Un an après avoir marqué la scène rock avec If You Asked For A Picture, Blondshell revient avec Another Picture, un disque compagnon qui n’a rien d’un simple appendice. Là où beaucoup d’artistes se contenteraient de compiler quelques chutes de studio ou des versions live, Sabrina Teitelbaum choisit au contraire d’ouvrir son œuvre, de la reconfigurer, de l’habiter autrement. Another Picture est moins un bonus qu’un second regard un négatif qui révèle ce que le premier cliché ne montrait pas encore.
Dès l’ouverture, « Berlin TV Tower » impose le ton. Nouveau single et nouvelle boussole artistique, le morceau confirme Blondshell comme l’une des voix les plus affinées, les plus assurées du rock actuel. Le titre oscille entre douceur contemplative et grunge incandescent, construisant sa tension comme on construit une confidence : d’abord timidement, puis sans retenue. La montée est progressive, presque pudique, jusqu’à un solo de guitare magistral, l’un des plus vibrants que Teitelbaum ait jamais enregistrés.
Dans ce morceau, elle saisit au vol des images européennes plages normandes balayées par le vent, Berlin baignée d’une lumière d’hiver pour mieux parler de ce qui se joue en elle : la solitude enfin apprivoisée, le geste d’accepter d’être seule, l’idée discrètement révolutionnaire de pouvoir recommencer quand on veut.
« C’est la chanson que j’ai écrite le plus rapidement », confie-t-elle. Cette spontanéité s’entend : le morceau respire la liberté, un espace où l’on marche, où l’on observe, où l’on se découvre acteur de sa propre histoire.
Another Picture n’est pas seulement un disque élargi il est un miroir diffracté. Reprises (Conor Oberst, Samia, Folk Bitch Trio), titres live, collaborations lumineuses avec Gigi Perez et John Glacier : Blondshell revisite son esthétique, la tord, l’affine, la polit jusqu’à en faire un nouvel ensemble cohérent.
Là où If You Asked For A Picture se hissait comme une œuvre fondatrice CLASH ne s’y est pas trompé ce nouveau volet en offre une lecture plus vaste. Les chansons inédites y côtoient des performances qui révèlent l’ossature émotionnelle de l’artiste : une vulnérabilité franche, jamais factice, portée par une ambition musicale qui ne cède rien.
Ce qu’on retient surtout de Another Picture, c’est la sensation qu’il ne s’agit pas d’une parenthèse mais d’un nouveau chapitre. Teitelbaum semble vouloir montrer que ses chansons vivent, changent, se réécrivent. Qu’un album n’est jamais figé qu’on peut, comme dans « Berlin TV Tower », commencer, arrêter, recommencer.
Cette idée traverse tout le disque : une exploration presque cinématographique du doute, de la solitude, de la reconquête de soi. Blondshell n’élargit pas seulement le cadre ; elle déplace le point de vue, et nous invite à regarder avec elle.
Avec Another Picture, Blondshell confirme qu’elle est l’une des forces les plus vives du rock contemporain, capable de transformer un album déjà salué en une œuvre encore plus riche, plus audacieuse, plus humaine.



