[Interview] Chicken Diamond “Shadow City”

Après un album de reprises l’an dernier, le one-man-band Chicken Diamond a repris la route inspirante du Mississippi pour composer un nouvel album Shadow City. Même s’il connaît la Great River Road par cœur, l’itinéraire n’est jamais vraiment le même, il réussit même à imaginer des détours blues-boogie-punk dont lui seul a le secret. Ici, il semble voyager dans l’ombre inspirante d’un spectre vampirique à la Murnau, qui capture notre âme et notre attention sans difficulté. Pour concocter cet opus, Chicken Diamond, reste fidèle à la formule qu’il maîtrise à la perfection : des gimmicks de guitares rutilantes, une voix rocailleuse, le tout enjolivé d’une batterie cadencée. Rien de tel pour chromer ses refrains aussi intrigants que sublimes. Et lorsqu’il emprunte les classiques légendaires (“Proud Mary”, “Running Shoes”), c’est pour en livrer des interprétations toutes particulières, aux allures de blues des origines à la Allman Brothers mâtiné de rage punk à la Stooges, l’on reste donc toujours un peu bluffé par cette histoire musicale sans fin qu’il nous narre depuis 14 ans. Interview… 

 

 Après ton album “Bad Man”, tu reviens cette fois avec “Shadow City”. Quel en a été le fil conducteur ?
L’idée de départ de l’album, c’était de faire une sorte de BO pour un road trip dans le Sud des USA. Genre du Mississippi à la Nouvelle Orléans. Même si ça n’est pas un concept album, j’ai essayé de plus ou moins suivre cette thématique. Ca a eu un impact sur la musique évidemment. Sur les albums précédents, j’étais parfois parti vers des sons punk ou post-punk. Là, je voulais plutôt aller vers quelque chose qui soit plus proche du classic rock / heavy blues. Pour coller avec l’atmosphère générale du disque. Bien sûr, quand je dis Classic Rock, ça reste à ma sauce avec un côté lo-fi bien présent !

Au fait, il y a aussi la pochette qui est dans la même ambiance : elle est basée sur une photo que j’avais prise à Clarksdale (NDLR : comté de Coahoma, État du Mississippi) mais que j’ai pas mal retouchée. J’espère qu’elle donne une bonne idée de ce qu’il y a sur le disque !

Comment as-tu élaboré et écrit les 10 titres de cet album ?
Je bosse toujours de la même façon : je pars de riff de guitares, j’essaie de les assembler pour que ça donne un truc qui tient debout. Ensuite je rajoute la batterie (boîte à rythmes en fait) et la basse. C’est un peu la même méthode que j’ai suivi pour tous mes disques. J’essaie toujours de mettre en avant la guitare avec un mix dans l’esprit de Raw Power. En un peu moins strident quand même.
Je préfère les sonorités vintage, donc là j’ai utilisé principalement une guitare Kawai S170 (qui est en gros le modèle de Hound Dog Taylor) et une vieille Silvertone des années 40. J’ai aussi pris des pédales Supro pour donner un son granuleux, dans un esprit Led Zep. Ce qui est un peu différent par rapport aux autres disques, c’est que j’ai voulu avoir un rendu plus synthétique pour la batterie. Bien que je me serve d’une boîte à rythmes, j’avais toujours voulu essayer de reproduire une batterie acoustique en utilisant des samples. Sur Shadow City, j’ai fait un mélange entre samples de batterie acoustique et son digitaux : ça donne un truc hybride, sec et vaguement plus actuel.

 

Tu reprends aussi deux standards du rock “Proud Mary” et “Running Shoes” pourquoi choisir ceux-là ?J’ai fait toujours des reprises sur tous mes albums, c’est une manière de rendre hommage je trouve. Pour celui-là je voulais des morceaux qui collent avec la thématique et l’ambiance générale.

Bon, Running Shoes (ou Down in the Bottom) c’est le standard blues de base. J’ai pris le nom Running Shoes parce que c’est comme ça que l’appelle Juke Boy Bonner et c’est sans doute la meilleure version. Le riff que je fais dessus est plutôt inspiré de celui de RL Burnside sur Rollin and Tumblin, mais bon c’est aussi le même morceau au fond ! En conclusion, on est vraiment sur du pur blues du Mississippi !

Proud Mary est venue tout à la fin de l’enregistrement de l’album. Dans ce cas-là, le texte (références à Memphis, au Mississippi encore…) ont joué un rôle. Et puis bien sur j’adore Creedence !

 

Tu es ce qu’on appelle un one-man-band, au demeurant remarquablement bon, mais pourquoi vouloir jouer seul ? Et ne serais-tu pas tenté parfois de jouer tes compos en groupe sur scène ?
Ça fait un bout de temps que je joue dans cette configuration. Je n’ai jamais vraiment joué sérieusement en groupe et je ne sais pas trop ce que ça donnerait. Je n’y ai jamais vraiment pensé en fait. Le one-man band, ça a un côté pratique en plus : pas besoin de faire coïncider les agendas quand on doit jouer. Donc, non je ne crois pas que ce soit dans le plans pour l’instant.

 

Dans cet album, tu navigues plus que jamais dans des ambiances de blues chaleureux et de boogie qui donnent le tournis, mais toujours avec cet arrière-goût punk rock qui fait ton identité. D’où te vient cette passion que tu transmets d’album en album avec fougue ? 
J’essaie de faire un peu la même chose que les musiciens que j’écoute. Même si j’écoute beaucoup de blues, je suis quand même au moins autant ce qui se fait dans le punk rock (genre The Men ou les Australiens de Stiff Richards) ou dans le garage psyché (toute la galaxie Osees, etc.). A chaque fois, ce sont des groupes qui ont une personnalité assez marquée quand même. Et c’est pas de la musique très calme ! Je suppose que ça doit se refléter sur ce que je produis d’une certaine façon.

Dès le départ du projet, l’idée c’était d’essayer de mixer le blues à la Fred McDowell avec l’attitude des Stooges. Le cahier des charges du dernier album est peut-être un peu moins radical mais ça reste dans la même veine !

Que prépares-tu pour la suite ?
Au moment où on parle, la priorité c’est de faire tourner les morceaux live. J’ai quelques dates de prévues plutôt dans le Nord Est dont une avec Guitar Wold qui s’annonce bien cool. Je vais sans doute continuer un peu en 2024. Après je n’ai pas vraiment de plan pour la suite. J’essaie aussi de bosser la guitare, plus dans le genre RL Burnside, mais il y a du boulot. On verra bien s’il en sort quelque chose !



Chicken Diamond – “Shadow City” – Beast Records 29/09/2023
https://www.beast-records.com/bands/chicken-diamond/