Treize ans, quatre mois et vingt-sept jours : le chiffre, précis à la seconde près, n’est pas anodin. Il marque la distance temporelle mais non spirituelle, qui sépare la parution de « Polishing Peanuts », premier éclat funky des Aixois de DELUXE, de celle de leur septième opus, « Ça fait plaisir ». Un titre volontairement désinvolte, presque badin, mais qui dissimule, sous ses allures de formule familière, une œuvre d’une remarquable richesse musicale et émotionnelle.
L’album révèle une ambition plus ample, plus dense que ses prédécesseurs. Le groupe, toujours guidé par sa légendaire énergie scénique et cette capacité unique à mêler funk, hip-hop, pop et électro dans une alchimie joyeusement hétéroclite, semble ici avoir franchi un palier supplémentaire. Ça fait plaisir est un disque de contrastes, de clair-obscur, de pulsations lumineuses contre des nappes de douce mélancolie. Le kaléidoscope promis est bien réel, et chaque morceau en est une facette mouvante, éclatée, délicatement agencée dans un tout cohérent.
Liliboy, figure vocale centrale et muse mouvante du groupe, n’a sans doute jamais autant modulé sa voix avec une telle expressivité. Tantôt espiègle et solaire, tantôt voilée d’une gravité nouvelle, elle épouse les contours des compositions avec une aisance désarmante. Et autour d’elle, la formation historique – cuivres incisifs, percussions foisonnantes, claviers colorés – déroule un tapis d’arrangements ciselés, d’une fluidité presque chorégraphique.
Mais derrière le vernis festif, le plaisir se fait ici plus introspectif. Loin de se contenter de prolonger la fête, DELUXE s’autorise, dans plusieurs titres, des échappées contemplatives, voire nostalgiques. Il ne s’agit pas de renier la flamboyance des débuts, mais de l’habiller d’une maturité nouvelle, d’une conscience accrue du monde et de soi. Une forme de sagesse hédoniste, pourrait-on dire, où l’élan vital n’exclut plus la fragilité.
Chaque titre agit ainsi comme une saynète émotionnelle, un instantané d’humeur, une variation autour de la joie, du doute, de l’espoir ou du désenchantement. Le plaisir évoqué par le titre n’est pas univoque ; il est celui de la création libre, du risque assumé, du chemin parcouru, mais aussi celui – précieux entre tous – du partage sincère avec le public.
En somme, Ça fait plaisir est un album généreux, maîtrisé, lumineux sans être naïf. Il scelle avec élégance une décennie de création foisonnante et offre à DELUXE le rare privilège de se renouveler sans se trahir. Un retour à la fois familier et profondément neuf, qui confère à leur trajectoire une épaisseur artistique indéniable.