Avec « Incoming Blaze », leur troisième album sorti en novembre dernier, Clavicule confirme son statut de valeur montante du rock. Plus nuancé que ses prédécesseurs, cet opus marque une évolution marquante, mêlant énergie brute et mélodies bien affûtées.
Cette sortie a cependant été marquée par un changement de line-up, suite à une plainte (classée sans suite) ayant conduit au départ d’un membre du groupe (communiqué du groupe ici). Tout notre soutien va bien sur aux victimes de violences sexistes et sexuelles, mais malgré cette situation, Clavicule poursuit son chemin avec détermination, et nous souhaitons aussi réaffirmer notre soutien à la formation dans cette nouvelle étape de son parcours.
Cet opus souligne donc une évolution marquante : toujours empreint d’énergie brute et de riffs acérés, il se distingue aussi par des sonorités plus variées où on sent une volonté d’explorer d’autres territoires, entre post-punk nerveux, garage rock abrasif et même quelques touches plus mélodiques inspirées du pop rock.
Les morceaux comme « All These Boys » et « Scum Manifesto » illustrent bien cet équilibre entre agressivité et mélodie. Le premier joue sur des guitares incisives et une rythmique entraînante, tandis que le second renoue avec une rage plus punk, ancrée dans des racines contestataires. Clavicule aborde des sujets engagés, entre critique sociale et questionnements personnels. On retrouve une conscience politique et environnementale qui insuffle une profondeur supplémentaire aux compositions, évitant ainsi le piège d’un simple défouloir sonore.
« Incoming Blaze » est un album qui consolide l’identité de Clavicule tout en lui ouvrant de nouvelles perspectives. Plus structuré et plus diversifié, il montre un groupe qui ne se repose pas sur ses acquis et qui pourrait bien continuer à évoluer vers des horizons encore plus larges. Un excellent cru pour les amateurs de rock puissant, mais subtil.
Lors de notre rencontre en novembre, nous avons échangé avec Clavicule sur la conception de Incoming Blaze, leurs influences, et leur regard sur la scène musicale actuelle et la société. Entre réflexions et besoin d’évolution, ils nous livrent un regard sincère sur leur parcours et leurs ambitions.
Vous venez de sortir votre troisième album « Incoming Blaze ». Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de l’origine de ce disque ?
C’était une suite logique, d’autant que notre dernier album date de mars 2023. L’envie d’ajouter de la nouveauté dans notre répertoire était là. L’arrivée de Blanche dans le groupe a aussi joué un rôle important. On voulait créer un projet à quatre et défendre les nouveaux morceaux qui nous ressemblent à l’instant T.
On voulait aussi éviter une trop longue pause. On aime bien garder une certaine dynamique entre chaque album, et attendre trop longtemps nous semblait contre-productif.
Le son est globalement plus pop et mélodieux. C’était une volonté d’évolution de votre son ?
Oui, Blanche a apporté cette touche pop, ce qui nous convenait bien. Nous avions déjà envie d’explorer des sonorités plus mélodiques, et son arrivée a renforcé cette direction. Cela dit, on a aussi voulu conserver des morceaux fidèles à notre identité musicale, tout en peaufinant les arrangements. Pour l’enregistrement, on a travaillé avec Baptiste Bucaille, qui n’avait pas dû travailler avec nous sur les autres albums. Le but était aussi d’avoir un nouveau son, un son différent.
Les morceaux me semblent plus courts ?
Non, la durée moyenne reste la même, autour de 40 minutes pour 10 titres. Nous n’avons pas cherché à faire des morceaux plus courts, mais plutôt à affiner nos compositions pour qu’elles soient plus fluides.
L’arrivée dans le groupe de Blanche a-t-elle modifié votre façon de composer ?
Oui, elle a composé et enregistré avec nous avant ses premiers concerts en mai-juin 2024. C’était une approche inhabituelle, mais ça a permis qu’elle soit pleinement impliquée dans l’album dès le départ.
Le plus gros changement est dû notamment à la manière dont nous avons travaillé les maquettes. Avant, on composait uniquement en live, alors que là, nous avons d’abord enregistré des maquettes chez nous. Cela a permis d’explorer plus d’idées, de prendre du recul sur les morceaux avant de les tester ensemble en studio.
Cela donne un album un peu plus mature, plus affiné ?
Peut-être. On a eu plus de temps pour affiner chaque détail, tester des arrangements et retravailler les morceaux avant l’enregistrement final. On a eu une approche plus analytique de la composition, sans perdre l’énergie brute de nos albums précédents.
Un titre a-t-il posé plus de difficultés ?
Les deux singles « All These Boys » et « D.Clay » ont été composés en toute dernière minute, lors d’une résidence, et finalisés quelques heures avant la fin de notre session. C’était stressant, mais aussi excitant, et ces morceaux se sont finalement imposés comme des singles évidents.
Travailler avec deux labels a-t-il changé quelque chose pour vous ?
Le Cèpe Records et Vlad nous ont laissé complètement libre. On avait jusqu’à présent toujours autoproduit nos albums. Là, c’est la première fois qu’il est produit par une structure. Ça nous a permis d’enregistrer dans de meilleures conditions, sans pression artistique, en restant pour autant totalement maîtres du processus créatif, ce qui était essentiel pour nous.
L’artwork de votre pochette suit la ligne graphique des albums précédents. Pourquoi vouloir une illustration à chaque fois ?
On aime bien travailler avec des illustrateurs. Mais contrairement aux albums précédents où nous proposions des maquettes, cette fois, nous avons donné des mots-clés, un pitch et laissé l’artiste, Vaderetro, libre d’interpréter sa vision des choses. La pochette est un peu plus sombre, que d’habitude, ce qui ajoute aussi une atmosphère un peu plus chaotique à l’album. Avec une illustration, tu peux vraiment montrer ce que tu veux. Tu peux aller dans quelque chose de plus abstrait et évoquer des idées peut-être un peu plus complexes qu’avec une photo. C’est une question d’interprétation, bien sûr, mais ça laisse plus de liberté narrative.
Justement, les thèmes de vos chansons sont plus sombres. Pourquoi ?
Nous avons voulu donner plus de profondeur à nos textes, aborder des sujets plus engagés. Ce n’est pas tant une vision du monde qui change qu’une envie de mieux l’exprimer. Il y a une volonté de politiser notre musique et d’y insuffler des thématiques qui nous tiennent à cœur. Mais sur certains morceaux plus pop, on essaie d’apporter un peu de lumière, d’optimisme, quand même.
Votre expérience vous donne-t-elle une vision plus claire de la musique en 2024 ?
Oui et non. La musique reste un milieu précaire, surtout pour les groupes indépendants. Il y a une vraie difficulté à tourner et à en vivre. C’était déjà un milieu extrêmement difficile, mais aujourd’hui ça ne s’arrange pas trop. Sans être complètement défaitiste sur l’avenir du monde de la musique. Il y aura toujours des gros artistes qui feront tourner la machine. Mais la répartition, c’est un peu comme dans la vraie vie. Dans les hautes sphères et la société globalement, on sent bien qu’il y a quelques personnes qui canalisent toutes les richesses. Et les autres, ils se partagent les miettes.
Je pense qu’au bout de trois albums, on a aussi envie de jouer dans des plus grosses salles, de faire des festivals et l’envie de toucher plus de gens. C’est un besoin d’évolution, tout simplement.
L’engouement du public est toujours là, ce qui est rassurant.
Le désir de jouer sur scène est toujours aussi fort ?
Oui, et c’est même une motivation essentielle. Vouloir jouer dans des grandes salles est une évolution naturelle, comme on disait a l’instant, mais nous aimons aussi garder un lien avec les petites salles et les bars, où l’énergie est différente et plus intime. On a commencé à jouer dans des bars. C’était déjà une victoire de pouvoir jouer dans un bar devant 70 personnes. Que ce soit dans telle ou telle salle, plus on fait de concerts, mieux c’est pour nous. Effectivement, on ne va pas se mentir, il y a de la grosse concurrence.
On sait qu’il y a énormément de groupes super chouettes partout. Il y a aussi de moins en moins de subventions pour les salles de concerts. C’est pour ça que c’est de plus en plus compliqué d’y jouer.
Comment appréhendez-vous la tournée avec ce nouvel album ?
On est confiants et impatients. On a déjà testé certains morceaux en live, ce qui nous a permis de les ajuster. Le stress reste présent, surtout dans les concerts où il y a des proches dans le public, mais avant tout, on a hâte de partager cet album sur scène et de retrouver notre audience.