissonne, un tremblement, un séisme intérieur dont on ne ressort pas vraiment indemne. Kat White est de ces artistes qui ne se contentent pas de faire de la musique : elle la ressent, la vit et nous la transmet dans toute sa puissance bouleversante. Un choc, une révélation.
Quelques heures avant de monter sur la scène du Liberté, dans le cadre des Trans Musicales 2024, j’ai rencontré Kat et Enzo pour explorer avec eux la genèse du projet.
Je vous rencontre aujourd’hui dans le cadre des Trans Musicales. Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer l’origine de votre projet ? On peut dire que c’est votre projet personnel ?
Kat White : Eh bien, Kat. White, c’est mon vrai prénom et mon nom de famille. La musique a toujours fait partie de moi. La plupart des morceaux ont été écrits en 2019, voire avant. Un jour, j’ai passé un coup de fil à un super ingénieur du son, Franck Martin, qui est aussi producteur de l’album qui sortira en 2025. Je lui ai dit que j’avais envie de faire des cafés-concerts avec quelques chansons. Il m’a répondu : « Mais pourquoi ne pas faire un album ? »
Il m’a fait confiance, et grâce à lui, nous avons tout enregistré, tout finalisé et masterisé l’année dernière. Nous avons invité des amis pour participer avec divers instruments : harmonium, violon… Moi, je joue du violoncelle. Puis, on s’est dit qu’il serait super d’avoir un groupe complet en live pour se rapprocher du son de l’album. En décembre dernier, j’ai contacté des amis musiciens, certains d’entre eux étant déjà sur l’album, mais pas forcément sur le même instrument.
Par exemple, Enzo chante et joue sur un morceau de l’album, mais sur scène, il joue de la basse, qui n’est pourtant pas son instrument de base.
C’était un exercice difficile, pour toi Enzo ?
Enzo : Oui, tout à fait ! Cela demande beaucoup de travail et de persévérance. Mais tout va bien.
Au final, les difficultés ne sont pas toujours là où on les attend. Ce n’est pas tant dans la pratique de l’instrument que dans la gestion de la pression, du matériel et des grosses scènes. Et puis tout s’est développé très rapidement et il a fallu s’adapter vite. La tournée des Trans, le Liberté… Entre le démarrage du projet et le moment d’être prêt, tout s’est enchaîné rapidement.
En parlant de construction, comment avez-vous développé la poésie et la musicalité qui traversent vos chansons ?
Kat White : En vivant, tout simplement. Il y a une citation de Flannery O’Connor qui dit qu’un artiste doit avoir tout vécu avant 21 ans. Du haut de mes 25 ans, j’ai l’impression d’avoir déjà pas mal exploré. Lire et pratiquer sans cesse m’ont été très bénéfiques. L’écriture a toujours été spontanée et presque thérapeutique pour moi. J’ai commencé à écrire des chansons vers 9-10 ans.
Ayant grandi en Angleterre, j’ai été marquée par la poésie anglaise. En France, j’ai poursuivi des études de lettres, ce qui m’a permis d’approfondir ma relation avec la langue française. Pouvoir jongler entre ces deux langues est une grande chance.
Cela crée un univers complexe, car vous chantez à la fois en anglais et en français. Comment qualifieriez-vous votre style musical, votre couleur musicale ?
Kat White : Une couleur plutôt rock, folk et pop. L’album est plus folk, alors qu’en live, nous sommes plus rock. Il y a aussi des influences jazz. J’ai fait un master de jazz à Paris, ce qui transparaît dans les improvisations. On est surtout traversés par cette idée de toujours être dans les contrastes : des guitares fuzz saturées, avec une voix plus pure, plus éthérée, par exemple. Pour moi, le vivant, c’est le mélange de styles, d’émotions, de cultures qui crée les nuances, les dynamiques.
Et je pense que ça vient, en partie, du fait que j’ai toujours eu l’impression d’être un pied en Angleterre et un pied en France. Comme beaucoup de personnes qui ont changé de pays.
On sent aussi, dans votre musique, qu’il y a quelque chose de presque universel, qui peut parler à tout le monde ?
Enzo : Oui, je pense qu’en fait, on est tous un petit peu dans la même démarche de vulnérabilité, entre nous. Et Kat nous emmène vraiment facilement dans ce chemin-là. Je dis souvent que jouer de la musique avec Kat, c’est assez facile. Avec elle, on n’a pas besoin de se mettre en difficulté. Kat mène vraiment bien le projet, sans le faire exprès, parfois.
Il y a des spectateurs qui disent parfois : « On a l’impression que Kat va pleurer lorsqu’elle chante ses chansons. ». Nous, quand on joue, on ne peut pas être aussi touché qu’eux, parce qu’on est concentré.
Mais oui, dans tous les projets que j’ai eus, c’est la première fois que je ressens sur scène ce sentiment de vulnérabilité intense. Ça devient très intime.
Et puis, on est très amis dans la vie. Forcément, ça aide à se dévoiler et à être plus vulnérable entre nous. Pour pouvoir, finalement, l’être aussi sur scène.
Kat White : Sur scène, il y a une sorte de mur invisible entre nous et le public. On peut se permettre de s’ouvrir un petit peu plus et de se dévoiler, d’être nous-mêmes sans peur du jugement. Et en fait, sur scène, on a un peu l’impression que rien ne peut nous atteindre.
Comment gérez-vous cette émotion, lorsque des spectateurs pleurent en écoutant vos chansons ?
Kat White : J’aime bien ces moments-là. En réalité, je trouve ça assez blizzard, de voir des personnes-là devant moi aussi bouleversées par mes chansons. Qu’ils peuvent pleurer, parfois, à chaudes larmes. C’est vraiment intense à vivre. Et après, ils nous applaudissent. C’est étrange et hyper touchant en même temps.
Je fais ça pour faire sortir des choses, faire réfléchir les gens aussi, avec des sentiment humain avant tout. Donc oui voir que ce que l’on crée ensemble résonne chez les autres, ça donne du sens.
Vous êtes aux Trans Musicales, un tremplin pour beaucoup d’artistes. Que ressentez-vous ?
Kat White : Beaucoup de gratitude. Nous avons été repérés grâce au festival Les Embellies, dont la présidente, Stéphanie Cadeau, croyait beaucoup en nous.
Et je me souviens de la première fois qu’on a joué pour elle. À un moment, elle a levé les yeux au ciel, j’ai pensé qu’elle n’aimait pas ! Mais non, au contraire, c’était parce qu’elle était touchée, dès le premier morceau.
Et c’est vraiment grâce à elle que je suis là.
Malheureusement, elle est décédée cet été. J’ai énormément de reconnaissance pour Stéphanie et son équipe et toute cette confiance qui nous a été accordée.
Ressentir cette confiance ca vous a aider ?
Kat White : Oui, on avait fait une résidence au 4bis, où ma guitare, que je venais d’acheter, était complètement désaccordée, c’était un enfer. Et on nous a quand même fait confiance, on a vachement bossé. On nous a dit : « Vous arrêtez pas de progresser », et c’est quelque chose de vraiment motivant. J’aimerais bien continuer, même si ça finit après les Trans.
Mais si jamais on peut continuer, c’est mieux ! (rire)
On a un album qui va sortir, et on a plein de belles choses à faire, et déjà de pouvoir rendre cet amour à tous ceux et celles qui nous l’ont donné, c’est important.
Enzo : J’avoue que la vitesse à laquelle le projet a été monté, ça a mis énormément de motivation et de challenge pour tout le monde. On a vraiment travaillé très dur quand même.
Au tout début de la tournée des Trans, on n’était vraiment pas du tout prêts. Moi, je venais d’apprendre la basse il y a deux mois. Je ne jouais pas forcément avec ma basse. Et les placements, même entre nous, on n’était pas hyper synchros. Et on s’est vus encore et encore à faire des résidences dans les maisons, dans les salles. On a fait tous les studios de Rennes, je crois, pour répéter. Je sais pas combien d’heures on a fait. C’était gargantuesque, en très peu de temps. C’est dur maintenant de voir la progression, on a tellement joué le concert qu’on ne voit plus trop.
Mais parfois, quand je réécoute des enregistrements d’il y a quelque temps, je suis vraiment fier du résultat.
Kat White :Je suis d’accord, je suis hyper fier de tout le parcours qu’on a fait ces derniers mois, ça a été fou. Personnellement, je crois que je m’en souviendrai toute ma vie.
C’est la preuve vraiment, qu’en travaillant, il est possible d’aller très très loin !
Kat White : Oui. C’est vraiment chouette.
En parlant de scène justement. Si vous pouviez choisir une salle dans le monde; n’importe où, pour jouer, laquelle serait-ce ?
Enzo : Le Madison Square Garden. C’est ma scène de rêve ! Mais il ne faudrait pas que cela arrive trop vite, sinon, je n’aurai plus trop de motivation pour continuer la musique ! (rire)
Kat White : Le O2 Arena à Londres, sans hésiter. Ou l’Elysée Montmartre, incroyable scène, avec un parquet magnifique. Et en fait, je n’avais jamais vu la cigale en vrai, et ça m’a fait un truc, parce que je me souviens quand j’avais 13-14 ans, j’écoutais beaucoup Pomme, et elle avait fait un post en disant merci la cigale qui m’a permis de faire une des premières scènes. Je me suis dit : « Le rêve, le jour de jouer là-bas. » Ce serait incroyable !
Mais aussi de retourner à Londres, de rejouer devant tous mes copains du collège là-bas et de faire genre : « Regarde comme je suis cool. » (rire)
Tu as les deux nationalités. L’Angleterre c’était ton pays de naissance, mais ton projet il a été développé en France. Tu ne l’as jamais présenté là-bas en réalité ?
Kat White :Non, je faisais déjà des petits concerts là-bas avec des morceaux qu’on joue, mais ce n’est pas comparable à ce que je fais maintenant. Il faudrait qu’on organise les visas, qu’on prenne un Brittany Ferries, ça pourrait être une chouette expérience. J’aimerais vraiment emmener tout le groupe jouer à Londres.
La scène indé anglaise joue beaucoup en France. Est-ce que c’est une sorte de fierté de voir des groupes anglais jouer ici et que tu as peut-être vus quand tu étais plus jeune là-bas ? Ou est-ce que tu as ce regard-là de binationalité ?
Kat White : Je ne suis pas sûre. Je pense, sûrement, que ça doit me biaiser d’une manière ou d’une autre mon jugement. Mais j’avoue, je ne sais pas trop…
C’est vrai que j’avais vu un musicien irlandais, qui est devenu vraiment connu maintenant, remplir le zénith de Paris. Je me suis dit: « Wow, c’est quand même vraiment très impressionnant… » Déjà, n’importe quel artiste international, ça coûte tellement cher maintenant une tournée, que je me dis, wow, bravo pour ces personnes-là qui se déplacent partout pour faire des concerts. C’est vrai que ça me fait un truc.
Je sais que Franck, notre ingénieur son, il a un poster de la tournée de Miles Davis, lorsqu’il était venu jouer à Rennes (ndlr. le 31 octobre 1986). C’était une salle polyvalente, Omnisport.
Oui à La Salle Omnisport, mais c’est Le Liberté maintenant !
Kat White : Ah, la salle Omnisport, c’est le Liberté ? Attends, mais on va jouer dans la même salle que Miles Davis ! ! ! Ok, ça c’est hyper fort. Wow… Ça, je ne m’y attendais pas du tout…
Si on m’avait dit, début 2024 : « Ton année va finir en jouant dans la même salle que Miles Davis », j’aurais commencé mon année en burn-out. (rire)
Photo de couv. ©Chloé Eucher