[Interview] Bandit Bandit 11:11 – Mythos 2024

Photo (c) Anne Marzeliere

Après deux EPs salués par la critique, le duo de choc toujours chic, formé par Maëva Nicolas (chant, guitare) et Hugo Herleman (guitare) atteint le sommet de son art avec un 1er album symboliquement nommé 11:11. Dans un univers pop rock rempli d’une fascinante sensualité et d’une vivacité explosive devenue leur marque de fabrique, leur complicité joue un rôle de catalyseur dans le parcours identitaire de Bandit Bandit. Entre relations amoureuses complexes et interrogations sur les dépendances en tous genres, les textes sont plus vrais qu’aurait pu l’être la réalité, résonnant en nous comme des électrochocs. En point de suspension ou en point d’exclamation, le duo cultive les désirs stroboscopiques où les dualités bousculent les attentes, formant des idéaux émancipateurs. Pour Bandit Bandit, ce n’est que le début de l’aventure, mais déjà leur histoire est aussi forte de sens et rebelle par essence que leurs chansons. 
Quelques heures avant de monter sur la scène du Festival Mythos, Hugo et Maeva, évoquent avec moi, leur parcours. 

 

 

Est-ce que vous pouvez revenir sur l’origine de votre groupe, votre duo ? 
HugoEn 2015, on a matché sur une application de rencontre. Quelques mois après, on s’est rencontré à une soirée. On a fait une longue soirée bien arrosée et voilà. Ensuite, on a commencé une espèce de relation assez tumultueuse, assez houleuse.
Et on a fini par se mettre ensemble, tout s’est apaisé, il y a toujours eu de la musique entre Maëva et moi, dès le premier soir, on avait une guitare, à l’after de mon concert, on chantait des chansons, etc. Donc il y a toujours eu de la musique et Maëva avait des textes. Moi, j’avais aussi quelques chansons, des trucs. On avait pour idée après de juste les enregistrer comme ça, pour nous.
Finalement, c’est devenu assez sérieux et puis on a voulu monter un groupe en 2018. On a fait les premières répétitions des premiers singles en 2019.

MaëvaMoi, je ne voulais pas monter un groupe, je ne voulais pas faire de musique de façon pro. J’étais attachée de presse dans la musique avant. J’ai toujours fait de la musique, mes premiers cours de chant j’avais 7-8 ans, avec mon premier groupe de rock à 13 ans, et puis après, j’ai eu d’autres formations où j’ai joué dans des bars. Mais pas de manière professionnelle… Et vu que j’étais lancée dans ma carrière d’attachée de presse, j’avais peur qu’on me dise que je passai de l’autre côté du rideau avec le complexe de l’imposteur. J’avais surtout peur, je crois.
Et puis il y a eu les deux EPs, on a beaucoup tourné partout. Entre temps, il y a eu notre séparation, mais on a continué, on a réussi à faire cet album. Voilà, c’est une belle histoire qui continue. 

Sortir votre premier album “11h11” c’est aussi une étape importante ?
MaëvaBien sûr, je pense que pour chaque artiste c’est le cas. Même si on a repoussé à cause de l’impact que l’on connaît de ce Covid à la con là.

Hugo : C’était quelque chose qu’on attendait avec impatience et je pense que pour un artiste, un premier grand format, c’est le moyen de s’exprimer plus longuement, d’aller explorer d’autres pistes, de pousser un peu plus la composition, l’écriture et aussi d’installer, je pense, un univers plus affirmé.
L’EP, c’est une sorte de carte de visite qui entre guillemets pour donner le style. 11h11, notre premier album, c’est vraiment pour se trouver, pour s’asseoir pleinement de ne plus avoir peur de sortir des codes rock. De s’affirmer et de nuancer avec des moments plus groovy, plus balades dans un mélange de rock anglo-saxon et de chanson française.


La première fois que je vous avais vu en concert, l’aspect qui m’avait marqué, c’est une sorte de dualité qu’il y avait entre vous, avec quelque chose de vif et de sensuel, de très fort. Sur scène, il y toujours ça ?
Hugo : C’est toujours le cas, l’alchimie n’a pas changé, malgré que notre relation a évolué. l’amour qu’on se porte a juste évolué, mais c’est vrai qu’en live, c’est le duo et je pense qu’il y a un truc dans la musique avec Maëva. Même quand on écrit nos textes, on a toujours eu ce truc de réussir à se dire avec les chansons des choses qu’on n’arrivait pas à se dire autrement. En live, il y a cette facette là de revivre ces échanges. On ne surjoue pas, on vit juste le truc à 2000%.

MaëvaSur scène, on a besoin de ça. C’est un peu comme sur un ring, il y a une dualité et à la fois aussi beaucoup de tendresse. C’est l’électrique et à chaque fois en live, c’est différent. 

Est-ce d’être en contact avec le public, d’avoir cette énergie que vous rebalancer le positif et le négatif vous permet aussi d’exorciser certaines choses ?  
Hugo : C’est vrai que déjà, c’est un besoin personnel pour Maéva et moi d’aller sur scène. Mais on fait ça aussi pour le public  et quand il y a une espèce de ping-pong, de connexion avec les gens. En fait, c’est une invitation à la trance et au lâcher prise. Passer une heure et demie à mettre les problèmes de côté et à s’éclater. Nous, c’est comme ça aussi qu’on vit la musique. On va avoir beaucoup de concerts ensemble et, en fait, on cherche à voir ou à vivre un truc un peu exceptionnel.

Maëva : On essaie de se donner à fond en live. Qu’on joue devant 80 personnes ou 2000, on va donner la même énergie. Il faut aller chercher le public et surtout avoir un grand respect pour ceux qui viennent nous voir, nous écouter. Et il y a presque un côté amical quand on se rencontre après au merch, on sent qu’il y a des gens qui suivent vraiment le projet. On leur doit bien ça. Après, même si on se raconte beaucoup sentimentalement dans nos chansons, ce sont des sujets que les gens ont pu vivre aussi dans leur vie, donc ça leur parle. Avec nos chansons, tu vois si on peut apporter de la force à certaines personnes. On est les plus heureux. C’est à ça que ça sert aussi la musique.

 

 


Avez-vous parfois des gens qui viennent vous voir au merch, pour vous raconter leurs histoires personnelles ?
Maëva : Comme je disais tout à l’heure, il y a beaucoup de sentiments dans nos chansons, c’est commun forcément à tout le monde. Après les concerts ou par message sur les réseaux sociaux. Je parle clairement de rupture et les gens se retrouvent quelque part dans nos chansons et, en fait, ça fait du bien. L’autre jour, j’ai lu un article sur ça où les gens aiment écouter des chansons tristes parce qu’il y a vraiment ce besoin, quand on n’est pas bien, d’aller s’enfoncer encore plus bas en écoutant quelque chose de triste. Je pense qu’on est aussi de ce côté-là. C’est ce que je fais quand je ne suis pas bien. J’écoute l’intégral de Barbara et ça m’enfonce six pieds sous terre, mais ça libère des endorphines et je me sens mieux.

Hugo : Au-delà de ça, quand il y en a des textes plus engagés sur le féminisme, notamment par exemple Lucky Luke parle des féminicides ou de toxicité, puis Romane ça parle du mouvement Me Too, il y a des gens qui s’y retrouvent, des femmes qui ont pu se faire agresser. C’est notre façon de crier de dire : « Non, non, vous n’êtes pas seule et il faut que ça bouge. » C’est en train de changer petit à petit, c’est un combat qui nous tient à cœur aussi.

C’est encore plus marquant dans la nouvelle scène musicale. Il y a beaucoup de jeunes groupes qui s’expriment dans le mouvement féministe, pas par effet de mode, mais par conviction. Est-ce que c’est quelque chose aussi qui fait sens pour vous ?
MaëvaOui, on voit beaucoup de groupes, d’amis avec qui ça fait sens. Parce qu’effectivement, avec le mouvement Me Too, depuis 5 ans, il y a de plus en plus de prises de position. En tout cas, dans notre milieu musical, la sororité a lieu et il est temps. Après, il y a le mouvement More Women On Stage par Lola Frichet, la bassiste de Pogo Car Crash Control, qui fait du bien et qui nous fait nous sentir légitimes et moins seules. À l’époque, on ne parlait pas forcément de ces choses là parce qu’on était beaucoup moins de femmes sur scène. Même s’il y avait des prises de parole politiques, elles ne concernaient absolument pas ces mouvements-là, et il est plus que nécessaire aujourd’hui d’en parler et de donner de la voix aux personnes qui ne peuvent pas forcément prendre.

Hugo : Bien sûr, il est clair que la musique est de toute façon un moyen de transmettre des messages ; c’est notamment le cas avec le rock. C’est vrai qu’à l’époque, quand j’ai commencé à faire du rock, on était presque exclusivement masculin. On parlait beaucoup plus de la galère à médiatiser la musique indé. Aujourd’hui, il y a la question de l’équilibre hommes femmes dans la musique et dans la société. On voit de plus en plus de groupes et de jeunes femmes qui arrivent et, petit à petit, ça fait effet boule de neige, c’est chouette.

 

Maëva : Au tout début du groupe, on se disait justement un peu apolitique. Sur les deux premiers EPs on était plutôt hyper-autocentré à parler uniquement de nos vécus, de nos couples, de nos problèmes d’addiction, mais avec cet album, ça s’est un peu imposé à nous comme une évidence. Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais il y a parfois des choses qu’on ne réalise pas tout de suite. Ma prise de conscience féministe est arrivée assez tard. Adolescente, j’étais toujours avec des garçons, ce n’était pas des sujets qui me touchaient vraiment. Et puis, bien plus tard, j’ai découvert les Riot Grrrl, le mouvement des années 90 dans le punk et le grunge aux États-Unis et en France. Je n’avais, pour autant, pas trop de figures féminines dans mon univers. J’avais Mademoiselle K et Superbus, que j’écoutais en boucle quand j’étais gamine, et puis ensuite Izia Higelin, bien sûr, mais c’était difficile en tant que femme de me dire qu’on pouvait prendre une place plus importante.

Je sais qu’au tout début de Bandit Bandit, j’avais le droit à des commentaires du genre : « Ah, toi tu fais du rock comme un mec ! » Mais ça veut dire quoi faire du rock comme un mec ! Je répondais : « À priori, je suis une femme, mais t’inquiète pas, ça va bien se passer… ». Quand la personne te dit ça, elle pense te faire un compliment, mais c’est juste énervant en fait !
C’est cool de voir qu’il y a de plus en plus de jeunes qui osent militer pour ça…

 

 

Le premier album de Bandit Bandit 11:11 est disponible ici https://banditbandit.lnk.to/1111

Bandit Bandit sera en concert à Paris à Cigale le 06.12.2024 Billetterie ici

Suivre Bandit Bandit : InstagramFacebookXTik Tok

Photo (c) Anne Marzeliere