“Backtrace” de Brian A. Miller. “Relax. Take It Easy.”

C’est le grand mal qui ronge même les plus grands…A un moment précis dans une carrière, c’est le faux pas, la mauvaise décision, le petit écart qui ne pardonne pas. Prenons, pour exemple, le cas de ce “BackTrace” datant de 2018 et sorti directement dans nos contrées en VOD. Quelle fut l’envie qui anima Sylvester Stallone à la lecture de ce scénario et sa motivation première ? Une ex-épouse dépensière (cf. Robert De Niro et ses rôles à la “oneagain” pour éponger les truculences de Madame)? Un yacht de trop ? La Villa qui ne va pas ?Nous ne saurions dire et seul Sly possède la réponse. Toutefois, nous sommes en droit de nous questionner sur la nature ectoplasmique de ce polar…Certes, juste avant un frémissant “Rambo Last Blood”  (voir la chronique Lust4Live de votre serviteur) , l’interprète de Rocky nous avait gratifié d’une “Evasion” peu périlleuse. Scénario sans relief, duo anémique ( “Schwarzy” copie lourdement sa prestation d'”Expendables”) et réalisation mollassonne, le choix de ce long-métrage reposait uniquement sur les joutes verbales d’un binôme antinomique et délicieusement vintage. Déception et redondance. Car, pour mémoire, cette incartade n’était, en rien, un cas isolé.
Remember the Time.
“D-Tox”, “Driven”, ” Oscar”, “Arrête ou ma mère va tirer”, la liste est longue concernant les dérapages incontrôlés de l’étalon italien. Une filmographie anarchique dont on ne retient, fort heureusement, que les coups d’éclat.
Je le claironne : j’adore Stallone. Son Oscar manqué pour “Copland” est incompréhensible. Mais, parfois, ses choix laissent pantois.
Attention ! L’ami américain est loin d’être le seul à avoir versé dans la facilité.
Que penser de “La course au jouet” avec Big Arnie, “Double Team” avec JCVD, ” Le sang du diamant” avec Tcheuke Maurice ou du plus récent “Le Commandant” avec l’inénarrable Steven Seagal?
Chez nos icones, cette alternance ” films à gros budgets” et ” petite épicerie du coin” déconcerte autant qu’elle étonne.
Quoi ? Ces mastodontes d’Hollywood se permettraient de faire un caméo dans une série B entre deux blockbusters de qualité ?


Et bien oui, mes Ami(e)s. Avec plus ou moins de chance.
C’est le cas de ce thriller qui hésite constamment entre formol éventé et regain de nervosité.
Disons-le tout net, le scénario ne vaut pas tripette. Cette histoire de braquage foireux sur fond d’amnésie et de retrouvailles père/fils nous fait nous gondoler de rire /SPOIL ALERT/ et cette bonne vieille coalition bandits/flics pourris est d’une originalité folle.
A la réalisation, ce n’est pas non plus la tournée des Grands Ducs. Le réalisateur de ” 10 Minutes Gone”, “The Prince” et “Vice” (avec l’omniprésent Brute Willis, qui cachetonne comme d’autres font un régime estival) vient de découvrir la fonction ” comment effectuer un joli travelling latéral”, secoue sa caméra pour simuler les maux de tête de MacDonald (oui, je sais) et s’abandonne dans des facilités techniques. Enfin, la photographie aseptisée de ce téléfilm déguisé en long-métrage, ôte toute starification potentielle et fait des protagonistes des héros plats sans relief ni charisme.
Ainsi, nous découvrons, avec effarement, que Matthew Modine (ébouriffant dans ” Birdy”,”Memphis Belle” ou encore “Short Cuts”) peut gâcher son jeu- pourtant souvent subtil- comme un cochon. Les cheveux blancs, le visage prématurément vieilli, subissant une invraisemblable séance de torture ou boitillant dans une usine désaffectée, notre Matt semble perdu et donne la réplique sans trop y croire. En face de lui, Ryan Guzman (vu dans l’excellent teen-movie “Jem et les Hologrammes” de Jon Chu…si, si !) se dépatouille difficilement dans un acting brouillon et confond présence et belle gueule. Enfin, l’immense interprète de Rocky Balboa semble fatigué et peu concerné par cette petite entreprise.
Que reste-t-il de ce chantier ?Etonnamment, une ambiance molletonneuse où il fait bon se caler. Ici, le temps se délite gentiment comme dans une œuvre de Proust et nous voici bercés par ces gunfights interminables et ces dialogues dignes d’une série allemande. Point de sursauts. Point de surprises.
Mais l’agréable impression d’une parenthèse où rien de mauvais ne peut arriver. Nous imaginons notre grand-oncle adoré sirotant son bourbon douze ans d’âge à nos côtés. Le setter irlandais à l’aise sur nos pieds. Quiétude. Apaisement. Doctor Strange dans l’appartement : nous sommes présents devant l’écran mais notre “moi” spectral s’est, depuis belle lurette, fait la malle.
Brian A. Miller serait-il le nouveau Brian Guzna du B-Movie inoffensif ? Le chantre de la production à l’emporte-pièce avec des acteurs de renom pour vitrine alléchante ? Ou le parfait anxiolytique des dimanches après-midi ?
J’opte, sans façon, pour cette dernière option.
Ha, ce n’est ni “Lawrence d’Arabie” ni ” Under the Silver Lake”. Point d’implication intellectuelle requise dans ce type de produit.
Une bière. Une pizza. Et l’été comme il va. Mais qu’il est doux le doudou…
So, be it!
Défendons, avec ardeur, ces petits riens qui embellissent nos existences confinées. Ces nanards fauchés où le sourire amusé le dispute au confort d’un vieux canapé.Louons (ou téléchargeons) le Seigneur des “fabrications filmiques mal fagotées”! Adressons-lui nos plus tendres prières !Car l’avenir est incertain et le plaisir fugace.
Entre la peur d’un variant Delta (Force) et le risque imminent d’un sombre Septembre, savourons donc sur “Backtrace”…et serrons les fesses.

John Book.