[Interview] Didier Super : Le privilège de la scène

Didier Super était l’une des têtes d’affiches du dernier festival « Ça sonne à la porte », dimanche 11 juin 2023.

Didier Super, c’est Super ! le titre parait évident mais derrière ce nom étonnant se cache un drôle de personnage, un intermittent du spectacle, Olivier Haudegond. Il a d’abord fallu se mettre d’accord sur le nom, la réponse est tombée directe : « Ça dépend si tes questions sont connes ou pas ! »

Depuis dix ans environ, Didier Super se faisait discret sur les scènes de spectacles. « Il y a dix ans, on a arrêté de faire du rock car on faisait toujours le même concert avec les copains. J’ai déménagé et j’ai trouvé d’autres copains dans le Sud. J’habitais dans le Sud parce que c’est mieux que le Nord. Le Nord, c’est bien mais la chaleur du cœur, cela ne suffit pas. Dans le sud, tu es entouré de con mais c’est 300 jours de soleil par an.»

En 2005, Didier avait néanmoins connu vrai succès, « un feu de paille » pour lui.

Depuis 20 ans, Didier Super fait du spectacle vivant, tous les week-ends il part jouer. « Nous sommes 100 000 intermittents du spectacle en France, ce n’est parce que les médias n’en parlent pas que cela n’existe pas. J’ai continué de jouer dans des salles avec des gens de la même manière qu’en 2005. »

Depuis cette époque, Didier Super a réalisé « six ou sept spectacles. Un tous les deux ou trois ans. »

Il a ainsi produit plusieurs spectacles, dont un était intitulé  « Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ? ». Il y a également eu un spectacle pour enfants, un autre avec des chansons rigolotes. Beaucoup de choses qui ont « ratées ». « La chanson française, ce n’est plus que pour les instituteurs en sandalettes. Donc il ne faut surtout pas se lancer dans la chanson française. »

Ce dimanche justement, plusieurs groupes proposait de la chanson, à l’instar de La Maison Tellier, un groupe qu’il ne connaissait pas. Après lui avoir expliqué que cela faisait référence à une maison de prostitution, sa réponse fut sans appel : « Je suis pour… qu’ils existent. Après, je n’ai pas d’avis. »

En cet été 2023, Didier Super était annoncé revenir pour massacrer la chanson française ! « Non, pas plus qu’avant. Il faut toujours faire croire qu’il y a de la nouveauté pour attirer les journaux ! En 2009, j’avais fait « La merde des autres ». Je fais un peu de merde des autres en début de concert et après on voit comment ça part. »

Est-ce à dire que le concert est improvisé selon les réactions du public. Didier Super dément. « C’est ce que je fais croire. C’est assez millimétré mais tout est répété pour que cela n’en est pas l’air. »

L’occasion est alors belle pour parler du métier d’intermittent du spectacle. « Quand tu vois à quel point tous les métiers sont devenus des métiers de merde ! Les gens ne sont plus qu’à 2 pour faire le travail de douze personnes ! Intermittents du spectacle, déjà quand on a commencé, on trouvait que c’était un privilège, aujourd’hui c’est un privilège de luxe ! »

Tout n’est pas aussi simple. « J’ai cru que j’allais me branler les couilles en étant artiste, je suis hyper déçu ! Nous sommes juste payés en n’ayant pas l’impression de bosser mais finalement on bosse quand même. L’intermittent du spectacle, on va le comparer en termes de volume de travail aux militaires. On a l’image de la personne qui est sur le front, elle se bat pour l’intérêt de l’industrie mais ça on n’a pas encore le droit de la dire aujourd’hui. Il se bat pour son drapeau. Le militaire est payé pour faire la guerre mais la plupart du temps, le militaire, il ne va jamais au feu, il s’entraîne, il répète. L’intermittent du spectacle, c’est pareil, la plupart du temps il est chez lui et il répète son spectacle. »

De fait, lorsqu’il monte sur scène, l’intermittent monte « au front ». Un moment particulier, difficile a qualifié. « Un producteur avait comme image qu’il fallait que le public reparte de la salle différent qu’il y était rentré. Ça c’est truc. Pour moi, l’important c’est que le public soit déçu et qu’il ne reparte pas avec ce qu’il est venu chercher. C’est important de le décevoir pour lui apporter autre chose. Je ressens la nécessité de cultiver le public autrement que ce qu’il espère être cultivé.»

La scène reste l’endroit privilégiée pour un artiste comme Didier Super. « On est obligé de prendre du plaisir. Si on s’ennuie sur scène, commercialement, cela rejailli sur le public. Sinon il faut faire autre chose. Beaucoup d’artistes font de la prod après car ils rendent compte qu’ils n’étaient pas faits pour cela.»

La statut d’intermittent du spectacle permet aujourd’hui aux artistes de vivre de leur art. « Le statut d’intermittent du spectacle du spectacle ne permet de rien foutre lorsque l’on n’est pas sur scène et cela tombe bien parce que nous avons du boulot ! »

Texte et photos : Patrick Auffret (avec Lyli Garance)