[Chronique] Hilary Woods – « Night CRIÚ »

Après deux albums instrumentaux Feral Hymns (2021) et Acts of Light (2023) tournés vers l’abstraction, Hilary Woods revient à la voix avec Night CRIÚ, et c’est comme si elle réapparaissait au centre de sa propre musique. Sept morceaux qui tiennent du cérémonial intime : tel un acte de guérison, un geste pour réintégrer ce qui a été brisé, oublié, refoulé. La voix, travaillée en harmonies fines, résonne comme une présence presque mystique, guide dans une traversée nocturne mystérieuse où l’ombre devient passage vers la lumière.


Originaire de Dublin, Hilary Woods s’est d’abord fait connaître au sein du groupe rock JJ72 au début des années 2000, en tant que bassiste. Elle poursuit ensuite un chemin solo marqué par une exploration de plus en plus atmosphérique et cinématographique, mêlant piano, voix, drones et textures électroniques. Son travail l’amène à collaborer notamment avec le compositeur Dean Hurley (connu pour son travail avec David Lynch). Depuis quelques années, Woods développe une approche profondément sensorielle de la musique, centrée sur l’écoute, la mémoire corporelle et l’intuition, qui trouve avec Night CRIÚ une expression particulièrement incarnée et spirituelle.

Cordes, cuivres processionnels, électronique douce et piano sculptent un paysage mouvant, imprégné d’échos d’Irlande ancienne, de cérémonies secrètes et de souvenirs d’enfance. Hilary Woods y oppose une sensibilité vulnérable à l’uniformisation du monde : Night CRIÚ est un refus d’abandonner la nuance, une tentative de reconquérir l’espace intérieur.

Composé de sept morceaux, l’album se présente comme une cérémonie lente où l’ombre ouvre des passages à la lumière. Elle y travaille la voix en harmonies superposées, l’utilisant tantôt comme présence confidente, tantôt comme halo spectral, entourée de cordes, de cuivres, d’électronique discrète, de piano ou de chuchotements de terrain. La matière sonore demeure ample et mouvante, mais ici tout converge vers une idée de révélation intime : faire apparaître ce qui était enfoui, rassembler les fragments nocturnes, recoudre les zones égarées de l’être.

Produit et écrit par l’artiste, mixé avec la précision sensorielle de Dean Hurley, l’album fonctionne comme une libération, une cartographie, un retour à soi, qui laisse filer les anciennes peaux, les anciennes voix, les anciennes peurs.

Hilary Woods chante pour se souvenir, mais aussi pour se transformer. Night CRIÚ est un disque qui se traverse, dans le silence, dans la nuit, dans l’espace où l’on se surprend à Devenir.