[Interview] Agathe Plaisance – Beautiful Damages

Certaines voix semblent naître d’un murmure intérieur, comme si elles portaient en elles les frissons du monde et tous les doutes d’une existence à dessiner. Agathe Plaisance est de celles-là. Sa musique, à la fois intime et universelle, déploie une sincérité touchante, sans artifices ni faux-semblants. Dès les premières notes, elle nous enveloppe dans un écrin sonore fait de délicatesse et de mélancolie, où chaque mot, chaque souffle, semble mesuré, pesé et vécu. Son univers en clair-obscur, introspectif, prend la forme d’une catharsis musicale, d’une folk minimaliste au cœur d’un jardin secret ardant, un abri loin des autres et pourtant si proche de nous.
Dans une impulsion nouvelle, ses chansons se révèlent en un projet riche de sens où Agathe avance avec une justesse désarmante, à pas de louve, féline et délicate.
Dans cet entretien, lors des Bars en trans en décembre dernier, elle nous ouvre les portes de son univers, entre résilience et besoin d’absolu, et surement vers une vérité essentielle qui ne pourra pas vous laisser indifférent.

Bonjour Agathe. Aujourd’hui, tu as joué à la Salle de la Cité pour l’ouverture du festival. Peux-tu nous présenter ton projet ?
Mon projet porte mon vrai nom, Agathe Plaisance. Je compose des morceaux guitare-voix depuis mon adolescence, mais c’est en sortant des Beaux-Arts en 2021 que j’ai décidé d’en faire quelque chose. J’ai sorti un premier album en 2023 et je travaille actuellement sur le deuxième. Mon univers, bien que largement influencé par la folk, explore différentes sonorités. C’est un projet minimaliste et sombre, où la voix tient une place centrale.

Sur scène, tu dégages une grande pudeur et une intensité remarquable. Est-ce difficile pour toi de te livrer ainsi au public ?
C’est totalement moi, mais j’ai l’impression d’être un portail entre mes expériences et celles des autres. Ce que je ressens, d’autres le vivent aussi, et j’espère que cette franchise peut toucher ceux qui ont besoin de l’entendre. Mes textes sont souvent durs, mais ils reflètent des réalités que je traverse.

Tes chansons parlent-elles exclusivement de ton vécu ?
Oui, elles sont très inspirées par mon expérience personnelle, que ce soit mon rapport à la société, à l’écologie, à l’amitié, l’amour ou encore l’addiction. Je ne fais pas l’apologie des drogues, mais elles font partie de mon histoire et j’ai besoin de l’exprimer.

Te livrer ainsi n’est-il pas un poids ?
C’est un besoin. Ma santé mentale est fragile, et après le confinement, j’ai développé un trouble anxieux et une dépression sévère. La musique est devenue un remède. Parfois, l’anxiété peut impacter mes performances, mais elle me permet aussi de reconnecter avec moi-même.

Penses-tu que la scène puisse t’aider à canaliser ton stress ?
Oui, et c’est ce que je cherche. Pour mieux gérer mon stress, j’intègre des pratiques comme le yoga et des exercices de respiration. Cela m’aide à me préserver et améliore à la fois ma vie quotidienne et ma présence scénique.

Quelles sont tes influences musicales ?
J’accorde beaucoup d’importance aux voix. Si une voix ne me touche pas, je peux ne pas accrocher à un morceau, même s’il est bien produit. J’ai été influencée par Cat Power, Hope Sandoval, Portishead, Emiliana Torrini, Mazzy Star, et Soko. Chez les artistes masculins, j’apprécie particulièrement Peter Doherty, Loverman et Lee Hazlewood. J’aime aussi la musique qui fait danser, car il y a une dimension sensorielle importante pour moi.

Tu es très entourée dans ton projet. Cela t’aide-t-il ?
La musique a toujours guidé mes choix. J’ai rencontré mes amis musiciens très jeune, et nous avons partagé nos influences. Je suis revenue à Évreux car j’ai été accompagnée par Le Kubb, et j’y suis restée notamment pour des raisons personnelles. On ne travaille pas systématiquement ensemble, mais il existe une véritable connexion musicale entre nous.

Que représente pour toi le fait d’être programmée aux Bars en Trans ?
J’étais très stressée, surtout parce que ce concert était une première pour mon nouveau set. Ce festival est important et attire de nombreux professionnels, ce qui met une pression supplémentaire. Mais je suis reconnaissante envers Norma et la région Normandie pour leur confiance.

Le vois-tu comme un tremplin ?
Un peu. Je garde les pieds sur terre, car le milieu musical est difficile. Mon objectif est de vivre de ma musique, de jouer sur scène autant que possible, sans forcement chercher à « percer » à tout prix.

Tu travailles sur un nouvel album. Envisages-tu des collaborations ?
J’aime garder le contrôle sur ma musique, mais je suis ouverte aux propositions. Pour ce nouvel album, je travaille avec Arthur Guégan en studio et Léo, qui m’accompagne sur scène et qui est aussi mon compagnon. Leur influence enrichit mon projet tout en respectant mon univers.

Merci Agathe pour cet échange. Hâte de découvrir la suite !

 

 

 

 

Photo de couv. (c) Charlotte Romer