[Chronique] Rudi Zygadlo – « Auto Fiction »

Bienvenue dans la traversée cosmique d’ « Auto Fiction », le quatrième chapitre sonore de l’insaisissable dandy caméléon Rudi Zygadlo.

Musicien, auteur, journaliste britannique, Rudi Zygadlo aime brouiller les pistes et changer de peau. Depuis ses débuts sur Planet Mu jusqu’à ses détours par Mad Decent ou son propre label RZ, il a multiplié les identités sonores, parfois caché derrière des pseudonymes (Lully, Golden Ratio Syrup), parfois au grand jour. Collaborateur de Thunder Cat à la Red Bull Academy de New York, remixeur de Clean Bandit, Amadou & Mariam ou Electric Guest, compositeur de films et de projets multimédias (Love Infinity de Tim Yip, l’application Humanz de Gorillaz…), Rudi Zygadlo a toujours cultivé cette esthétique du masque et de la métamorphose. Chaque album semble naître d’un autre monde, à l’instar de Doggerland (2023), qui portait déjà la marque de l’exploration narrative et sensorielle, mais son nouvel opus Autofiction, qui vient de sortir le 12 septembre, franchit un nouveau seuil.

Littéralement happé par une luxuriance sonore et les textures yacht-rock aussi déjantées que soyeuses qui flirtent avec des réverbérations stellaires de Daft Punk. En écoutant cet opus, on pourrait croire à une bande-son de space opéra réalisée par Quentin Dupieux, mais la narration romantique fantasmée s’invite, bifurque du côté de chez Orphée, se dédouble sous des oreilles hallucinées. Et ne vous y trompez pas, Rudi écrit bien des chansons pop et leur donne une vraie âme phosphorescente.

Les influences affleurent, un parfum de Steely Dan muté au glitch, un brin de Tame Impala passé à la moulinette d’une indie-pop théâtrale, des fragments de crooner rock à la Baxter Dury. Mais derrière ces clins d’œil se devine la patte singulière de Rudi, ce goût du déguisement sonore qu’il cultive depuis ses alias (Lully, Golden Ratio Syrup…) et ses détours par la pop, la K-pop ou l’expérimentation multimédia.

On sent aussi la main artisanale et complice de Bastien D. (mix) et la touche ciselée d’Alex Gopher (mastering) : chaque élément est placé sans excès et trouve son équilibre.

Et l’histoire que Rudi nous propose est multiple, à la fois une comédie romantique en fièvre technologique, une parabole faustienne déguisée en saga capillaire, une fable où les corps, les souvenirs, se confondent, tel un conte du XVIIIᵉ siècle réécrit pour le métavers…

C’est un disque qui demande d’accepter de naviguer entre le rire et l’émerveillement, entre l’intellect et l’instinct, avec une grande ouverture d’esprit, mais qui, en retour, offre des paysages sonores où l’on veut revenir, encore et encore.

 

 

 

Photo de couv. Rudi Zygadlo