[Chronique Ciné] Au rythme de Vera. C’était rock’n’roll d’organiser un concert de Keith Jarrett.

Des acteurs au top, une histoire incroyable vue de l’intérieur. Au rythme de Vera est le film musical du moment.

Une mise au point d’emblée : ce n’est pas un film sur le concert et l’on ne voit jamais une image de celui. Il s’agit d’un film sur la productrice de celui-ci, Vera Brandes, une jeune fille aussi bien dans son époque que dans ses baskets. A 16 ans, elle organise comme un défi à elle-même sa première tournée pour le jazzman britannique Ronnie Scott, rencontré dans un bar, puis dès  1974, invente le concept de New Jazz in Cologne. Des grands noms vont se produire dans sa ville jusqu’à son grand coup, la venue de Keith Jarrett.

Alors qu’aux USA, les Ramones explosent les carcans de la musique et posent les premières bases du grand chambardement punk, l’Allemagne bien verrouillée, même à l’Ouest, des années 70, vibre encore au son des grands noms du jazz. Vera Brandes, en opposition à ses parents très conservateurs mais visiblement aimants, va se battre corps et âme pour parvenir à ses fins. Elle veut organiser un concert de Keith Jarrett, jazzman adulé dont la réputation n’est plus à faire, mais confronté à bien des tourments.

Un drôle d’histoire de piano

Au final, aucune image d’archives du concert mais un florilège de situations cocasses et inattendues autour de l’organisation improbable de celui-ci. Un mur a priori aussi infranchissable que celui de Berlin, pas encore tombé, pour Vera. Elle devra faire preuve d’un déterminisme sans faille pour finalement jouer sa vie et son avenir à pile ou face. Face à un Keith Jarrett porté par des apparences trompeuses et soutenu par un manager impliqué mais souvent dépassé, l’organisation oscille entre pathétisme et franches rigolades. 

Ce 24 janvier 1975, à l’Opéra de Cologne, Keith Jarrett a finalement improvisé, seul sur un piano à queue déglingué, l’une de ses plus belles performances. 

L’enregistrement de cette soirée, édité plus tard sous le titre de The Köln Concert, est devenu, avec plus de quatre millions d’exemplaires vendus, l’album de jazz et l’enregistrement de piano solo le plus vendu de l’histoire !

 

Sublime Mala Emde

 

Ce premier coup de maître réalisé, car le concert fut un triomphe, Vera Brandes deviendra une productrice connue et reconnue dans le petit milieu très fermé de la musique, pour essentiellement deux films, Solar Revolution, en 2012 et Shift ! en 2021.

Elle livre ce truculent Au rythme de Vera, un film bien parti pour devenir aussi culte que le concert dont il dévoile toutes les coulisses. La grande escroquerie du jazz vaut bien finalement celle du rock’n’roll. Au rythme de Vera en est la preuve, en partie grâce à la qualité de ses interprètes, particulièrement Mala Emde dans le rôle-titre.

Un dernier mot, Keith Jarrett n’a jamais aimé ce concert de Cologne, quasiment joué sous la contrainte …

Patrick Auffret

Au rythme de Vera, film allemand de Ido Fluk. En salle le 25 juin 2025.