XYZ de A à Z, deux cerveaux, une seule voix.

XYZ, c’est ce qui se passe quand deux musiciens Ian Svenonius et Didier Balducci  décident de faire un groupe comme on fomente un complot : en secret, pour rire, pour penser, pour provoquer, et surtout pour le plaisir enfantin de renverser l’ordre des choses. L’un vient de Washington et traîne derrière lui une mythologie de prédicateur glam-politique ; l’autre surgit de Nice avec une culture encyclopédique du rock’n’roll et du cinéma bis. Ensemble, ils inventent un langage commun, quelque part entre théorie critique, rock primitif, détournement pop et cuisine au beurre de sauge.

Leur méthode ? Le collage, élevé au rang de principe vital : reprendre, découper, réagencer, greffer, réinterpréter, dévier… Transformer des chansons en fantômes, des influences en blagues, des blagues en manifestes et des manifestes en gimmicks. XYZ est un laboratoire clandestin où tout s’assemble : Marx avec Elvis, Warhol avec Bo Diddley, les Troggs avec Herbert Marcuse, la réverbe avec la dialectique matérialiste, et le café avec absolument tout.

À la fois duo minimaliste, cellule philosophico-pop et société secrète de collectionneurs de 45 tours, XYZ fonctionne comme un organisme bicéphale parlant d’une seule voix — une voix pleine de mauvaise foi joyeuse, de références improbable, de convictions solidement bancales et d’humour situationniste.

Pour pénétrer dans leur univers, fait de bottes Beatles, de North-K-pop imaginaire, d’automobiles sans autoradio, de sociologie allemande, d’artistes monstres, de disques fantasmés et d’airs d’autoroute dangereusement propices à la rechute caféinée, il fallait un guide. Ou mieux : une boussole désaxée, une carte ludique, subjective et parfaitement erronée.

Voici donc :

L’Abécédaire XYZ

Un alphabet de convictions discutables, d’obsessions sincères, de plaisanteries sérieuses et de vérités douteuses — bref, tout ce qui fait la beauté de ce duo qui n’a jamais craint de mélanger l’important et l’insignifiant, le sublime et le stupide, Gary Glitter et Godard.

A

  • « A comme « ABC », le total opposé de XYZ, l’autre extrémité du spectre musical. »
  • « Mais la frange et les costards dorés de Martin Fry étaient tout de même épatants. »

B

  • « B comme Beatle Boots ! Noires, blanches, rouges, en cuir, en vinyle, en daim, été comme hiver, à la scène comme à la ville. »
  • « Et B comme Beatles, un groupe finalement très sous-estimé. »

C

  • « C comme Café ! La drogue favorite de XYZ. (En Italie, on demande à être payés en espressos.) »
  • « Et C comme Collage, la forme artistique la plus importante du XX° siècle. Le rock’n’roll, en 2025, ne peut se présenter, au mieux, que sous forme de collages. »

D

  • « D comme Drogue : le café et les 45 tours sont les drogues préférées de XYZ. »
  • « On a essayé de décrocher du café mais c’est extrêmement difficile, surtout en tournée où les tentations sont nombreuses, spécialement sur les aires d’autoroute. »

E

  • « E comme Electricité. Sans électricité, la musique serait une erreur (F.Nietzsche) »
  • « Sans électricité, on ne ferait certainement pas de musique. Il n’y aura jamais d’album « XYZ Unplugged ».

F

  • « F comme Fuzz ! Peut-être la plus belle invention de l’homme. »
  • « Et F comme flipper, probablement la deuxième plus belle invention de toute l’histoire de l’humanité. (Ce n’est probablement pas un hasard si le déclin de l’une a été concomitant de celui de l’autre…) »

G

  • « G comme Gnocchis ! Au beurre de sauge, aux cèpes, aux noix, au gorgonzola, je pourrais en manger tous les jours. »
  • «  Et G comme Gary Glitter et Godard ! Deux des influences majeures de XYZ. »

H

  • « H comme Herbert Marcuse, le sociologue/philosophe préféré de XYZ, et une grande influence également, même si peut-être moins évidente à l’écoute que celle de Gary Glitter. »
  • « On devrait co-signer tous nos morceaux avec Herbert Marcuse. »

I

  • « I comme Intelligence Artificielle. XYZ adore tout ce qui est artificiel, en particulier les fleurs artificielles, en plastique et aux couleurs excessivement criardes, ainsi que les colorants et les arômes artificiels. (Le deuxième album de XYZ ne s’appelle pas Artificial Flavoring pour rien.) Mais cette passion pour l’imitation t l’anti-naturalisme ne s’étend pas jusqu’à l’Intelligence Artificielle, bien au contraire. »
  • « Même si 99% de la musique actuelle (et du cinéma actuel et de la littérature et du journalisme et etc. etc.) semble déjà avoir été crée par de l’IA, on peut craindre que le 1% restant soit également contaminé très prochainement. »

J

  • « J comme Joy Lovejoy, délicieux et suave pseudonyme pour une chanteuse inconnue (choriste de sessions ? star désirant rester anonyme pour une histoire de label ou de droits ?) responsable d’un unique 45 tours sur Checker Records en 1967, le merveilleux « In Orbit ».
  • « Un pseudonyme qui sonne comme celui d’une star du porno des années 70. La seule lecture de son nom sur le rond central du 45t suffit à illuminer votre journée, et l’écoute du morceau à vous plonger dans l’extase et le ravissement. »

K

  • « K comme K-pop. La pire musique du monde, plus impersonnelle encore que celle crée par l’IA. »
  • « Même le soft power n’est plus ce qu’il était… »

L

  • « L comme Littérature. On écrit tous les deux des livres, c’est un bon moyen, passé un certain âge, pour décrocher peu à peu de la musique et du café et acquérir une certaine respectabilité. »
  • « Chacun achète les livres de l’autre puis nous en parlons longuement ensemble, ça nous donne l’illusion d’être connus. »

M

  • « M comme Marxisme et minimalisme, les deux mamelles de XYZ, groupe communiste au sens premier du terme, qui tente de revenir à la pureté originelle du rock’n’roll et du marxisme. »
  • « Karl Marx et Elvis Presley étant incontestablement les deux figures les plus marquantes du XX° siècle, XYZ essaie de les mixer au mieux (Elvis pour la musique et Marx plutôt pour les paroles). »

N

  • « N comme North Corea. XYZ aimerait s’y établir. (Mais voudront-ils de nous ?) »
  • « On pourrait y révolutionner la musique en créant la North-K-pop, une musique pop à la fois révolutionnaire et plaisante à l’oreille. »

O

  • « O comme Orson Welles, un artiste monstre. Tous les artistes devraient être des « artistes monstres ».
  • « J’ai son autographe, ma mère l’a croisé une fois au musée du Prado à Madrid et lui a fait signer une carte postale. »

P

  • « P comme Politique. Tout est politique, même la musique bubblegum. « Tout ce qui est privé est politique », disait d’ailleurs Ulrike Meinhoff. »
  • « Mais comme il n’y a plus de candidat véritablement communiste, ni en France ni aux USA, XYZ boycotte les élections. »

Q

  • « Q comme Quarante-cinq tours. Certainement la plus belle invention de l’homme, avant même la roue (avec qui il présente certaines ressemblances physiques). »
  • « S’il tournait en 45t/minute, le monde irait certainement mieux. »

R

  • « R comme Réverbe. Si on lui ajoutait de la réverbe, le monde se porterait assurément bien mieux. »
  • « La réverbe, son écho et ses parois humides, c’est le retour à la grotte primitive, à la matrice originelle. »

S

  • « S comme Smartphone. La pire invention de l’histoire de l’humanité, le cheval de Troie du « Digital Reich », la dictature digitale de la Silicon Valley.
  • « On peut lutter individuellement, mais globalement le combat est bel et bien perdu. Heureusement, on sera mort avant l’étape suivante, probablement plus terrifiante encore. » 

T

  • « T comme Troggs. On ne parle pas assez des Troggs. »
  • « Dès que possible, nous en parlons, même brièvement. »

U

  • « U comme « Ungawa ! » Le rock’n’roll a beaucoup perdu le jour où on a arrêté de faire des instrumentaux primitifs avec des guitares pourries, un batteur approximatif et un break où tout le monde crie « Ungawa ! ».
  • « On ne peut blâmer entièrement les Beatles ou Dylan pour ça, mais ils sont en grande partie fautifs. »

V

  • « V comme Voiture. On tourne toujours en voiture, c’est l’avantage des duos minimalistes, l’ampli dans le coffre, la guitare sur la banquette arrière et la boite à rythmes dans la boite à gants. »
  • « Comme on n’a pas de lecteur CD ou USB, on en profite pour discuter pendant des heures. En voiture, la conversation c’est l’autoradio du pauvre. »

W

  • « W comme Warhol. Tout le monde devrait relire chaque année Popism (le meilleur livre écrit sur les sixties avec Les Choses de Perec) et Ma philosophie de A à B (le pendant américain à Mythologies de Barthes). Et en profiter également pour regarder ses extraordinaires films des années soixante, honteusement sous-évalués. »
  • « Et W comme Weinberger, de son prénom Karlheinz, incroyable photographe suisse dont les portraits de rockers helvétiques 50s et 60s aux tenues outrageusement camp, gay et proto-punk (cuir, chaînes, clous, ceinturons géants à l’effigie du King, bottes de motard et blousons customisés à la main, et pour les filles maquillage trash et choucroute défiant les lois de l’apesanteur) confirment la théorie qui, parmi toutes celles expliquant la naissance du rock’n’roll, a les faveurs des vrais exégètes et donc les nôtres : le rock’n’roll vient réellement d’une autre planète. »

X

  • « X comme « XYZ Plays the Classics », dernier album de XYZ. Un disque révolutionnaire, à la fois classique et avant-gardiste, passéiste et futuriste, subversif et situationniste, le chaînon manquant entre Guy Debord et Bo Diddley ! » 
  • « Une ultime tentative de résurrection du rock’n’roll, en essayant d’insuffler un peu de sang neuf dans ses veines usées. »

Y

  • « Y comme  Young Marble Giants. Au départ, notre boite à rythmes a été très inspirée par celles des Young Marble Giants et de Algebra Suicide, puis heureusement avec le temps elle a trouvé son style propre. Nous n’essayons pas de l’influencer, elle a vraiment sa place et son indépendance dans le groupe, même si, par timidité peut-être, elle participe peu à l’écriture des chansons. »
  • « Nous lui avons proposé, comme à Herbert Marcus, de co-signer les morceaux, mais elle n’est pas inscrite à la Sacem.

Z

  • « Z comme « Zotz ! ». Pendant longtemps, je fantasmais en lisant The Psychotronic Encyclopedia of Films, épais ouvrage de référence sur le cinéma bis/série Z. Je rêvais de voir tous ces films qui paraissaient incroyables, j’aurais voulu tous les connaître, tous, de la lettre A comme Abbott and Costello Go to Mars à la lettre Z comme Zotz! ou, juste avant, Zontar, the Thing from Venus et Zombies of the Stratosphere. Un peu comme ces disques prétendument « cultes », ces « trésors oubliés », ces « albums perdus » et ces « inédits prodigieux », ces films auraient gagné à rester à l’état de fantasme, mais ce n’est pas grave, je sais bien que la vie n’est qu’une suite de déceptions, celles-ci n’étant pas les pires. »
  • « Zombies of the Stratosphere est pas mal quand même, mais – un peu comme Traité de bave et d’éternité – forcément légèrement en deçà de son titre. »

Photo de couv. Annick Fidji