“Black Panther. L’homme sans peur” de David Liss, Francesco Francavilla et Jefte Palo. Rue Barbare.

Ce n’est pas une nouveauté. Ce n’est pas une réédition de luxe. Ce n’est pas un “reboot”. Juste un coup de cœur immédiat pour un comics original, qui s’écarte des univers fantasmagoriques chers à MARVEL. La grande force de ce “Black Panther. L’Homme sans peur” (datant de 2018) réside dans sa noirceur urbaine et son style sixties.
Etat des lieux.
Daredevil, perdu dans les réminiscences de choix difficiles, décide de faire le point sur sa vie et de marquer une pause. Dépression. Vie en roue libre. Matt Murdock doit s’éloigner, au plus vite, du quartier où il a grandi. Mais la culpabilité pèse trois tonnes sur ses épaules. Laisser cette parcelle de Manhattan sans surveillance ? Hors de question.  T’challa, ex-roi du Wakanda et ami du Diable Rouge, répond à l’appel de ce dernier et lui propose de “reprendre les rênes” d ‘Hell’s Kitchen, le temps de son absence. Et il aura fort à faire ! Un mafieux roumain, du nom de Vlad (sigh!) Dinu semble déterminé à faire de Mistown West son territoire absolu. Quitte à empiler les cadavres !
Si vous avez eu la chance de voir la fabuleuse série ” Hill Street Blues” (ou “Capitaine Furillo” selon l’année de sa diffusion), vous naviguerez en terrain connu. Car il y a, indubitablement, chez cette panthère noire bad ass une “patine” digne des polars les plus crasseux accompagnée d’un aspect social très ancré.
Entre suprémacistes blancs, racisme ordinaire et lutte de pouvoir, c’est l’Amérique de Trump qui est visée.  Même si le pluralisme ethnique et culturel fut son cheval de bataille dès Juillet 1966 au sein des “Fantastic Four”, la “Maison des Idées” étonne, encore, par ses engagements politiques, loin d’un formatage mielleux aux grandes oreilles.
Cette parabole sociétale aux accents “Black Lives Matter” nourrit grandement ce récit. Et le déracinement de T’challa en sol Américain résonne étrangement à nos oreilles.
Pour donner vie à cet épisode palpitant, David Liss (scénariste) et Francesco Francavilla (dessinateur) se sont entendus à créer un univers proche des pulp’s. J’éclipse volontairement le trait de Jefte Palo, trop anecdotique et lisse à mon goût et me concentrerai sur ce binôme incendiaire. Une collaboration hors-pair où l’aspect vintage de l’entreprise le dispute à une succession de planches mémorables. Polar sans concession doté de femmes fortes et de twists narratifs parfaits, “L’Homme sans Peur” rappelle la hargne d’un “Machine Gun Kelly” de Roger Corman et le désespoir feutré de “La Taverne de l’Enfer” de Sylvester Stallone.
Graphiquement, l’album prend des libertés folles et explose littéralement les cadres. Imaginez un “Dick Tracy” technicolor tendance gore ou un “The Spirit” plus spiritueux que sirupeux. Glace pillée. On the Blocks.
Enfin, cette quête initiatique n’oublie jamais de magnifier ses personnages (notre super-héros africain endosse un “rôle” inhabituel proche du “Working Class Hero”) ou de nous gratifier de scènes d’actions terriblement dynamiques et d’une psychologie fouillée.
Le sapin trône près du sofa, les guirlandes clignotent et les bougies parsèment les armoires de votre salon.
Ne manque que le cadeau idéal qui ravira votre nièce amoureuse de Chadwick Boseman ou votre Tonton adepte des éditions Lug(e).
En attendant la Chandeleur ?
Wakanda Forever!
 
John Book.