[INTERVIEW ] BELFOUR, L’ART DES RENCONTRES

Poésie et musique sont des arts qui depuis la nuit des temps s’allient et s’apprivoisent comme autant d’actes volontaires, pour résonner en nous et nous guider vers les autres. Belfour, que nous avions découvert lors de la tournée Amor Fati en 2018 et qui nous dévoilait un 1er EP en début de cette année, sait sublimer cette alliance magistrale des deux arts. Le vent profond qui les porte est le berceau de rencontres nourricières. Avec eux la fragilité et la force cohabitent instinctivement. Avant le concert de vendredi soir nous souhaitions vous faire découvrir plus en profondeur leur univers. Lucie et Michael nous ont répondu avec sincérité et la plus grande hâte de vous rencontrer…

Votre duo existe depuis quand exactement ?

LUCIE : Michael et moi on s’est rencontré en 2010  et le projet BELFOUR, en français, il existe depuis 2017, mais il y a eu avant un projet en anglais qu’on avait également tout les deux.

MICHAEL : On a vraiment pris le temps de trouver ce qui fonctionnait, pour expérimenter la scène déjà, et explorer aussi l’univers visuel du groupe. On est dans une époque où tout va vite mais pour nous prendre le temps est important.

Comment avez vous mélangé cette énergie caractéristique que vous avez sur scène pour le fixer sur votre EP ?

MICHAEL : C’était intéressant de tester des morceaux sur scène avant de les enregistrer. Surtout que l’énergie est complètement différente de ce qu’on fait sur disque et sur scène. Même si il y a un fil conducteur identique, sur scène la volonté est différente. On a la chance d’avoir toujours fait des allers/retours entre les deux.

LUCIE : Et puis quand on revient sur scène, il faut débrancher le cerveau et vivre l’instant.

Il y a aussi une façon de mettre à exécution ce que vous avez exploré ?

MICHAEL : C’est toujours difficile d’avoir du recul sur ce que tu as fait, produit. Mais, maintenant on a quelques échos, on est confiant. C’est notre premier opus, il y aura forcément une suite.

LUCIE : On a pas mal d’autres chansons qui sont prêtes pour un album à venir…

Comment vous avez sélectionné les six titres de cet EP ?

MICHAEL : il y a un ordre chronologique dans l’écriture. On va dire qu’on a pris les plus anciennes, malgré qu’il y ait des choses plus récentes qu’on a eu envie de mettre tout de suite, pour justement obtenir une spontanéité. Il y a des morceaux qu’on traînait depuis longtemps et c’est bien de pouvoir les fixer dans un cadre. En studio c’est la première prise qui est la bonne. Nous ce qu’on cherche c’est la sincérité qui passe dans les premiers instants. D’où l’idée de sortir les morceaux dans un ordre chronologique.

Vous avez un son assez particulier à mi-chemin entre folk et chanson poétique. Comment vous avez élaboré cette sonorité ?

MICHAEL : en fait, cet EP représente un peu tout ce qu’on aime. Ça part du texte, du chant et de la guitare. On compose toujours les morceaux comme ça. Après, on a voulu mélanger tout ce qu’on aimait, le cinéma, les grands espaces, etc. Avec Pascal, qui est un mec qui a vécu 20 ans dans le désert du Colorado, tu ne fais pas de la musique d’appartement… Tout ça, ça a pris vraiment du temps et ce qui donne ce caractère particulier. Les allers et retours entre notre petite chambre à Montreuil où on élabore nos morceaux (notre labo) et les collaborations extérieures, c’est vraiment un mélange de tout ça. On a envie de continuer dans ce sens !

Pascal, il a eu un peu le rôle du grand frère, du guide pour la réalisation de votre EP  ?

MICHAEL : Complètement. En fait, après la tournée de Bertrand Cantat, on s’est retrouvé tous les deux dans cette expérience, on a commencé à enregistrer les choses. Et rapidement, on a ressenti qu’on était en vase clos et la personne évidente qui devait correspondre à ce qu’on avait envie de faire, en tout cas à nous donner une voie, c’est Pascal. C’est un musicien qui nous a inspiré, même sur le projet en anglais. Donc, on l’a appelé timidement.

LUCIE : Il nous avait tendu une perche à la fin de la tournée de Bertrand Cantat, il nous a donné son numéro, en nous disant : « rappelez-moi ». La tournée s’est terminée en juin 2018 et tout l’été on a expérimenté dans notre studio, à la fin de l’été, le constat et qu’on partait trop vers l’électro. Au début on voulait que ça aille vite, on sortait de la tournée, on s’est dit, vite, vite on sort un disque. On avait des professionnels qui tournaient autour donc on a fait l’erreur du débutant d’être pressé… Mais en septembre on a mis le gros frein à main  et on a appelé Pascal, ça avait du sens parce qu’il fallait qu’on garde nos influences folk, rock. Pascal, c’est vraiment son domaine. Et après, ce n’était que de belles aventures, on a fait plusieurs sessions de travail avec lui en Auvergne, après dans le Lot, la Taillade, tu sais la maison de Nino Ferrer. Et puis on est retourné au Pays Basque dans un gîte. Ça a été une des meilleures sessions d’ailleurs avec lui. Au fur et à mesure qu’on se voyait avec Pascal on apprenait à se connaître musicalement. Et voilà, on a compris qu’il fallait prendre le temps. L’idée n’était pas de figer les choses, mais on expérimentait avec lui et on apprenait beaucoup ainsi.

MICHAEL : Ce qui était difficile, c’est que Pascal a une empreinte très forte et il nous fallait garder notre identité. Ça a pris un peu de temps, un an d’aller et retour avec lui. Et à un moment donné on s’est détaché pour finir tous les deux. Ça s’est passé un petit peu comme ça.

LUCIE : C’était 2019. Et après on a travaillé de notre coté avec toute cette matière. Le premier confinement aussi à servi à ça, vu que tout s’est arrêté. En plus, on composait d’autres chansons, et puis faire des choix c’était chouette. On a aussi collaboré avec le batteur de Eiffel. Qu’on a rencontré sur une date et qui a fait une batterie sur un titre, avec qui on va continuer à jouer certainement… Voilà, c’est un EP brassé. Là où en 2021, la plupart des gens sortent des albums fabriqués dans leurs chambres à huis clos. C’est vrai que nous, c’est un peu à contre-courant, on a cherché des gens, parcouru la France. Après, la musique, c’est devenu tellement difficile et on a tellement peu de reconnaissance, qu’au final on se dit que c’est une aventure humaine, des rencontres. Et voilà comme on dit l’important ce n’est pas le but, c’est le chemin. Et là le chemin il a été beau.

Au delà d’un simple support physique vous avez fait un bel objet ?

LUCIE : Une rencontre là aussi ! Un gars qu’on a rencontré dans un bar et qui bossait chez un imprimeur, Vincent Arbaud. Il avait l’air hyper passionné, je lui ai parlé de notre projet de recueil de paroles et il nous l’a crée de A à Z. C’est allé très vite, aujourd’hui on est super content parce que ça a du sens avec notre musique. Je trouve vraiment du plaisir à faire des choses qui ne se font plus en fait.

MICHAEL : C’est essentiel. Surtout à l’époque très virtuel qu’on vit.

Sur votre 1er clip, il a une notion cinématographique forte, avec une vision mystique très proche de la nature. Est-ce cet esthétisme là que vous voulez développer sur votre projet ?

LUCIE : Michael et moi nous aimons beaucoup le cinéma. Et un jour, j’ai vu le court métrage réalisé par Elizabeth Marre et je me suis dit : « Elle doit être vraiment sensible ». Elizabeth nous amène beaucoup et notamment le coté cinématographique et symbolique qui colle parfaitement à notre écriture. La nature c’est en nous, notre local de répétition se trouve juste à coté du Lac de Servières en Auvergne ou l’on a tourné le clip.

MICHAEL : c’est toujours intéressant de collaborer avec une personne parce qu’elle fait une interprétation de notre musique. Elle est moins dedans, donc elle peut projeter quelque chose, par rapport à ce qu’on lui donne. Le clip a été tourné à une demi-heure de là où j’ai grandi. Et c’est vrai que ce lieu-là m’était cher et j’avais même oublié à quel point. C’est sans doute le dernier endroit où nous aurions choisi de le faire, mais finalement c’est celui qui nous correspondait le plus et qui correspondait vraiment au morceau. Parfois il faut savoir prendre un peu de recul pour voir l’évidence. En musique c’était pareil avec Pascal, il nous a dit, n’ayez pas peur de l’ésotérisme, c’est en vous. Soyez ce que vous êtes. Pour Élizabeth c’était la même chose, ça te ramène souvent dans le droit chemin et souvent ça fait de belles choses.

Et vous aviez déjà vous même un peu réfléchi à ce que vous vouliez sur ce clip ?

LUCIE : on a compris à travers nos expérimentations, que la nature, les grands espaces iraient avec le morceau. Et aussi j’avais envie de liberté et de féminité, j’aime bien les films qui représentent les femmes.

MICHAEL : Il a été tourné avec tous nos amis d’enfance. Ce qui est chouette aussi, encore une histoire humaine ! On a même eu la neige ce n’était pas prévu (rire) C’était le seul jour de neige en 2019. Ça a participé à la magie du clip. Tout ça s’est fait en 2 jours, c’était très, très serré, contraignant. Donc il fait son bout de chemin, c’est super chouette. Il va exister encore et encore.

LUCIE : il y a un truc que Pascal nous a appris c’est le temps, prendre le temps. Et je crois que le maître mot de notre projet c’est de prendre le temps. On est persuadé que ce clip va voyager, donc on ne sait jamais.

« Protège nous » c’est une sorte d’appel au secours. Mais de quoi avez vous peur en réalité ?

LUCIE : Protège-nous en réalité c’est un refrain, je l’ai écrit après le drame du Bataclan. C’est fou comme les chansons prennent du sens dans l’époque où on vie. C’est incroyable. Et puis le clip qu’on sort, qu’on a tourné un an avant, en pleine nature, on le sort, sans le vouloir au moment du reconfinement en février. La temporalité des choses est assez étonnante. Je pense que ça a fait ça à d’autres artistes. Par exemple Noir Désir, Le 11 septembre 2001, ils sortent l’album « Des visages, Des figures », c’est presque prémonitoire…

MICHAEL : Et puis il y a une chanson qui parle de solitude qu’on chantait sur la tournée de Bertrand Cantat. Cette chanson on la chante toujours en live mais maintenant ce n’est plus du tout la même lecture que les gens peuvent en faire. C’est Bashung qui disait que ses chansons étaient comme des puzzles. J’ai trouvé ça beau comme image.

Vous avez parlé tout à l’heure de la tournée en premiere partie de Bertrand Cantat qu’en avez vous ressorti ?

LUCIE : C’était fou, c’était grisant, c’était là encore beaucoup de belles rencontres, avec une petite dépression quand même après, mais ce n’était pas toujours facile. Quand tu fais des dizaines de dates aussi fortes partout en France tu as besoin de temps derrière pour redescendre…

Et maintenant que les salles de concert ré-ouvrent, et que vous pouvez à nouveau refaire des concerts comme avant, qu’est ce que vous voudriez idéalement ?

MICHAEL : idéalement, ça serait vraiment bien de faire des concerts pour se nourrir de toutes ces énergies. On a besoin d’énergies humaines. C’était une année où on s’est recentré, mais maintenant comme le processus de création est lié aux rencontres, on a vraiment besoin de faire vivre le projet et de jouer coûte que coûte…

LUCIE : Jouer au maximum dans pleins d’endroits différents. Ce qu’on aimerait c’est faire de tout, des petits lieux, des grandes salles, ou des festivals avec des vraies personnes qui font ça par amour… Comme nous aussi quelque part ! Et pourquoi pas trouver un partenaire qui soit tout terrain comme nous, pour refaire des Zénith, c’était génial.

Belfour sera en concert Vendredi 13 Août 2021 au la Guinguette de MeM Rennes : https://www.facebook.com/events/358702972428407

Écouter Belfour : https://linktr.ee/belfourmusic 

Stef’Arzak