[Chronique] The Hives – « The Hives Forever Forever The Hives »

Trente ans de rock endiablé, et toujours la même fringale. The Hives reviennent avec The Hives Forever The Hives (29 août 2025), un album qui claque comme un coup de fouet, qui gratte comme du velcro et qui brille comme un néon déréglé dans un club sans heure de fermeture. Les Suédois n’ont pas vieilli, ils ont plutôt distillé leur formule jusqu’à l’os : riffs carnivores, refrains instantanés, humour vachard et cette certitude folle qu’on peut faire du rock’n’roll comme si chaque morceau était le premier… ou le dernier.

Derrière la console, un attelage improbable et flamboyant : Pelle Gunnerfeldt (Refused, The International Noise Conspiracy), Mike D des Beastie Boys, une escale dans les studios de Yung Lean, une touche venue des claviers de Benny Andersson (ABBA), et l’œil scrutateur de Josh Homme (QOTSA). Autant dire un cocktail où punk suédois, hip-hop new-yorkais et pop maximaliste se télescopent. Résultat ? Une production dense, précise, mais jamais domestiquée.

Dès Enough Is Enough, l’attaque est frontale : batterie martiale, guitares comme des scies circulaires, et Pelle qui éructe son mépris des moutons dociles. Pas de fioritures. Un cri, deux couplets, un refrain, et déjà les braises sont rouges. On pense aux Ramones sous amphétamines, aux Saints dopés au speed, mais surtout aux Hives eux-mêmes, toujours maîtres de leur caricature assumée.

Puis viennent les rafales : Legalize Living, manifeste libertaire, riffs aiguisés comme des éclats de verre. Paint A Picture, groove insolent et refrain bigger than life. OCDOD, 104 secondes de pure combustion, l’équivalent sonore d’une bombe artisanale. Born A Rebel, qui ralentit à peine le tempo, avec une pulsation électro insidieuse comme une pause clope entre deux pogos.

Le plus long morceau atteint à peine 3’31. Une économie de moyens qui n’est pas paresse, mais un art martial : frapper fort, vite, sans respirer.

Et puis il y a cette énergie scénique, projetée dans l’album comme une sueur fossilisée. On imagine déjà les foules compactes, les murs dégoulinants, les regards adolescents qui découvrent la sainte absurdité d’un rock qui refuse de mûrir. Les Hives sont un groupe de scène qui fait des disques comme on fabrique des bombes à retardement : pour mieux faire exploser le live.

Alors, The Hives ont-ils changé ? Bien sûr que non. Et c’est précisément ce qui les rend irrésistibles. Leur garage-punk flamboyant, leur ironie mordante, leurs costumes monochromes… tout est intact. Ce devrait être lassant. C’est au contraire jubilatoire. Comme si refuser l’évolution était, paradoxalement, leur manière d’évoluer.

Finalement, The Hives n’est pas seulement un groupe, c’est une promesse faite à la jeunesse éternelle du rock’n’roll. Sans compromis, seulement l’urgence, le fun, et ce sourire carnassier qui nous rappelle pourquoi on reste éperdument amoureux du rock.