[Interview] AFTER GEOGRAPHY – ZANY CURE

Nés du désir simple de rejouer ensemble, les deux membres fondateurs d’After Geography ont façonné un projet aussi instinctif que réfléchi, où la pop se mêle à une écriture ciselée. Originaires de Lyon, ils forment aujourd’hui un quatuor sur scène, mais le cœur du groupe reste ce duo complice qui écrit, arrange et façonne les chansons avant de les confier à leurs camarades de route. Entre pop lumineuse et mélancolie douce, After Geography assume son héritage, celui des grands songwriters. Leur démarche, artisanale et moderne à la fois, s’appuie sur une liberté totale…

 

Quel a été le point de départ de votre projet ?

L’idée, c’était de rejouer ensemble dans un groupe, de réécrire des morceaux à deux, de lier nos façons d’écrire des chansons. Refaire quelque chose ensemble, retravailler le songwriting en duo.

On voulait partager les morceaux, apporter quelque chose à ceux de l’autre, et inversement. On a tout de suite senti qu’il y avait un échange très simple et instinctif entre nous. Avant, on jouait dans un autre groupe, mais la manière de fonctionner était différente.

Dans ce groupe précédent, vous étiez plus nombreux ?

Oui, on était quatre, mais c’était une autre approche, un autre genre musical. C’était plus basé sur la jam en répétition. Même si Julien amenait souvent les riffs au départ, il y avait moins de travail d’écriture en amont.

Aujourd’hui, on écrit les chansons au piano ou à la guitare, puis on les peaufine ensemble.

Comment vous répartissez-vous les rôles dans la création ?

Le principe, c’est justement qu’il n’y ait pas de rôles fixes. Chacun commence une ébauche de son côté, la présente à l’autre, et ensuite on termine ensemble. L’un peut ajouter des parties, structurer le morceau, retravailler les arrangements, le tempo, etc.

Donc dès le départ, l’idée, c’était de fonctionner librement, sans hiérarchie ?

Exactement. Si Nico arrive avec un morceau complet ou si c’est moi, peu importe : le but, c’est qu’on soit tous les deux satisfaits du résultat. Généralement, l’un apporte des arrangements, l’autre complète. Parfois, on mélange deux idées de morceaux — notre premier single est né comme ça.
Il n’y a pas de formule, c’est complètement ouvert. En général, celui qui écrit chante, mais ce n’est pas systématique.

Parlons de Mr. Heng. Comment est né ce personnage ?

C’est venu naturellement dans l’écriture. Le nom est apparu un peu par hasard, au fil des mots. On a développé autour une petite histoire, un peu sombre mais qu’on traite avec légèreté. On aime bien jouer avec ces univers un peu étranges, un peu loufoques.

Votre univers musical reste pop, avec un soin particulier à l’écriture. C’est une ligne que vous gardez sur vos deux maxis 45 tours ?

Oui, clairement. On garde la même méthode : tout part d’une guitare ou d’un piano. On écrit chacun de notre côté, puis on met tout en commun pour structurer, peaufiner, trouver les lignes de voix et les arrangements.
En studio, on travaille avec Matthias et Étienne, qui jouent batterie et basse. En live, c’est encore autre chose : on réarrange, on teste, on adapte.

Ce qu’on aime dans ce projet, c’est la liberté. Avant, on pensait nos morceaux surtout pour le live. Là, en studio, on ne se fixe aucune limite. Si on veut mettre des cordes ou des cuivres, on le fait — quitte à réarranger ensuite pour la scène.

Justement, comment s’est formé le groupe à quatre ?

On se connaît depuis longtemps, on vient tous de Lyon. On avait déjà joué ensemble dans d’autres projets. Le plus important, c’est qu’on se supporte bien (rire) — ça fait 70 % de la musique !

Donc vous composez à deux, mais jouez à quatre ?

C’est ça. Sur scène et en studio, on est quatre, mais la base créative reste le duo. Ce n’est pas un schéma « un artiste et ses musiciens » — c’est vraiment deux compositeurs, deux cerveaux.

Vous pensez d’abord la musique sur disque avant de penser au live ?

Oui, on sépare complètement les deux.
Le live, c’est une autre version : certains morceaux sont réarrangés, d’autres gagnent en énergie. Parfois même, c’est l’inverse : un titre né énergique en live devient plus intime en studio (Shiny Boy, par exemple, marche aussi très bien en acoustique).

Ce découplage entre studio et scène, ça nous permet de valoriser les chansons différemment. En studio, on se concentre sur la beauté du morceau ; en live, sur l’énergie.

Vos premiers concerts, comment les avez-vous vécus ?

Les premiers, c’était en juin 2021 — période particulière : sortie de confinement, public masqué et assis. Malgré ça, l’ambiance était incroyable.
C’est d’ailleurs un de nos meilleurs souvenirs. Il y avait une vraie émotion partagée.

Ensuite, on a joué au festival de la Messe de Minuit, puis au Bus Palladium. Aujourd’hui, on est en tournée — et sur scène, ce qu’on aime, c’est ce côté immédiat, honnête.
En studio, tout est très réfléchi, mais sur scène, on se laisse aller. On est juste nous-mêmes.

Cette sincérité, c’est central pour vous ?

Oui, complètement. Il faut que ça nous ressemble, que ce soit sincère. C’est ça qui rend le moment vrai, autant pour nous que pour le public.

Pourquoi avoir choisi le format du maxi 45 tours ?

À la base, on avait six morceaux. On voulait d’abord sortir trois 45 tours de deux titres, mais notre distributeur (Dangerous, à Lyon) nous a conseillé un format plus large — le maxi 45 tours — plus attractif et mieux perçu par la presse.

Et puis on adore l’objet ! On a grandi avec ça. Les maxis de Bowie, par exemple… c’est un format culte.
On voulait retrouver ce plaisir tactile du vinyle. Les CD, on n’en fait pas. Autant aller au bout du concept.

Vous avez joué au Bus Palladium, un lieu mythique qui va fermer. Qu’est-ce que ça vous a fait ?

C’était en novembre. On est super contents d’y avoir joué avant la fermeture.
C’est triste, évidemment, surtout dans les conditions actuelles. Mais on garde un super souvenir : c’est un lieu chargé d’histoire, d’ambiance, presque « paranormal » parfois (rire). C’est dommage que des endroits comme ça disparaissent.

Et vos influences, justement ?

Honnêtement, on ne prétend pas réinventer quoi que ce soit. Nos influences sont nombreuses, digérées au fil des années.
Notre seul principe, c’est de faire la musique qu’on aime écouter.

Bien sûr qu’il y a un héritage, mais on fait les choses à notre sauce, sans chercher à copier. Ce qui nous anime, c’est l’écriture : une bonne chanson reste une bonne chanson, peu importe l’habillage.

Nos influences sont donc autant dans l’écriture que dans le son, la composition, l’esthétique. Mais rien de figé.

Il y a pourtant un ton très introspectif, poétique, presque littéraire dans vos textes.

C’est vrai, mais on prend les choses avec légèreté.
On parle parfois de thèmes un peu sombres, mais on préfère les aborder avec dérision. C’est notre manière de transformer ce qu’on vit en quelque chose de plus lumineux, plus fun.

Et la COVID, comment l’avez-vous vécue ?

Ça a été une période étrange.
Au tout début, beaucoup d’incertitude, mais on s’appelait tous les jours. Finalement, on a mis ce temps à profit.
Pendant le confinement, on a pu mixer nos morceaux tranquillement, chercher le bon son, le bon équilibre. C’est horrible à dire, mais ça nous a presque servi.

Bien sûr, psychologiquement, c’était dur. Mais pour le projet, c’est tombé à un moment où ça a permis d’avancer.

Et sur la scène lyonnaise, comment vous situez-vous ?

À Lyon, il y a plein de groupes, de styles différents, une vraie effervescence.
Ce n’est pas une « scène » unifiée comme il y a 40 ans, mais il y a une fraternité entre musiciens.
On est proches de Théo Charaf, par exemple. Et des petites salles comme le Room relancent vraiment une dynamique rock locale.

Il y a aussi tout un réseau d’assos et de labels : Coldfame, Mediatones, Bigou Records, Carton Records, Dur et Doux… Bref, un écosystème vivant.

Et demain, idéalement, vous vous voyez où ?

Sur la route !
Jouer un maximum, enregistrer librement, sans contrainte.
On écrit beaucoup, mais la production demande du temps — pressage, sorties, logistique… L’idée, c’est de garder une fluidité entre écriture, enregistrement et live.

Dans les mois qui viennent, on a des dates jusqu’en avril, des festivals cet été, une tournée à l’automne. Et probablement un nouvel EP à venir…


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