Le duo OCRE, originaire de Clermont-Ferrand, façonne un rock ambiant et puissant, avec ce côté atmosphérique empreint de tristesse et de nostalgie. Formé en 2018 par Pierrick A. (chant, guitare, basse, claviers) et Damien A. (batterie), le projet s’ancre dans une esthétique alliant parfaitement rock alternatif, post-hardcore et grunge. Un alliage subtil où la rage se fond dans la mélancolie, où la puissance côtoie la délicatesse. Avec « So Often Lifeblood Comes From Ashes », leur premier album, OCRE dévoile un univers habité, tourmenté et envoûtant. Des neufs titres s’élèvent « Don’t Worry » ou « I.L.Y. » par leur énergie brute, tandis que « It Was Nothing » et « So Long » distillent une beauté crépusculaire, portée par la voix magnétique de Pierrick, qui semble résonner comme un écho à Ken Andrews et Chino Moreno. La comparaison avec Failure ou Deftones s’impose d’elle-même : OCRE possède cette même alchimie singulière, où le poids du son épouse une grâce aérienne, où la tension et la douceur se fondent dans une harmonie en clair-obscur rude et savoureuse. « So Often Lifeblood Comes From Ashes » est une œuvre immersive, traversée d’émotions brutes et de paysages sonores d’une magnifique densité. C’est une réussite saisissante qui promet déjà un parcours jalonné de succès.
Un temps d’échange avec Pierrick et Damien s’imposait pour en savoir plus sur OCRE.
Pouvez-vous nous raconter comment le groupe s’est formé et pourquoi avoir choisi OCRE comme nom ?
Damien: Nous nous sommes rencontrés au lycée: ça fait 23 ans qu’on est amis.
Nous avons formé notre premier groupe à cette époque (au début nous n’étions que nous deux, puis six un an après ).
De 2010 à 2019, nos parcours dans divers groupes nous ont quelque peu éloigné, puis nous nous sommes retrouvé et avons monté Ocre.
Pierrick: Notre nom provient des peintures du néolithique : elles sont simples à première vue, mais possèdent beaucoup de nuances et de finesse quand on s’y penche. Cela correspond bien avec la vision que nous avons de nos morceaux.
L’alchimie entre vous semble très forte. Comment votre amitié influence-t-elle votre manière de créer de la musique ensemble ?
Damien: Ayant commencé très jeune à jouer ensemble on se connaît vraiment très bien. On s’influence l’un l’autre et on aime se surprendre mutuellement. Faire de la musique ensemble est naturel et tout va très vite pour trouver les bonnes parties de batteries sur les morceaux.
Pierrick m’a permis de découvrir pleins d’artistes, de groupes, ce qui a nourrit ma culture musicale. Je le remercie d’ailleurs pour ça car c’est grâce à toutes ces découvertes qu’on développe son oreille, son jeu de musicien et sa créativité.
Votre son est brut, urgent et chargé d’énergie, mêlant la rudesse du punk à l’introspection du post-punk. Comment décririez-vous l’essence de OCRE avec vos propres mots ? Quelles émotions ou idées souhaitez-vous transmettre à travers votre musique ?
Pierrick: Effectivement le punk et le post-punk sont des genres très importants dans nos influences.
La musique (et l’art en général) a toujours eu un aspect cathartique pour moi. Créer du positif à partir du négatif est primordial, c’est le sens du nom de l’album.
Pour nous un album ou un set doit refléter les différentes facettes de ce qu’est la vie : parfois calme ou énergique, remplie d’amour ou de moments de tristesse, etc…
Il y a très souvent cette dualité entre un chant très détendu sur une musique tendue.
Certains morceaux (comme Don’t Worry ou So Often) traitent de la dépression et de la manière d’y faire face. It Was Nothing parle de parentalité et de l’amour inconditionnel qui l’accompagne. In The Mirror est un morceau punk contre le patriarcat, essayant d’être des alliés au féminisme, Don’t Count On Them est un morceau plus politique sur les craintes de l’avenir.
Votre premier album, « So Often Lifeblood Comes From Ashes », sortira le 21 février, il marque forcément une étape importante pour vous. Pouvez-vous nous raconter le processus de création ?
Pierrick: Ce premier album est la suite logique de First E.P. Un morceau étant toujours relié au moins à un autre tant d’un point de vue harmonique que lexical ou thématique, il n’y a pas eu de réelle pause entre ces deux moments de composition.
Il n’y a pas forcément de manière systématique de procéder, mais la plupart du temps, je compose les morceaux avec une guitare folk ou une guitare électrique qui n’est pas branchée, pour ne jamais cacher les morceaux derrière des effets. Une fois que les parties sont suffisamment efficaces et épurées, nous enregistrons des préproductions pour nous rendre plus vite compte du résultat final.
Comme pour l’E.P. j’ai vite eu en tête le squelette de l’album, ca devient évident que tel morceau doit ouvrir l’album, qu’un autre doit apporter de l’air à mi-chemin, et de quel morceau doit clôturer l’album.
Quelles ont été les plus grandes inspirations derrière cet album, et a-t-il évolué différemment de ce que vous aviez imaginé au départ ?
Pierrick: Failure est une grande influence (je n’ai découvert le groupe qu’après avoir terminé le mixage de First E.P., grâce à Martin de Untitled With Drums, c’est assez fou d’être passé à côté pendant autant d’années).
L’album How It Feels to Be Something On de Sunny Day Real Estate, l’album Distant Populations de Quicksand, et de manière générale, Emma Ruth Rundle , Torche, Mark Lanegan , Elliott Smith ou encore Joy Division sont les premières influences qui viennent.
Je voulais qu’il y ai de grandes notions de clair-obscur, un peu comme Spirit Of Eden de Talk Talk , mais dans un autre registre.
Par chance, l’album est exactement ce que je voulais qu’il soit.
Y a-t-il d’autres influences musicales qui vous ont forgés ?
Pierrick: Sonic Youth, Placebo, Pixies, Melvins, Foo Fighters, Deftones ou Queens Of The Stone Age, ont grandement forgé nos influences depuis très longtemps.
Votre musique dégage un sentiment d’urgence, de rébellion et parfois de mélancolie. Quels sont les thèmes que vous considérez les plus importants ?
Pierrick: La dépression, les notions d’acceptations et l’amour au sens large sont les thèmes les plus importants et les plus récurrents de nos morceaux.
Avec du recul sur la création de » So Often Lifeblood Comes From Ashes « , quel a été le plus grand défi auquel vous avez dû faire face en tant que groupe ?
Pierrick : C’est clairement toute la partie D.I.Y. (du recording, en passant par le mixage jusqu’au mastering ).
Je ne fais pas ça huit heures par jours (j’enseigne le chant et Damien la batterie), ça a été très long de trouver une demi-heure par çi, une demi-heure par là, pour pouvoir travailler sur l’album. Le plus dur est de ne pas perdre le fil et d’essayer de garder une certaine objectivité. Pour ça, il faut avoir fait de vrais choix artistiques dès la prise pour ne pas se perdre.
Comment voyez-vous l’évolution du groupe dans les prochaines années ?
Damien: Des concerts, des concerts, des concerts… bref des tournées.
Quels rêves ou objectifs aimeriez-vous encore accomplir ?
Damien: Faire de la musique encore pendant très longtemps ensemble, sortir de nombreux albums et faire de nombreux concerts.
Photo de couv. Simon Chervier