Iggy Pop “Every Loser”

Explosion d’énergie rafraîchissante qui rend Iggy Pop plus jeune que jamais.

Iggy Pop est-il sage ? A l’âge pourtant avancé de 75 ans, et même si son précèdent album l’inattendu et jazzy “Free” (2019), était plus relax que rageur, la tournée mondiale qu’il a entrepris en 2022 montrait quoi qu’en dise qu’il avait toujours une âme punk en lui et un cœur de rockeur encore solide. L’iguane marque ce début d’année par un retour ardant en terre familière qui nous fait faire, mine de rien, un bond sonore de plus de 40 ans en arrière. J’oserais même dire jusqu’à aujourd’hui sans fausse nostalgie et/ou réflexion de vieux con, que je n’espérais plus vraiment un retour discographique possible dans cette esthétique. Car le disque très rock publié en 2016, “Post Pop Depression”, (album marqué par les morts de David Bowie et Lou Reed) est pour moi plus une co-production avec Josh Homme qu’un vrai opus d’Iggy. Et la discographie de l’iguane depuis 20 ans ressemble plus à celle d’un crooner mélancolique qu’à celle du père de “Raw Power”.

Avec plus de cinq décennies de musique derrière lui, il est remarquable de constater à quel point il sait faire encore raisonner sa voix. “Je suis déchaîné” hurle-t-il à plusieurs reprises dans “Frenzy” et c’est bien comme cela que nous voulions l’entendre à nouveau. Comme sur le morceau de clôture “The Regency”, une bourrasque garage punk idéal pour pogoter, avec un refrain pour le moins évocateur : “Fuck the Regency up!”. “Neo Punk” est quant à lui une franche tranche de rigolade où il se moque des punks en toc. Et en 2023 il y en a de plus en plus… Bon, bien sûr nous retrouvons aussi sur “Every Loser” des titres moins agressifs, proches de ses dernières créations, notamment “Strung Out Johnny” et “Morning Show”. “Strung Out Johnny” est une chanson synth-pop plutôt grandiose racontant l’histoire (vraisemblablement autobiographique) d’une rock star junkie : “la troisième fois, tu n’en as jamais assez, et ta vie s’emballe”. C’est plus discret que beaucoup de morceaux de l’album, mais il a une majesté scintillante et synthétique qui lui est propre.

Iggy est un authentique phénix qui voit son feu sacré rock revenir avec ce nouvel album punk grinçant et bruyant, du genre qui nous fait instantanément penser au Stooges. A ce magma s’ajoute une liste stellaire d’invités pour accompagner Mister Pop sur ce 19ème opus studio co-écrit par le producteur et guitariste américain Andrew Watt et enregistré autour d’un noyau dur constitué de Chad Smith (Red Hot Chili Peppers) à la batterie, Duff McKagan (Guns’N’Roses) à la basse, Dave Navarro (Jane’s Addiction, Red Hot), Josh Klinghoffer (Red Hot également), Stone Gossard (Pearl Jam), Travis Barker (Blink 182) et le regretté Taylor Hawkins (Foo Fighters).

Pour autant ne vous y trompez pas, l’attrait premier de cet collection de chansons est la mise en abyme d’Iggy Pop sur lui-même. Pas vraiment novateur, pas totalement comme avant, et même si ça ne correspond pas à son apogée du milieu des années 70, c’est un album qui permet une fois de plus de comprendre pourquoi Iggy est l’une des rock stars essentielles de notre époque. Il n’y a pas beaucoup de septuagénaires qui pourraient rendre une telle rage authentique, mais James Osterberg (son vrai nom) dégaine les titres punks visiblement sans effort. Le mec n’a rien perdu de cette rock’n’roll attitude qui lui colle à la peau. Une réussite !

Notons enfin qu’Iggy Pop prévoit de défendre ce nouvel album sur scène accompagné d’un nouveau groupe baptisé The Losers qui sera constitué sur les premières dates du producteur Andrew Watt, du batteur Chad Smith et du bassiste Duff McKagan. Cinq concerts sont pour le moment prévus aux Etats Unis entre le 20 et le 29 avril 2023. Avant cela, il se produira avec d’autres musiciens le 10 mars 2023 à Chicago.