Etienne Grandjean « Une flèche au cœur »

 Regardez à haute voix, pour entendre sonner la vie qui trace, qui tourbillonne, qui vise juste, telle une flèche au cœur. Ainsi va la piste aux étoiles d’Etienne Grandjean. Il revient cette année plus noir que blanc, avec un nouvel opus aux reflets cinglants, presque sanglants. Pirouette tragicomique d’une époque ou nous ne savons plus si nous devons rire ou pleurer de nos quotidiens désabusés.
Les 10 titres jonglent adroitement entre règlements de comptes et chaud-froid cyniques. Ubu roi de l’allitération en chanson, troubadour du calembour à foison, avec le chant ineffable d’Etienne fleurissent, comme autant de roses rouges épineuses, les rimes aux rythmiques dansants. Chaque titre est une promesse tenue. De « Les dimanches à Saint Lunaire » à « Hôtel de la première embrouille » rien n’est hasard. On dit que le réel se mérite, qu’il n’y a rien à envier aux hasard et on dit aussi que tout est question de travail ou du moins de le ruminer suffisamment pour en mimer la transformation soumise à une fin, posant là, la notion du vivant.

Quelque part entre le fin maniement des mots à la Boris Vian, ou à la Serge Gainsbourg, et un fort caractère poétique proche de Georges Brassens ou de Manset, Etienne Grandjean est sans doute plus que jamais sincèrement à vif, entre les lignes, entre les mots. Tranchant gaillard, pas né d’hier, lui qui a roulé sa bosse et sa guitare dans le grand monde qui soufflait hier encore un air vengeur, il souligne aujourd’hui l’envi d’un vent vainqueur. Comme le disait G. Deleuze « La vie, c’est un coup de dés nécessairement vainqueur ». Etienne livre là un bel opus, riche d’humeur vertical, du goût de l’instant, de la causerie formidable et de duels confrontant l’idéal. 

 
L’ADN d’Etienne s’accompagne de son guitariste et neveu, Gaëtan Grandjean (Alan Stivell), qui en vrai virtuose, donne une amplitude électrique et savoureuse que nous ne pouvons que féliciter.
Mention spéciale au titre éponyme « Une flèche au cœur » où Christian Dargelos (Les Nus) s’invite dans un duo impeccable, où coïncide le festif et le trait de l’invention, tout en surnageant sur la soie de l’élégance.
Cet esprit, pince sans rire, qui règne sur l’ensemble de l’album d’ Etienne lui donne un air populaire et pourtant minutieux, grave parfois, qui saura séduire l’exigeante écoute d’un auditoire pointu. Il ne tient qu’à vous, de bondir sur ce disque d’une belle tenue.  

Etienne Grandjean et Gaëtan Grandjean

Etienne Grandjean : https://www.facebook.com/etienne.grandjeangruppetto/
Clip et photos : Jo Pinto Maia