[Interview] Homme Bleu – « Dark Matter »

Deux ans après « Le Bal des Crocodiles », album salué pour sa poésie électrique, Homme Bleu revient avec « Dark Matter », un disque incandescent et introspectif qui souligne son style rock indépendant. Influencé par les figures majeures des années 80 – de Joy Division à The Cure, en passant par The Pixies ou encore Thurston Moore, l’artiste français poursuit son chemin singulier avec une belle sincérité et une vraie élégance mélodique. Réalisé entre Montpellier et New York, ce nouvel opus entièrement chanté en anglais explore les zones d’ombre de l’âme humaine, les errances existentielles et la fragilité du lien. Avec ses guitares frontales, ses arrangements modernes et ses mots tranchants, « Dark Matter » nous guide au cœur de moments forts, entre passé, présent et quête d’absolu. Nous avons posé quelques questions à  Nazim Mokhnachi aka Homme Bleu pour en savoir plus sur cette « matière noire » qui habite son nouvel album, ses influences profondes, et sa manière de faire vibrer le rock comme une langue poétique à part.

Ton nouvel album « Dark Matter » marque un retour très affirmé aux guitares et à une énergie résolument rock. Qu’est-ce qui t’a poussé à cette orientation sonore, plus brute et directe que sur « Le Bal des Crocodiles » ?
Je suis le cours de mes envies, j’expérimente. La guitare est mon instrument fétiche depuis que j’ai 10 ans. Alors c’est comme une relation très ancienne. Parfois on se perd un peu de vue mais on finit toujours par se retrouver. Mais j’ai toujours en moi cette énergie rock et je pense qu’elle s’entend dans ma musique.

 

On sent dans « Dark Matter » l’influence de groupes comme Joy Division, The Cure ou The Pixies. Comment ces références se sont-elles glissées dans ta création, consciemment ou non ?
Honnêtement je ne sais pas trop. Un côté sombre que j’avais envie d’exprimer, un retour aux sources, aussi. Comme le cours d’une rivière, les paysages sont différents à chaque tournant. Cet album, c’est plutôt sombre. D’où le titre, d’ailleurs. Pour autant, la musique est un bon moyen d’explorer les ténèbres! Je suis influencé par tout ce que j’écoute/ré-écoute, et j’ai mes périodes. Ça varie tout le temps.

 

 

L’album aborde des thèmes profonds comme l’introspection, le temps qui passe ou encore les relations humaines. Quelle était ta démarche émotionnelle ou philosophique derrière ce disque ?
Pour trouver l’inspiration, le mieux c’est de se laisser aller. Ma démarche pour cet album était de laisser venir les choses, les sentiments, les idées, sans se mettre de barrière stylistique ou sans préjuger du résultat. Les thèmes abordés sont des thèmes universels, que chacun observe par son prisme. Ils sont liés aussi à la vie personnelle qui résonne dans les textes et les musiques.

 

 

Tu as choisi de réaliser cet album principalement à New York avec Alex Conroy, sauf pour « The Life In Me » mixé par Steve Lyon. Comment ces deux collaborations ont-elles influencé la texture finale de l’album ?
L’ingénieur du son met sa patte sur le son final, même si beaucoup est déjà fait en amont. On a testé Alex sur un morceau (I ride) et on était très content, donc on a fait le reste avec lui. Steve Lyon n’a mixé qu’un morceau pour des raisons de timing. Je voulais un son punchy, énergique avec du rythme et des guitares. Pas un son trop français avec la voix très en avant. Plus new-yorkais, quoi!

 

Le choix de chanter en anglais tout au long de « Dark Matter » est fort. Que t’offre cette langue dans ton écriture et ton interprétation, par rapport au français ?
J’ai grandi et vécu dans une double culture par goût et par les hasards de la vie. Etant bilingue j’ai la chance de pouvoir écrire dans deux langues complètement différentes. Je trouve que la langue anglaise a une expressivité différente pour le chant. Le rythme et le phrasé de la langue collent bien avec la musique pop-rock. Je trouve aussi qu’il y a une grande liberté et moins de carcans que dans la chanson française, d’une certaine manière, qui est plus codifiée.

 

Avec plus de quarante ans de carrière, dont les débuts avec les Blue Valentines, comment perçois-tu ton évolution artistique à travers « Dark Matter » ? Est-ce une forme de synthèse ou une nouvelle étape ?
Pour moi c’est un aboutissement, un résumé de mes expériences musicales. Je suis très fier de ce disque car j’y ai mis le meilleur de moi-même. Mais c’est aussi une nouvelle étape. Ce qui est bien, c’est que je ne sais pas ce qu’il y aura après!

 

 

Les singles comme « I Ride », « Dark Matter » ou « The Life In Me » semblent incarner différentes facettes de l’album. Peux-tu nous dire ce que chacun de ces morceaux raconte, et pourquoi ils ont été choisis comme extraits ?
« I ride » est une invitation au voyage. C’est l’idée de se mettre en mouvement et de toujours se laisser porter par la vague, au sens propre et au sens figuré. C’est ce qu’essaye d’exprimer le rythme de la chanson et les paroles.
Dans « The life in me » j’essaye de montrer comment les expériences les plus personnelles sont les plus universelles, comment la vie passe entre nos doigts, quoi qu’on fasse.
« Dark matter »  est une chanson sur l’amour, la séparation, l’engagement, le mystère qui enveloppe nos choix et nos décisions.
Chaque morceau représente un peu l’album par le tempo, les arrangements, l’instrumentation. Une ballade piano, un mid-tempo avec des guitares aériennes, et un morceau plus lourd et sombre. L’idée est de donner un échantillon à l’auditeur. Mais pour le reste, il faut écouter l’album!

 

Tu es souvent qualifié de « poète du rock ». Est-ce une étiquette que tu revendiques ? Comment lies-tu le travail des mots à l’énergie musicale dans ta création ?
Pour moi c’est la même chose, la poésie comme le choix des mots, la musique comme le choix des notes et des rythmes. On peut trouver de la poésie dans tout un tas de choses quand on observe.
Effectivement j’aime les textes bruts et sans fioritures, les images fortes. Comme pour la musique où j’aime sentir une énergie, une électricité. Même dans une ballade.
La mélodie vient toujours en premier, et ensuite les mots doivent se débrouiller pour coller à la musique.
J’ai beaucoup travaillé les textes de l’album. Le terme poète me va très bien, mais je me sens surtout comme un artisan car tout ça est le fruit d’un travail acharné et passionné.