DITZ – « Never Exhale » : Une descente dans les profondeurs vibrantes du post-punk au diapason d’une tension mondiale palpable.
Never Exhale, dernier opus du quintette britannique DITZ, s’impose comme une œuvre crépusculaire, un miroir tendu vers les profondeurs de l’introspection humaine. Tout ici suinte l’urgence, le malaise et l’abandon, dans un maelström sonore où le bruit et la fureur se mélange pour mieux nous bouleverser.
Dès les premières notes de V70, on perçoit que l’espace sonore ne sera pas un refuge, mais une aire d’exposition brutale. Loin des préliminaires attendus, l’album s’ouvre sur une atmosphère feutrée, chargée d’une tension latente, un silence qui semble peser plus lourd que la saturation à venir. Puis vient Taxi Man, et avec lui cette impression d’une course sans destination, errance urbaine où l’angoisse affleure sous la voix de Cal Francis, tour à tour mordante et spectrale. Ses paroles, tantôt scandées comme des imprécations, tantôt soufflées comme un murmure agonisant, traduisent une lutte intérieure inextinguible.
Le climat oppressant s’intensifie à mesure que l’album progresse. Space/Smile est une confrontation avec le vide, un dialogue sans réponse où la distorsion sert de langage à l’aliénation contemporaine. La guitare y trace des lignes brisées, dissonantes, comme pour illustrer la fragmentation de l’être face à un monde en perpétuelle désagrégation. Puis surgit Señor Siniestro, morceau vénéneux où l’hostilité du monde extérieur semble se fondre dans une paranoïa intime, chaque riff y prenant des allures d’écharde fichée sous la peau.
Le titre Four marque une accalmie trompeuse. DITZ y joue avec l’espace et le silence, ménageant des respirations qui ne sont que le prélude à de nouvelles déflagrations. À l’instar d’un organisme en état de suffocation, la musique se contracte, se crispe, avant d’exploser dans une rage sourde. Cette tension entre introspection et exutoire atteint son paroxysme avec God on a Speed Dial, dont le titre, à lui seul, résume une quête spirituelle avortée. Les paroles y interrogent le divin avec une ironie glaciale, une quête de sens qui se heurte à l’absurdité du réel.
Si l’album flirte souvent avec l’abrasion pure, il n’en est pas moins empreint d’une forme de mélancolie distillée avec soin. Smells Like Something Died in Here en est le plus troublant exemple : sous une lente progression hypnotique, la voix de Francis s’efface presque, devenant l’écho d’une pensée intrusive qui refuse de se taire. Ce morceau évoque un abandon total, une dérive mentale où le temps semble suspendu dans une stagnation angoissante.
Puis, d’un coup, 18 Wheeler surgit comme une charge frontale, un assaut sonore d’une puissance implacable, évoquant l’image d’un poids lourd lancé à pleine vitesse sans destination ni frein. On y ressent la fuite en avant désespérée d’un esprit en proie à ses propres contradictions, cherchant l’impact comme seule issue. La rage y est totale, exempte de filtre, et pourtant structurée, dirigée avec une précision chirurgicale.
Enfin, Britney referme l’album sur une note faussement apaisée. Le morceau s’ouvre sur une accalmie fragile, où les mélodies plus limpides semblent vouloir panser les plaies laissées ouvertes. Mais très vite, la tension reprend le dessus, et la catharsis finale vient consumer les derniers vestiges de sérénité. Il y a dans cette conclusion une forme de réconciliation brutale : DITZ n’offre ni répit, ni salut, mais un face-à-face nécessaire avec les démons enfouis.
Avec Never Exhale, DITZ livre une œuvre viscérale, un album qui ne se contente pas de faire du bruit mais qui sculpte le vacarme comme une matière première, lui donnant une profondeur existentielle rare. Dans sa noirceur, il illumine une vérité insaisissable : celle d’un monde et d’individus toujours en quête de sens, au bord du précipice, mais refusant de détourner le regard.
Photo de couv. Pedro Takahashi