Après l’écoute de « F.A. Cult » le premier album de Hermetic Delight et la chronique qui en découlait, ma curiosité était piquée au vif et bien trop grande pour réussir à la contenir.
Mes sens bouleversés dans un effet d’excitation épidermique (instinctif et immédiat), cumulé à mon besoin quasi épistémologique, d’en comprendre les origines, je me dis qu’une fois de plus c’est du côté des protagonistes qu’il faut se tourner…
Alors malgré la complexité sanitaire j’ai eu envie d’en savoir plus et ainsi tenter de lever le voile sur ce groupe qui pour moi est une vraie révélation ! Interview…
Pouvez-vous nous parler un peu des origines de Hermetic Delight ? Comment a commencé l’aventure pour vous ?
Atef, Delphine et Bob formaient le noyau du gang depuis les années 2000, puis on s’est mis à chercher le chant et Zeynep nous a rejoints. Depuis 10 ans, nous évoluons ensemble. Avec nos différentes personnalités, l’aura du projet bénéficie de multiples facettes ; on a compris que c’était notre force. Entre temps, Atef & Bob ont contribué à la genèse d’October Tone, un label indépendant et les October Tone Parties, un festival. En 10 ans, on a jonglé entre Hermetic Delight avec 3 EPs et une centaine de concerts d’une part, le label et le festival d’autre part. Tout converge vers la volonté de s’intéresser à la scène indépendante et à d’autres artistes ; s’inspirer les uns des autres, prendre conscience du mouvement collectif dont on fait partie. Et maintenant, notre premier album est là, riche de tout ça.
Quelle était votre idée de départ, celle qui a motivé la création de cet album ?
On a voulu s’exprimer en faisant entrer la lumière dans nos compositions. Et ça nous a inspiré un long format, un véritable LP. Jusque-là notre son pouvait s’apparenter aux styles shoegaze ou post-punk, avec des groupes comme Siouxsie & the Banshees ou My Bloody Valentine comme influence. A présent, ce serait encore plus difficile de nous faire entrer dans une case s’il s’agissait de nous définir. Pour se faire une idée de l’album, certains citent Cocteau Twins ou Chromatics ou évoquent quelque chose de sensuel et vaporeux. Avec des atmosphères propres aux cinémas de David Lynch et de Wong Kar-wai.
Hermetic Delight incarne en quelque sorte l’ambivalence, et ce depuis le début. On voulait aller au bout de nos idées, et la production pop de cet album nous a permis de le faire. Et ça nous a donné un leitmotiv. On a vu la pop comme étant potentiellement le genre le plus permissif, le plus radical et le plus accessible à la fois. Alors on a fait la nôtre. On a voulu la désacraliser, la renverser. Une façon de lui rendre hommage et de faire sortir les puristes underground de leur zone de confort.

Qu’est-ce qui vous a amené à le produire avec Charles Rowell ? Comment s’est passé l’enregistrement ?
C’est un mélange de hasard et de destinée. On s’est croisés à plusieurs reprises, d’abord en tant que fans à des concerts de Crocodiles, puis en première partie du même groupe avec Hermetic Delight, notamment dans un club à Cologne où on a pu avoir le temps de faire plus ample connaissance. Un jour, Atef le croise dans un bar à Strasbourg et ils célèbrent leurs retrouvailles. En discutant des projets de chacun, Charlie s’intéresse de plus près à nos maquettes de l’album en devenir et nous propose de nous apporter son expérience et son regard. On accepte, évidemment.
L’enregistrement s’est déroulé dans les meilleures conditions possibles. On a tenu à tout faire nous-mêmes dans nos propres studios, afin de contrôler le processus au maximum. Charlie a passé 3 semaines avec nous à augmenter, réduire, twister nos morceaux. L’alchimie était parfaite.
Je n’ai pas encore eu le plaisir de vous voir sur scène, mais à voir les lives de vos prestations précédentes, ils apparaissent encore plus sauvages que sur ce disque. Pourquoi ce décalage ?
Disons qu’il n’y avait pas de décalage avant F.A. Cult. Nos musiques étaient sûrement plus primaires et sauvages qu’aujourd’hui. Cet album est de loin notre disque le plus raffiné. Maintenant, il n’est pas au programme d’être moins vivants sur scène, bien au contraire. La situation ne nous a pas encore permis de nous donner sur scène, mais on s’y donnera à cœur joie dès que ce sera possible ! Et on en veut tellement que ce serait étonnant que la fougue ne transparaisse pas. On place les sensations au centre de ce que l’on souhaite partager avec notre public.

La résonance d’un timbre d’Anna Calvi est incontournable ! Les yeux fermés, je jurerais l’entendre. Elle vous a conseillés sur la réalisation de F.A. Cult mais à quel niveau exactement ?
Il s’agissait avant tout d’un soutien moral. Anna nous a encouragés depuis notre rencontre, et a forcément influencé le groupe. Elle est tout sauf une personne qui laisse indifférent, même si nombre d’entre nous étions déjà fans avant de devenir amis avec elle. Lors du mixage à Londres, elle nous a hébergés dans son appartement et malgré le fait qu’elle était occupée à écrire la bande originale d’une saison de Peaky Blinders, elle a prêté une oreille attentive à ce qui ressortait du studio après nos sessions, ce qui nous a permis de bénéficier de quelques conseils en prime.
Le chant est souvent en anglais, parfois en français et d’autres fois en Turc. Au-delà de vos identités propres, pourquoi autant de langues différentes ?
Nous avons toujours utilisé le chant comme un instrument parmi les autres, même si sur cet album nous racontons plus de choses avec les mots. Jusqu’alors, nous ne nous étions jamais posé la question de la langue. Sur F.A. Cult, dans notre quête des différentes visions pop, le turc ou le français apportent une profondeur supplémentaire et ce, même lorsqu’on retrouve des paroles en anglais. Mais ce qui fait pencher dans la balance, ce sont les sonorités, l’atmosphère et l’émotion que l’usage d’une langue apporte, autant sur le plan inspirationnel des textes que musical.
Il suffit d’écouter “These Quantic Feelings“, « Rockstarları » ou encore « Le parfum de la nuit » pour se rendre à l’évidence que l’écriture chez vous est aussi importante que la musique. D’où vous viennent les idées, d’un carnet au coin du lit ?
Zeynep a toujours eu un carnet sur lequel elle pose régulièrement ses écrits. Ça lui permet d’avoir du matériel lorsqu’on compose. Et à l’inverse, parfois les morceaux lui évoquent des mots. Sur quelques titres comme “These Quantic Feelings” ou “Le Parfum de la Nuit”, les paroles ont été co-écrites avec Atef. L’intérêt pour l’écriture a été plus collaboratif sur cet album, alors qu’auparavant, il était plus autobiographique. L’écriture n’est donc pas moins importante pour elle, mais l’intérêt s’est désormais manifesté chez les autres.
Lorsque vous composez, avez-vous déjà une idée précise ? Ou cela se fait un peu au hasard des propositions des uns et des autres ?
Nous entrons plutôt dans la première catégorie. Souvent, c’est Atef qui apporte une matière première. Ensuite, elle est sculptée collectivement en répète. Le morceau continue de maturer tout au long du processus de sa création au mixage final.
En Mai vous avez réalisé une « Quarantine live session » sans doute histoire de remettre la musique au centre de votre amitié éparpillée ! Mais comment avez vous vécu cette période de confinement ?
Comme on était séparés, chacun a vécu cette période à sa manière. On retrouve chez chacun une phase agréable et une phase beaucoup plus subie. Il y avait aussi des questionnements quant à la date de sortie de l’album pendant ce confinement et pas mal de travaux préparatoires à cette sortie. Alors on était très connectés, à la fois entre nous et avec les différents acteurs qui gravitent autour du projet (label, coordinateur, attachés presse, etc.).
La sortie de la session confinée de Glassdancers dévoilait en exclusivité un titre de l’album qui voyait le jour quelque temps plus tard. Une chose est sûre, cet album gardera quelque part l’empreinte de ce moment hors du temps, pour le pire et aussi pour le meilleur.
Je suppose que comment beaucoup vous attendez le retour au live pour défendre F.A. Cult sur scène et nous aussi ! La suite, pour vous, idéalement vous la rêvez comment ?
Nous n’abandonnons pas pour autant, loin de là. Une chose est certaine, nous jouerons l’album sur scène dès que possible. Nous y pensons déjà en réfléchissant à notre scénographie, on aspire à ce que le plan visuel tienne une importance aussi grande que ce que l’on perçoit auditivement d’un concert. Difficile de prévoir en termes de calendrier, tout comme il est difficile de prévoir combien de temps il va nous falloir cohabiter avec le covid-19. Idéalement, il n’y aurait pas de seconde vague, la vie reprendrait son cours à l’automne avec ce je-ne-sais-quoi du “monde d’après”, et les programmateurs de concerts et festivals n’oublieront pas tous ces groupes qui ont eu le courage d’essayer d’exister alors que tout s’était arrêté, plutôt que de programmer le nouveau venu opportun. À bon entendeur.
Écouter Hermetic Delight :https://hermeticdelight.bandcamp.com/music
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Stef’Arzak