Nous sommes au début des années 80.
La France découvre la musique de Factory Records grâce à l’émission de musique rock Feedback sur France Inter, présentée par Bernard Lenoir (qui retransmettra le concert du 18 décembre 1979 de Joy Division aux Bains-Douches), mais bien plus encore grâce aux John Peel Sessions sur BBC Radio 1.
‘’A Guingamp à cette époque, je ne pouvais délibérément pas être punk ! J’ai véritablement trouvé mon identité à cette période, en écoutant Lenoir, ses concerts en direct et la BBC1’’ nous confie Gilles Le Guen.
‘’Les pochettes d’albums étaient superbes. C’était infectieux : une fois que tu avais acheté un album, tu ne pouvais t’empêcher d’acheter les autres. A Rennes, au 18, rue Saint Michel, il y avait alors un disquaire qui s’appelait ‘’Discontact’’. Le propriétaire jouait la musique à un niveau indécent. On entendait de la rue! Un jour de 82, j’y rentre, il passe un truc monumental. Je demande un peu intimidé au disquaire : ‘’C’est quoi ?’’ Il me répond : ‘’Martin Hannett !’’, en me montrant un bac. Je prends le disque. C’était le premier album de Section 25 (ICI), ‘’Always Now’’, avec la pochette jaune et son intérieur marbré. Un choc !‘’
“J’envisageais la musique des groupes signés sur Factory Records comme une espèce d’onde qui s’immisçait. Ça m’a vraiment retourné le cerveau.”
Etudiant à l’école de Droit à Vannes, située en face de la Garenne, non loin du pub Yankee (petit clin d’œil du chroniqueur à ses amis vannetais), Gilles participe à l’émission radio Émotion européenne, sur Radio Vannes. ‘’Je me souviens avoir vu Marc Seberg(ICI) (*) et Kas Product, à Auray. Mona Soyoc était vénéneuse et séduisante. Philippe irradiait dans la tournée de l’album 83’’.
‘’Mes cousins rennais me ramenaient des cassettes de la Radio Congas et notamment de l’émission Guerre Froide de Jean-Louis Sicot ou Lobotomy ’’ (NDLR : radio libre créée en 1981), animée par Frédéric Hameury et Loïc d’Hiver. Le duo programmait de la cold wave française et allemande (Vox Populi, Costes Cassette, Ventre, Die Partei, Die Krupps,…) et du son underground indus et no wave.
A la fin de l’année 1982, Gilles Le Guen arrive à Rennes, ‘’une espèce de ville-lumière, de ville-musique’’, au moment où la “première vague rennaise’’ était déjà partie. Kalashnikov et son rock venait de pousser Marquis de Sade dehors. “Je suis arrivé au moment où Complot Bronswick (ICI), End Of Data (ICI), Splassh (ICI) et Prima Lineaont tous explosé. J’étais pote avec tous ces mecs-là, on traînait place Sainte Anne, au Bonne Nouvelle’’.
‘’J’ai vu des concerts à la salle de la Cité dès début 1983. J’écrivais dans un fanzine et je faisais de la radio. Je rencontre donc Jean-Louis Brossard (**) pour me présenter. J’étais intimidé. Le siège de l’association Terrapin, organisatrice des Trans Musicales, était dans son appartement, à l’entrée de la rue Nantaise. A partir de là, j’ai vu toutes les éditions de 1983 à 1998 (mon départ pour New York), avec un simple hiatus en 1984 pour cause d’armée…’’.
‘’J’ai commencé à mixer sur une radio locale le 13 mars 1983, les dimanche après-midi. Bien sûr, j’ai nommé l’émission Factory Wave. On passait Marc Seberg, Young Marble Giants, Joy Division, Section 25, Tuxedomoon, Minimal Compact, New Order et les débuts de la synth-pop. J’étais très fan du premier Depeche Mode (NDLR : ‘’Speak & Spell’’, 1981), de Tears For Fears, et même des … nouveaux romantiques et de leur côté très pop (Spandau Ballet, Visage)’’.
‘’Et puis, après les premières grosses claques amoureuses, tu commences à écouter des trucs plus plombés, de la musique déprimante et sérieuse (rires). C’est une autre partie qui commence’’.
Alechinsky
(*) Marc Seberg se produit à Auray une 1ère fois le 15 mai 1982 à la Salle des fêtes, avec Orchestre Rouge en 1ère partie, puis une seconde fois le 3 avril 1983 à la Salle omnisports. (**) Co-fondateur des Trans Musicales dont la 1ère édition eut lieu en juin 1979.
© Crédit photos : Gilles Le Guen. Je tient à remercier Gilles de nous avoir ouvert sa malle aux trésors argentiques, photos des Trans 83 jamais publiées à ce stade.