[Chronique] Michel Cloup – « Catharsis en pièces détachées »

Avec « Catharsis en pièces détachées », Michel Cloup signe peut-être son disque le plus frontal, le plus rude, et paradoxalement le plus humain. Un album « monstrueux », comme l’annonce le communiqué de presse, dont le cœur numérisé pulse à travers trois corps branchés en direct sur du volt 2000 : Michel Cloup lui-même, la guitariste et essayiste Manon Labry, et le batteur Julien Rufié. Ensemble, ils bâtissent un opus abrasif où les échafaudages électroniques, les textes vitrioles et les éclats rythmiques forment une masse sonore qui s’approche avec délectation d’un Bruit Noir qui tronçonne tel Leatherface notre quotidien déglingué.

Michel Cloup n’a jamais mâché ses mots, vous le savez forcément, mais ici l’exigence politique se fait encore plus inflexible. Les hymnes acerbes « La honte » et « David, Goliath et Godzilla » ouvrent les hostilités en expulsant les reflux toxiques du présent, de Toulouse à Washington, avec une lucidité sans pareille. Plus loin, le titre « H&M (Hachoirs et Machettes) », épaulé par Fredo/NonStop, cogne comme un uppercut, dégoulinant de rage et d’ironie, à l’image de la toile de Stéphane Arcas qui incarne l’artwork du disque.

Ici le combo refuse tout raccourci simpliste, explorant, décortiquant les interrogations qui occupent l’esprit de nos quotidiens de marche ou crève. Cette furie rock est-elle là pour apaiser l’acide bien huilé que nous avalons goulûment, Jt après Jt, fake news après fake news ? Je penche plutôt pour l’envie d’y mettre le feu.

Si Michel Cloup cherchait, entre les lignes d’un missel chaotique, à nous guider vers l’échappatoire d’un multivers où le bon sens humanitaire serait une évidence universelle, cela pourrait sembler un peu prétentieux. Il préférait, si j’en traduit bien l’intention, nous exposer ces doutes et ces combats. Antihéros plutôt que gladiateur, où l’avant-dernier titre « Pour qui ? Pourquoi ? » est sûrement l’étendard le plus pertinent, et le plus révélateur du fracas schizophrénique dans ce « monstrueux » monde dans lequel nous débattons. Alors la catharsis annoncée devient une implosion totale de fragments bien imbriqués qui, au-delà de l’impact, ont l’honnêteté de ne pas prétendre divertir mais de questionner en appuyant là où ça fait mal. Ça hurle, ça chante, ça scie les certitudes en deux et ça fait un bien fou…

Un disque performance, tripant et politique, où Michel Cloup pousse plus loin son goût pour la tension permanente, quelque part entre transe, lutte, poésie et électrochoc.