Un nouvel album d’une synthpop poétique subtilement sonic signé Eugénie Leber aka Concordski, ambitieuse énigmatique, arrangeuse d’ondulations aériennes 80’s. Après « #59 Wecord », voici un 2ème EP, six titres, « Salon des Arts Ménagers » forme un électrisant univers rétro-futuriste surprenant, invitant à repenser notre quotidien : entre nostalgie sonore plein d’avenir et effervescence new wave bien actuelle. Eugénie nous offre un espace sonore où l’ordinaire se refait une beauté rythmique à toute vitesse. Mais pas d’inquiétude, la lenteur forcément modeste lui va aussi très bien. La voix, tantôt suave, tantôt acerbe, sculpte une ambiance où le spirituel se conjugue à la modernité d’un métronome magnétique ciselé comme un carbone allotropique… Comme elle le chante dans son déjà tubesque « L’incendie », ce n’est sûrement pas le fruit du hasard si elle en devient irrésistible, car du talent, elle en a à revendre. Cet album ne décevra personne, amateurs de romances ou de crime parfait. Pour celles et ceux qui arrivent : bienvenue dans le monde enchanteur de Concordski, si accrocheuse qu’on n’est pas prêt de la lâcher. Une électro-pop subtile et dansante, terriblement entêtante, redoutablement addictive.
Comment as-tu trouvé ce nom de scène CONCORDSKI ? Pourquoi ce choix ?
Déjà, c’est un nom peu commun, ce qui facilite les recherches sur Internet. Ensuite, j’aime la sonorité. L’idée est venue de mon intérêt pour l’avion Concorde. Et puis, Concordeski c’est aussi un clin d’œil au surnom donné par la presse française à la copie russe du Concorde, le Tupolev Tu-144.
En fait, « Conkorski » était un surnom moqueur de la presse française, surtout après le crash du Tupolev Tu-144 au salon du Bourget en 1973, dû à des problèmes de fiabilité.
Y a-t-il un lien avec ton amour pour tout ce qui touche au ciel ?
Oui, bien sûr. J’aime les machines, les trains, les avions… C’est très stimulant. Ça me fascine un peu. Les courses aux progrès, les contextes géopolitiques dans lesquels on fait des avions supersoniques. Ça n’a à la fois pas de sens et en même temps, c’est fascinant, je trouve.
Peux-tu nous parler de ton univers musical ? Comment l’as-tu développé ?
Tout a commencé avec la découverte des synthétiseurs vers 2014-2015. À l’époque, j’étais bassiste pour d’autres artistes à cette époque et j’ai voulu essayer de créer des chansons pop avec des mélodies accrocheuses qu’avec des synthétiseurs.
Au début, ça partait d’un petit challenge rigolo, que je m’étais donné à moi-même, qui me permettait aussi de découvrir les machines, parce qu’on ne les a jamais complètement explorées. Et puis, après les chansons, avec un objectif pop, des refrains, des couplets, des structures assez classiques en fait.
J’ai essayé de faire des mélodies un peu accrocheuses, qu’on pourrait fredonner facilement. Et, de là, il y a une chanson qui a dû exister, j’ai dû la faire écouter aux amis. Après, c’est vraiment le truc classique de me dire :”Maintenant essayons d’en faire un disque”.
Ton projet est encore, entre guillemets, embryonnaire, mais on sent déjà qu’il y a une esthétique qui se met en place. Au-delà de la musique, tu as aussi développé un univers visuel et textuel…
Exactement. Ce projet, même si il est encore en développement, se caractérise par une esthétique bien définie, une recherche graphique et des sonorités uniques. Pour moi, le son était une évidence. Quant aux textes et à l’aspect visuel, ils reflètent mes goûts avec un côté glacial, martial, voire kitsch, avec beaucoup de réverbération, et des paroles dramatiques. Rien de bien chaleureux.
Pourtant, tes mélodies sont très dansantes et entraînantes.
Les musiques que j’aime écouter, sont souvent sous couvert d’un rythme entraînant ou bien d’une jolie mélodie mais avec des trucs bien « dark » dedans. (rire)
En écoutant tes titres, on pense forcément à des références très synthpop 80 comme Taxi Girl…
Taxi Girl n’est pas une de mes influences premières, mais plutôt la suite de la carrière de Daniel Darc. C’est quelqu’un dont j’aime les textes et que j’ai écouté beaucoup dernièrement.
Tu parles d’un mélange kitsch, rétro et moderne. Qu’est-ce qui t’inspire ?
Le mélange des genres justement. Le seul élément vintage est une boîte à rythmes TR-707 des années 80, par contre les thèmes je les trouve assez actuels. J’ai l’impression d’être quand même dans mon temps.
mais oui, c’est vrai que c’est une question qui revient souvent. Ma musique c’est un peu la cohabitation du vieux avec le moderne que je trouve intéressant à explorer.
En fait, à force d’explorer, maintenant je suis à l’aise dans l’exécution et dans la technique. Et quand on est à l’aise avec son matériel, on peut se mettre un peu plus au service de la créativité. Voilà, tout simplement.
J’ai trouvé les bons outils pour mon home studio : une bonne carte son, quelques synthétiseurs, dont un Prophet 5 qui a façonné l’album et le TR-707. En fait, à fabriquer, c’est assez simple.
En suite, Cyril Maudelonde, à qui je me suis adressée pour l’enregistrement des voix et le mix, a rajouté des petites emphases avec des effets à des endroits bien précis, pour donner aussi cette couleur musicale plus ample.
Le point de départ, c’est surtout plein de pistes de synthé qui se superposent et qui s’entremêlent harmoniquement et mélodiquement.
Tes textes semblent à la fois universels et personnels. Comment trouves-tu tes thèmes ?
Je n’écris jamais sur moi directement. Mes textes partent d’événements d’actualité, de faits divers ou de films. Parfois, ce sont des destins, comme celui de Nadia Comaneci dans ma chanson « Nadia », ou des personnages inspirés du cinéma, comme dans « Sylvester ». « L’incendie » parle d’un ouvrier épuisé par son travail, un thème très actuel.
Et après, il y a comment on affine, comment on se crée son style d’écriture pour ne pas refaire les mêmes chansons poétiques déjà entendues mille fois.
En réalité ça me semblait tellement compliqué à obtenir que je ne voulais pas le faire au départ. Je voulais faire que de la musique instrumentale, mais à force d’en discuter autour de moi et d’entendre les mêmes réponses du style : « Ah bah c’est dommage, ce serait quand même bien d’avoir des paroles ».
J’ai essayé. Évidemment c’était nul à chier au début. En creusant, j’ai trouvé mon thème de prédilection, pour le premier disque avec des histoires de transports qui se finissent mal.
Pour tout dire, à l’époque, je prenais énormément le train, j’ai donc puisé dans mon quotidien pour écrire.
Par exemple, pour le morceau « Intercités, c’est venu d’un trajet, entre Paris et Caen que je faisais en train Intercités – rebaptisé depuis nomade-train – lorsque j’ai quitté définitivement la région parisienne, il y a quelqu’un qui s’est jeté sous le métro devant moi. J’avais trouvé ça atroce forcément mais étrangement de façon presque immédiate j’ai eu l’inspiration de cette chanson…
Les textes qui me touchent le plus quand j’écoute d’autres artistes, c’est finalement ceux sur des choses assez simples. Comme chez Dominique A, je trouve que c’est quelqu’un qui écrit extrêmement bien en évoquant des sentiments d’une beauté incroyable. Il y a Étienne Dao aussi bien sur avec une dimension encore plus tubesque. Dans un autre style, il y a La Femme qui fait des super textes, surtout sur les premiers albums, avec des histoires toujours un peu noires.
La simplicité avec une touche sombre et onirique peut être très politique…
Quelles sont tes autres influences dans la musique ?
Je dirais que le point d’entrée de la musique synthétique, pour moi, c’était Depeche Mode. Et puis, j’aime beaucoup le travail de Metronomy sur l’aspect superposition de mélodies qui frôle la dissonance. Je trouve que Joseph Mount est hyper fort pour ça. J’essaie de le faire modestement à ma façon, je trouve que ça rajoute de la tension aux mélodies.
Ton 2e EP est sorti fin février, à présent tu as des dates pour le défendre sur scène. Comment vis-tu le live ?
Les concerts sont toujours hyper stressants, pour moi. Surtout à cause de la logistique que ca implique. Parce que j’emmène beaucoup de matériel avec moi pour pouvoir faire mon sons uniquement avec mes synthé en live. J’en emmène donc quelques-uns. C’est comme un mini déménagement à chaque fois. (rire)
Les morceaux en eux-mêmes, je les ai joués, développés au fur et à mesure. Je les jouais déjà en concert bien avant de sortir le disque, donc il n’y a pas forcément le chalenge de faire découvrir tout de suite les nouveaux morceaux en live. Bien que, en effet, puisque je suis une artiste très très peu connue, l’effet découverte est pratiquement toujours total pour le public qui vient à mes concerts. Pour cet aspect-là, je suis hyper contente de jouer mon son et de découvrir plein de gens. Même si je gère un peu tout toute seule, l’accueil est toujours chaleureux partout où je passe.
Crédit photo : Clémence Catherine