ICARE VERTIGO – L’ENVOLE INTELLIGIBLE

Quand certains jugent la chanson française enfermée dans des schémas vus et revus, il y a toujours une nouvelle formation qui débarque et font revoir leurs préjugés aux plus septiques! Le sextet pop rock rennais ICARE VERTIGO, formé par les musiciens du groupe CALICO avec au micro et à la plume, Jean-Marie Le Goff signe un premier album éponyme en début d’année, réalisé par Bruno Green (Détroit, Melissmell, Matmatah). Le groupe malgré son nom, qui laisserait penser à un envol mythologique, explore avec poésie notre époque contemporaine les pieds sur terre et les yeux vers les étoiles. ICARE VERTIGO nous entraîne pour un univers rock électrique, tranchant comme un silex et d’une vigueur éblouissante. Un clair-obscur qui nous questionne. Désir du vent du bord de mer, de chemin sinueux au milieu des herbes hautes, de souffle dans les branches des arbres et de frissons sur la peau, les fondements sont là, sans artifices, beaux mais réaliste, de combat ordinaire en lutte unitaire. Ils dévoilent la face brillante d’un nouveau groupe pop rock qui invite dans des refrains entêtant à revenir a l’essentiel. Sur des thématiques fortes allant de pair avec la puissance de compositions ambitieuses, l’ensemble nous frappe. Jean-Marie a accepté de nous en dévoiler les contours et les origines dans un long entretien que je vous livre tout de go !

Quelle était la motivation première pour la création de cet album ?
JM : La motivation première, c’est ce que tous les membres du groupe avaient envie de porter les chansons qui sont au cœur de ce premier album.

Vous êtes combien à former le groupe ?
JM : On est six. Il y a Gildas Le Goff à la batterie, Herve Le Goff au clavier, Alexis Wolff aux guitares et aux arrangements, Vincent Normand à la basse, Mikael Le Mûr à la guitare et je suis au chant, guitare.

Et vous êtes tous à l’origine de la formation du groupe ?
JM : En quelque sorte oui. Vincent, mes frères et moi étions dans Calico. Alexis (à la basse) et moi (à la batterie) faisons partie de Goudron Plumé le trio rock emmené par Vincent (guitare / chant). Nous avions aussi collaboré avec Mikaël (qui porte par ailleurs The Wâll Factory).
Pour Icare Vertigo, j’avais des chansons guitare. J’ai proposé à Alexis de les arranger, il a accepté et s’est beaucoup impliqué bien que ce ne soit pas son univers premier (plutôt rock indé / progressif).
Sur la base des chansons qui devaient tenir « debout » toutes nues en guitare voix, nous avions dans nos discussions initiales deux directions possibles : soit une version acoustique, assez directe, un peu sur l’os ; soit une version plus arrangée avec des guitares, des synthés. C’est cette seconde option que nous avons choisie, il a alors pris les clés des chansons.
Une fois chaque titre arrangé par Alexis, nous avons (beaucoup) travaillé les chansons « en vrai » avec l’ensemble du groupe dans notre local rennais pour que chaque musicien trouve sa place.
Puis nous avons enregistré une maquette que nous avons soumise à Bruno Green (avec qui Alexis avait bossé sur l’EP de Elk Eskape) pour lui demander s’il était partant pour prendre les clés du disque (toujours une histoire de clés). Nous avons échangé à distance (il vit au Québec), avons partagé notre vision des chansons et nous sommes mis d’accord pour les enregistrer au studio du Faune près de Rennes en février 2020.
Bruno est venu en France passer une quinzaine de jours et nous avons pris dix jours de studio avec lui. C’était un très bon moment, artistique et humain. Nous avions choisi ensemble d’enregistrer live, nous avions donc beaucoup répété et étions prêts. Il nous a mis dans des conditions idéales et les prises se sont passées très sereinement.

Vous aviez déjà un sérieux bagage avec vos précédentes formation. C’est sans doute l’expérience qui fait cette sérénité aussi ?
JM
: Oui, nous n’aurions probablement pas pu enregistrer cet album-là de cette façon il y a 20 ans.

Tu peux te libérer un peu plus sur l’essentiel ?
JM : Oui, quand tu as les morceaux bien « dans les doigts » l’enregistrement te permet de faire des choix d’interprétation, d’aller dans les détails.
C’était très agréable cette session d’autant qu’elle a précédé une période qui l’était nettement moins puisque Bruno est reparti au Québec avec les chansons à mixer juste au moment du premier confinement Covid.
Nous sommes malgré tout passés « entre les gouttes » car au moment où Bruno mixait les titres à Sherbrooke nous avons pu créer le concert en trois temps de résidence :

  • Un premier consacré au son plateau à l’Avant-Scène à Montfort-sur-Meu
  • Un second pour monter le set avec Philippe Prohom à l’Escapade à Pacé
  • Un troisième pour finaliser la création lumières à Bleu Pluriel à St Brieuc

En parallèle, on a préparé la sortie du disque et bossé sur l’identité graphique du groupe.

Justement qui a réalisé l’illustration qui figure sur la pochette ?
JM : C’est à Sylvain Deffaix que nous avons confié les clés de l’identité graphique : photos, visuels de l’album, artwork de la pochette, visuel des singles, calicots scéniques, ce qui donne une cohérence globale. C’est un ami et quelqu’un dont nous apprécions beaucoup le regard.
En septembre 2020, on avait donc l’album et le concert prêts.
Nous devions initialement le sortir à l’automne et nous avions prévu un concert à l’Aire Libre à St Jacques de La Lande près de Rennes le 24 octobre.
Et nous avons pu le donner in extrémis malgré un couvre-feu annoncé deux jours auparavant. Un moment assez fort dans ce contexte singulier.
Cela nous a permis de nous « rassurer », le concert semble fonctionner …

C’est forcement difficile d’avoir bossé autant de fois, et de ne pas pouvoir le présenter au moins une fois !
JM : C’est frustrant. Au moment où tout était prêts nous avons dû reporter la sortie de l’album au printemps 2021.
Nous avons mis en ligne un premier titre en octobre 2020 : « Le combat ordinaire ».
Puis un deuxième est sorti fin janvier avec un clip : « Ma place pour Mars ». C’est le jeune et prometteur réalisateur rennais Martin Delbeke qui l’a réalisé. Nous avons mobilisé des proches pour le tournage en Centre Bretagne avec la construction d’une structure assez improbable : un dôme géodésique blanc au milieu d’un champ …
L’album est finalement sorti le 5 mars 2021.

On y retrouve beaucoup d’influences très variées. Et toi, par rapport à cet album, l’univers que vous avez développé, comment tu le définirais exactement ?
JM : Comme me l’a suggéré Pierre-Arnaud Jonard lors d’une interview, j’ai l’impression qu’on pourrait qualifier l’album de « québécois ». Au sens où il me semble qu’au Québec, les artistes ont la liberté de pouvoir passer de la chanson au rock sans que cela pose problème.
Le texte est au cœur et constitue le fil rouge mais la matière sonore est diverse même s’il y a une cohérence de l’ensemble.
On peut passer d’un premier titre assez pop « Le seuil » à un autre plus rock «Le regain » à une balade « La chaise » …

Il y a aussi une certaine ressemble avec l’univers de Dionysos parfois !
JM : Pour la singularité de l’univers je prends ! Ce que nous proposons se place au milieu d’influences musicales diverses mais ce qui est au cœur c’est ce que l’on a à raconter. Nous partageons une vision commune, c’est à dire qu’au moment où nous sommes ensemble dans le local pour répéter, en studio, sur scène où même en dehors nous portons la même histoire. C’est un peu tout le monde au service des chansons.

Il y des groupes qui cherchent à toucher une mouvance particulière. Et d’autres, au contraire, qui cherchent à s’éloigner des carcans un peu établis qui existent aussi dans la musique. Vous vous avez des mouvances musicales très variées selon les titres, avec toujours les textes en avant. Ce projet-là, est il une sorte d’électron libre ?
JM : Oui, nous ne cherchons pas à être dans une couleur musicale et le propos est le fil rouge. Nous faisons la musique qui nous parle sur chaque titre. Sur scène nous ajoutons une touche supplémentaire d’énergie et les chansons ne sont pas perçues de la même façon.

Vous aviez peut-être envie d’aller dans ce qui vous motive vous, plus que dans un désir esthétique ?
JM : C’est complètement ça. Avec une exigence sur chaque chose …

Ce n’est pas incompatible d’ailleurs.
JM : Non en effet. Nous avons plutôt de bons retours sur le travail fourni et la cohérence de ce que l’on propose indépendamment des goûts musicaux. La difficulté c’est de classer le groupe, que ce soit en tour ou en promo …

Il y a vraiment dans votre album cette notion importante de chanson française. Chanter en Français c’est important pour vous ?
JM : Complètement mais ça ne donne pas la case ! C’est pour ça que je parlais de groupe à la « québécoise». Si tu dis « c’est de la chanson française » tout de suite tu as une idée et ce n’est pas ce que l’on fait. Si tu dis « rock français », tu as une idée aussi, mais ce n’est pas non plus ce que l’on fait. La couleur varie sur chaque titre en restant malgré tout dans un espace musical contenu et cohérent il me semble. Il y a plein de choses à creuser dans ce que l’on a à proposer. Dans ce disque, on peut rentrer par plein d’entrées différentes. Ce qui est d’ailleurs étonnant dans les entrées en playlist sur les radios, il n’y a pas un seul titre qui ressort. Ça pourrait être présenté comme un défaut parce que nous n’avons pas ce fameux titre fort, ce tube, mais je le vois plutôt comme une qualité parce qu’il y a des coups de cœur pour des chansons très différentes.
Si on passait le cap, il y aurait beaucoup de chansons à piocher !

C’est vrai que là vous avez sorti Le combat ordinaire. Et l’autre c’était Ma place pour mars.
JM : Nous avons également sorti « La chaise » un truc un peu différent des deux premiers, c’est une balade.

En réalité, j’ai une préférence pour “Le regain”. Je trouve qu’il a une profondeur particulière dans ce titre. Ce n’est peut-être pas celui que les gens te nomment en premier ?
JM : C’est aussi l’un de nos préférés. En concert c’est une chanson qui fonctionne très bien sur scène, c’est un titre « incisif ». D’autant qu’on apporte en intro un angle de vue : « Le regain, c’est l’herbe qui repousse après la première coupe, c’est aussi le couple qui se retrouve après avoir explosé en vol ».

L’écriture ça demande une certaine forme d’exigence et sur l’aspect narratif, tu racontes beaucoup de choses dans tes chansons. Est-ce que tu avais un fil rouge, un fil conducteur qui t’aidait pour la construction de chaque chanson ?
JM : Le fil conducteur, c’est que j’écris toujours sur une idée, sur un propos, je ne pars quasiment jamais d’une histoire ou d’une feuille blanche. Je pars toujours de quelque chose que j’ai envie de communiquer et c’est toujours lié à l’humain. Toutes les chansons ont été construites sur une envie de traduire quelque chose. Et dedans, il y a beaucoup d’amitié, d’amour, de proches, de naïveté, de retour au sol, aux préoccupations premières, à la simplicité et je considère cela comme très politique et engagé. Une fois que j’ai une idée, je mets un temps fou à écrire. Je n’arrive pas à écrire vite, il me faut du temps.

Ne pas écrire vite, n’est pas forcément un défaut !
JM
: Non, en effet, ce n’est pas forcément un défaut. Il y a autant de façon d’écrire que d’auteur. Moi c’est très laborieux. Quand j’ai fini la chanson, que j’ai la mélodie vocale et une harmonie à la guitare, il faut ensuite la transformer en une chanson du groupe. Ce qui est très agréable avec l’équipe, c’est que comment on résonne les uns avec les autres, les choses se placent de façon assez évidente. Par exemple on a toujours travaillé les chansons de l’album dans leur ordre final. En répétitions, on jouait les chansons dans l’ordre dans lequel elles sont chantées sur le disque parce qu’il y a un début, un milieu et une fin. On démarre par « Le seuil » où l’on parle des retrouvailles. On finit par « Au revoir pudeur » où l’on trinque en laissant filer la nuit et où l’on se fait la bise sans oser dire que l’on s’aime. Et au milieu, il y a « La chaise » comme objet symbole de l’amitié. Et autour de tout ça on parle des relations entre les gens dans l’époque un peu troublée … Ce qui est top avec l’équipe Icare Vertigo, c’est que l’on partage ça. On ne fait pas ça par hasard. Quand on chante un titre sur scène, on sait ce qu’on a mis à l’intérieur. Ça nous amène une force.

Il y a l’humain et même l’humanisme qui est très présent dans cet album. Tu as notamment un titre qui est en duo avec Clarisse Lavanant. Comment ça s’est passé ?
JM : Je voulais écrire sur le couple, sur le fait que c’est difficile de le tenir sur la longueur. Le titre de la chanson est « Nous ne vieillirons pas ensemble » et paradoxalement, la chanson dit l’inverse de son titre : nous aurons tellement de choses à faire ensemble qu’on n’aura pas le temps de se voir vieillir. Quand j’écrivais le texte j’ai entendu La Moldau de Smetana et j’ai aimé le thème. En plus « La Moldau » est un fleuve, je trouvais que ça faisait du sens. J’ai emprunté les harmonies que j’ai un peu cassées.
Une fois le titre enregistré, on s’est dit que ce serait bien d’avoir une voix féminine pour faire un duo.
Il y a quelques années, j’avais soumis une chanson pour un concours de la Corderie royale à Rochefort, où il fallait proposer une reprise de Léo Ferré. Il y avait dix chansons à la fin, dont la mienne … et celle de Clarisse Lavanant qui a remporté le premier prix. C’est à cette occasion que j’ai découvert sa voix.
J’ai proposé la chanson à Clarisse via le web (c’était en plein confinement) et elle m’a répondu positivement très rapidement après avoir pris le temps d’écouter toutes les chansons de l’album, bien que ce ne soit pas forcément dans sa couleur habituelle.
Nous sommes très contents de cette collaboration.

Je rebondis justement sur ce que tu as dit à l’instant. Tu as donc cette chanson FLB, qui est une chanson en hommage à Léo Ferré. Pourquoi avoir voulu faire un hommage cette artiste en particulier ?
JM : Ce n’est pas un hommage, c’est l’occasion qui a voulu ça. Quand nous travaillions sur l’album s’est posée la question d’une reprise. J’ai proposé F L B, nous l’avons jouée ensemble et avons pris beaucoup de plaisir. Comme elle entrait dans la couleur globale, nous l’avons gardée pour le disque. Elle est très différente de l’originale. La version sur scène également …

Hâte de voir ça alors. Hâte de vivre ça, comme beaucoup en réalité. J’avais une dernière question sur ce que vous envisagez pour la suite, l’évolution des choses ?
JM : Nous continuons d’avancer avec cet album.
Nous allons sortir les chansons avec des images associées (clips ou autre). Le dernier en date est celui de « La chaise » tourné au Vieux St Etienne à Rennes, toujours réalisé par Martin Delbelke assisté d’Emmanuel Massou, qui met en scène deux comédiennes Caroline Alaoui et Lety Pardalys dans une structure montée pour l’occasion …

La date de Rennes le 16 octobre était un vrai bon moment. Le concert est prêt.
Nous cherchons maintenant les soutiens professionnels qui nous accompagneront pour monter les marches suivantes …

Icare VertigoGros Malin Productions / Wiseband / Coop-Breizh

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Stef’Arzak