Visage buriné et taillé à la serpe. Yeux en amande. Faciès amérindien. Corps de catcheur.
Charles Bronson apparait à l’écran et c’est comme si sa présence photogénique semblait depuis toujours destinée au 7ème Art.
Charles Dennis Buchinsky le sait fort bien et travaille tous ses rôles à l’économie. Des dialogues prononcés comme des coups de savate, un goût pour le silence et une démarche féline font sa signature. Sur les plateaux, Charlie ne plaisante jamais. Casquette vissée sur la tête pour mieux se protéger des importuns, il observe le réalisateur et son équipe à l’œuvre. Sonde les longs-métrages de l’intérieur. Acteur et voyeur.
Précédant « Un justicier dans la Ville » (qui bouleversera durablement la moitié de sa carrière dans des caractères plus expéditifs), « Mr Majestyk » offre, en 1973, à notre anti-héros l’occasion de se frotter différemment au divertissement dramatique.
Un pied dans l’action, l’autre dans la réflexion. A la réalisation ? L’impressionnant Richard Fleischer et des partenaires de choix (Al « Le Parrain » Lettieri, Linda « Alamo » Cristal et Paul « Point Limite Zéro » Koslo) pour l’épauler. Ajoutez à cela la partition inspirée de Charles Bernstein et un scénario signé Elmore Leonard.
Amen, le deal est prononcé.
« Mister Majestyk », de quoi ça parle ? Notre protagoniste taiseux et moustachu est le propriétaire d’un immense champ de pastèques. Refusant de céder à cette petite frappe de Bobby Kopas (ce dernier lui intimant l’ordre d’employer ses hommes blancs en place de sa main d’œuvre mexicaine), Mr Majestyk lui répond par une mandale et termine en prison. Démuni, il ne peut payer la caution qui lui permettrait de retrouver ses ouvriers. Une rencontre fortuite va lui permettre de se venger contre la mafia locale qui lui pourrit la vie et ses fruits…
L’ambiance est au western moderne teinté de psychologie et de critique sociale. Un choix audacieux pour notre Charlie, qui n’hésite pas à s’emparer d’un personnage nettement moins iconique qu’à l’accoutumée. Non, Mr Majestyk n’est pas John Rambo. Son quotidien est l’exploitation économique de cucurbitacées. Le Viêt-Nam ? Derrière lui. Sa colère ? En dedans. Toutefois, lorsqu’il s’agit de prendre les armes, le film se mue en tornade. Cinéphiles ! Faites fi du calibré « Grand Risque » ou de l’austère « Etrangleur de Rillington Place » ! Ici, Richard Fleischer fait corps avec son époque et dote sa réalisation de scènes chocs et d’un montage des plus nerveux. Pour preuve, ce segment ultra violent où la tentative d’évasion d’un fourgon pénitencier vire au cauchemar sanguinolent. « Mr Majestyk », c’est la filmographie des frères Coen avant l’heure. « French Connection » et « La horde sauvage » (re)mixés à la moulinette. « Les flics ne dorment pas la nuit » à la sauce tex-mex.
103 minutes de long-métrage pour 15 minutes en Enfer…mais quel sale quart d’heure, mes Ami(e)s! Sans oublier un final animal à vous décrocher la mâchoire et vous aurez une idée de ce qui se fait de plus percutant à Hollywood à l’aube des 70’s.
Réhabilitons l’œuvre magistrale mais mal aimée de Richard Fleischer, cinéaste jugé aseptisé et sans relief dans sa réalisation. Louons Mr « diesel » Bronson (revoir « Le Passager de la Pluie » ou « Le bagarreur ») et son infinie coolitude.
Atypique, tendu et sauvage, leur « Mr Majestik » est magistral.
Ou Charlie et son drôle de drame…
John Book.