Quatre albums, des centaines de concerts, et toujours cette énergie folle mêlée à cette sensibilité fraternelle désarmante. Après l’émérite « Geranium », le combo Équipe de Foot, formé par Alexandre Cabanac et Michaël Martin, revient avec « Small Talk », un opus à la fois profond, ludique et d’une incroyable liberté. Depuis leurs débuts dans les marges du rock indé, le groupe n’a cessé de muter. Leur son s’est enrichi de textures électro, de ruptures mélodiques, de mélancolie nocturne en hit fiévreux, complexifiant l’alchimie de leur ADN toujours aussi radical. Avec Small Talk, le duo bordelais poursuit son exploration du quotidien, de l’amour, du monde tel qu’il semble être, mélangeant gravité, légèreté, sincérité et autodérision, avec rage et tendresse. Un disque fait par des humains pour des humains, comme ils aiment le dire.
À l’occasion de la sortie de Small Talk, nous avons échangé avec Mika et Alex, ils nous parlent de mutation, de création et de la place du rock en 2025.
Je vous avais découverts au Biches Festival en 2018, et depuis, votre son a beaucoup évolué. Est-ce que vous avez toujours cette envie d’inscrire Équipe de Foot dans une démarche aventureuse, en constante mutation ?
Mika : Ah oui effectivement c’était y a un moment bon sang ! La démarche ne change pas je crois, c’est faire de la musique qu’on aime, sans trop faire attention à ce que ça donne stylistiquement, tant qu’on est fiers du résultat et que ça nous fait du bien ! Du coup forcément avec le temps, ça bouge beaucoup. Je pense même qu’on aurait envie que ça bouge encore plus mais y a certains pas plus durs à franchir que d’autres !
Alex : J’ai l’impression qu’il y a deux choses qui évoluent en même temps : nos goûts bien évidemment, mais aussi notre confiance en nous dans la composition de chansons. On assume totalement la diversité de nos goûts en musique et Équipe de Foot est totalement capable d’accueillir toutes nos influences pop, rock, electro, rap. On a souvent dit que notre 5e album sera un album de rap, je pense que ce ne sera pas vrai mais l’idée est là !
Votre dernier album Small Talk vient de sortir. Quel en a été le fil conducteur, la ligne directrice de l’écriture de ce disque ?
Mika : Moi c’était en plein dans la période de la naissance de mon fils, donc c’était vachement au jour le jour, sans vraiment réfléchir à ce que ça allait donner. Je crois que le sens de l’album, on l’a compris plus tard, une fois qu’il était terminé.
Alex : Je crois que comme d’hab’, le fil conducteur a été le quotidien. Au final, le disque n’a pas été composé d’une seule et unique façon. Il y a des titres dont j’avais composé les instrus en me disant que ça pourrait être du rap, il y a un bout de chanson que j’avais composé pour un ancien groupe en 2011, il y a des chansons que Mika a commencé pendant que j’écrivais des paroles et qu’on a terminé ensemble.
Comment avez-vous travaillé pour conserver ce mélange d’audace et de liberté qui fait votre signature ?
Mika : On a fait beaucoup de démos, certaines ensemble, d’autres chacun de notre côté, et on a tout mélangé et regardé ce que ça donnait. Les albums d’avant ont été beaucoup plus composés à deux, guitare/batterie. Là on a un peu oublié les rôles et on a fait de la zik. Je joue de la guitare à certains moments, la fin de Mitch par exemple, et Alex joue de la batterie sur la fin de Premier jour.
Alex : Quand on a créé Équipe de Foot, on avait tous les deux d’autres groupes et Équipe de Foot, ça a toujours été la cour de récréation. On fait ce qu’on veut, comme on veut, les adultes sont au taf et nous on fait des chansons.
On a confiance en nous et en l’autre. Si demain je ramène une chanson cornemuse/voix à Mika et qu’il kiffe, go !
Vos textes paraissent de plus en plus frontaux, personnels, introspectifs. Vous sentez-vous aujourd’hui plus libres d’exprimer votre part d’intimité ?
Mika : J’ai l’impression qu’Alex a toujours été très fort pour ça, mais qu’il est de plus en plus clair avec ça, moins de détours pour dire un truc. Et de mon côté j’ai essayé de bosser fort ce côté-là, ça me paraît important de dire des choses qui comptent.
Alex : En général, une œuvre ne me parle pas si je ne sens pas la connexion à un humain, si je vois qu’il se cache derrière une attitude. J’aime plus les chansons documentaires que les fictions disons.
Et c’est vrai qu’on a toujours fait des textes super personnels mais qu’ils sont plus clairs, moins timides sur ce disque.
Je ne sais pas si je me sens plus libre d’exprimer ma part d’intimité mais clairement je me sens plus capable et à l’aise avec moi-même pour le faire.
Avec des morceaux comme Mitch, Small Talk ou Safe and Cosy Breakdown, on ressent une grande ambivalence émotionnelle. Comment naissent généralement vos chansons ?
Mika : Pour le coup tu choisis vraiment trois morceaux qui ont pas du tout été composés pareil ! On n’a pas vraiment de méthode. Moi j’enregistre beaucoup de trucs sur mon dictaphone et je ressors tout au moment de composer. Mais par exemple Safe and Cosy Breakdown, celle-là on l’a composée à l’ancienne, guitare/batterie. Mitch c’est un mélange de répèt, de compo en studio et d’une prise de décision assez radicale de la part de Johannes qui a enregistré et mixé le disque — big up à toi Jojo.
Quand vous écrivez ou composez, est-ce que vous pensez parfois à l’impact que vos morceaux peuvent avoir sur celles et ceux qui vous écoutent ?
Mika : Moi non, vraiment pas. Ça me paraît assez contre-productif, je l’ai beaucoup fait par le passé et je pense que je suis assez nul à faire de la musique pour les autres. Du coup j’en fais pour moi, et mon petit renard (Alex).
Alex : On ne pense heureusement jamais à ça, mais c’est touchant quand on a des témoignages de gens qui nous disent que tel ou tel morceau les a émus ou que nos chansons les ont accompagnés dans une période cool ou pas cool de leur vie.
On sent chez vous une forme de questionnement permanent sur le monde, sur l’humain. Est-ce que cette interrogation fait partie intégrante de l’ADN d’Équipe de Foot ?
Alex : Nos chansons sont des sortes de témoignages de ce que nous vivons et en cela elles parlent de relations humaines, du monde autour de nous. Je me souviens d’une chanson que j’avais écrite pour l’album précédent Geranium, pour moi c’était une chanson d’amour. Mika m’avait dit qu’il trouvait que c’était une chanson plus politique que si j’avais essayé de faire une chanson politique.
Au final, en parlant d’amour, de rupture, de la mort, du travail (qui sont des thématiques super quotidiennes) on questionne beaucoup de concepts auxquels chaque humain est confronté.
En vrai, ça fait 1h que je rédige cette réponse, je pourrais en parler pendant très voire trop longtemps !
Healing But No est sans doute le titre le plus intense de l’album, quelque part entre Nirvana, Pixies et des expérimentations psyché-rock à la Ghost Woman. Aviez-vous envie de tester vos limites avec ce morceau ?
Mika : On avait envie de tester les limites de Benoit surtout !
À la fin du morceau, on a pris le refrain et on a étiré la piste pour que ça aille deux fois moins vite et faire apparaître tout un tas d’artefacts digitaux crados. Et après avoir fait ça, y a un deuxième palier plein de disto avec un gros synthé basse par-dessus.
Benoit Bel, c’est lui qui a fait le mastering de l’album, et ça n’a pas dû être facile d’arriver à faire sonner ça gavé fort et à garder de la patate sur le reste du morceau. Bravo Benoit, très beau mastering !
Alex : En voyant Mika tester des trucs super vénères sur la fin de Healing But No, j’ai trouvé ça super marrant tout en me demandant si ce n’était pas abusé…
Au final, ce passage m’a fait penser à une chanson des Raveonettes qui s’appelle Sisters, dans laquelle on passe d’un moment super détendu, avec une sorte de harpe sur la colline, à un couplet super vénère avec des guitares quasi inaudibles tellement c’est du bruit blanc le machin !
L’album commence par Bonjour et se termine par Au revoir. Est-ce qu’on peut y voir une sorte de longue conversation, que nous pourrions avoir avec un vieux pote ?
Mika : C’est juste de la politesse.
Je ne sais plus dans quel ordre tout ça s’est fait mais cela va bien avec le nom de l’album Small Talk. Ce titre d’album est bien entendu ironique car globalement peu des sujets de cet album pourraient être abordés avec un collègue à la machine à café.
Je pense que Bonjour et Au revoir sont des titres amusants car ils mettent une sorte de distance polie alors que l’album est super personnel et parle de trucs intimes.
Le live est une part importante de votre style. Vous serez bientôt en tournée. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans le live ?
Mika : Perso j’aime bien voir les morceaux se métamorphoser au fur et à mesure des dates et devenir de plus en plus efficaces. J’ai l’impression qu’on a créé un truc, et après il change de forme quand on le met à l’épreuve du public.
C’est pas modifié mais c’est façonné pour qu’on puisse kiffer notre set à fond à chaque fois qu’on le joue, et ça passe par la réponse du public. Du coup c’est ça moi que je préfère !
Alex : Ce que j’aime en live c’est qu’on peut développer du son, faire du bruit, crier, bourger, rire et pleurer. Et c’est OK pour tout le monde.
Enfin, selon vous, quel est aujourd’hui, en 2025, le plus grand défi pour un groupe de rock ?
Mika : Finir Dark Souls 2 en All bosses no hit, mais c’est un défi pour tout le monde, pas que pour les groupes de rock.
Alex : S’acheter des jacks, ça coûte 30 € le machin !
