[Interview] Manon, Festival Rituel 7 (Rennes) du 09 au 13 oct.

Permettre des rencontres, transmettre des émotions, rassembler les langages artistiques de celles·ceux qui façonnent la culture d’aujourd’hui et de demain, d’ici et d’ailleurs. Avec la volonté de fer de réunir et de partir à l’aventure en découvrant une façon singulière de mélanger la musique, les arts visuels et le tatouage au milieu d’une ville en constante effervescence. Pas facile de se faire une place, et pourtant, l’association rennaise Rituel 111, depuis quelques années a réussi ce pari fou de réunir ses arts qui vont si bien ensemble. De l’ombre au pied de scène, rencontre avec Manon, programmatrice du festival Rituel 7. Elle nous parle avec enthousiasme de l’origine du festival et des rendez-vous (expositions, tatouages, concerts) qui nous attendent du 9 au 13 octobre !  

-Est-ce que tu peux déjà nous parler de l’origine du festival ?
On a monté l’association Rituel111 en 2017. On a commencé en faisant des concerts principalement de rock, de garage dans des bars : La Trinquette, au Tyana, etc…

Très vite, on a eu envie de faire un festival. Et ce qui nous branchait, c’était de lier plusieurs disciplines ensemble : la musique, les arts visuels et le tatouage. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’événements qui liaient les trois disciplines ensemble. Et on voyait que c’était des centres d’intérêt des gens, que ça allait plutôt bien ensemble. Du coup, on a fait notre premier festival en novembre 2017. À l’époque, au Jardin Moderne et au Bar’Hick.

On a commencé comme ça, en se disant qu’on voulait mettre en avant des artistes nouveaux, des artistes émergents. De ne pas se mettre d’étiquette, de style. De faire au gré de nos envies, ce qui nous branchait et n’était pas beaucoup représenté à Rennes avec des artistes anglais, bien sûr, mais on a eu des gens d’Afrique du Sud, du Sri Lanka, etc…

Et puis COVID. Pause obligatoire.

En 2022, on a repris le festival dans un format similaire, toujours avec de la musique, du tatouage, des arts visuels. Mais en investissant la salle de la Cité. Un lieu emblématique à Rennes. On s’y plaît bien.

Cette année, on y retourne pour deux soirées concert, les 11 et 12 octobre.

Il y a aussi un cœur de festival qui se déroulera au BAM (ancien Antipode), un autre lieu qu’on aime beaucoup investir. On y était déjà l’année dernière. Et le fait de pouvoir être dans un lieu qui a énormément d’histoire, qui est réapproprié par des asso plus jeunes, c’est aussi quelque chose qu’on aime beaucoup mettre en avant.

Enfin, on a aussi un petit concert gratuit, Penny Lane, le jeudi 10 octobre.

 

 

-Vous êtes une structure assez nouvelle avec une équipe d’une moyenne d’âge assez jeune et qui fait preuve d’un réel dynamisme. Est-ce que pour autant, votre jeunesse n’est pas un frein, par rapport aux différents partenaires que peuvent être des élus plutôt prudents ?
Oui, oui. C’est à double tranchant, je pense. Parce que comme on est jeune, on a aussi l’envie, le dynamisme et la motivation de faire des choses. Et quand on se prend des portes par des élus ou par d’autres instances, on arrive quand même à se reprendre et à trouver des solutions pour faire les choses.

Mais oui, le terreau fertile de Rennes en fait, il est assez traître. Parce qu’il y a plein de nouvelles assos, il y a plein de jeunes. Mais ça reste les structures les plus installées qui gardent un peu le monopole du paysage culturel. De la communication, des financements publics aussi. C’est difficile, honnêtement. Surtout depuis cette année où la ville de Rennes décide de financer des projets qui sont déjà bien installés plutôt que des nouveaux projets. Ça, c’est très dur et c’est peu compréhensible.

C’est pas logique du tout. Parce qu’on nous parle quand même de transmission, de terreau à Rennes, de l’émergence. Mais on ne donne pas la chance aux personnes émergentes de grandir.

On essaie de trouver notre équilibre là-dedans. Mais, le plus grand avantage que je vois, c’est qu’on est hyper motivé. On ne va pas en démordre.

 

 

-Pour votre programmation, vous cherchez principalement des jeunes projets extérieurs à Rennes et à l’étranger. Est-ce que pour vous, c’est une sorte de challenge supplémentaire d’aller trouver des artistes qui sont peu représentés ici ?
Ne pas faire comme les autres, c’est ça, le truc ! Depuis le début, on aime être une sorte de moteur pour certains artistes étrangers, émergents. Les avoir chez nous et aider à monter une petite tournée derrière pour qu’ils puissent venir en France, c’est toujours un aspect qu’on a mis en avant, parce qu’on aime ce dynamisme-là. 
Maintenant, à l’heure où il y a énormément de musique sur Internet, sur les réseaux sociaux, si on est curieux, ce n’est pas si difficile que ça de trouver des nouveaux projets à l’étranger, extérieurs à Rennes ou à la Bretagne. C’est plutôt une motivation.
Cette année, le petit plus, c’est d’essayer de trouver des groupes avec le plus de femmes possible, plus de personnes queers aussi. Ça, pour le coup, c’est plus un challenge que de trouver des groupes de l’extérieur, parce qu’en termes de représentativité, c’est hyper compliqué.
Pour plein de raisons, pour certains groupes, c’est plus dur de démarrer des tournées avec un line-up 100 % féminin ou queer.
Après, sur la programmation du festival, on a au moins un artiste local par soir. Mais il est vrai que ce sont des artistes qui jouent moins souvent par ici.
Je pense notamment à Margaret Tchatcheuse qu’on vient juste d’annoncer, en remplacement de Bug Teeth qui a dû malheureusement annuler sa tournée. Merci, le Brexit… .Et aussi FC Deception, qui joue le vendredi 11. c’est un groupe qui n’a pas peur de l’auto-tune.  Ils viennent d’à côté de Saint-Malo mais n’ont pas beaucoup joué à Rennes, parce qu’ils ont une formule un peu spéciale avec de l’électro punk rap pop, qui n’est pas du tout représenté dans les bars de Rennes. 
Donner aussi l’opportunité à certains groupes de jouer avec des confrères d’autres pays, dans le même style, et de faire des rencontres. C’est ça qu’on aime. C’est bien de pouvoir créer des rencontres avec des locaux, des internationaux…

 

 

-Votre festival ne proposant pas que de la musique, vous avez aussi des artistes qui eux aussi ont des nationalités différentes, que ce soit les tatoueurs comme les graphistes !
Oui, on a un graphiste qui fait vraiment toute l’identité visuelle du festival, qui est anglais aussi, et aussi musicien dans un groupe. C’est intéressant d’avoir quelqu’un qui avait les pattes un peu partout. Cette année, l’exposition, c’est une exposition de photographie avec une photographe de Rennes, mais aussi une photographe de Londres, qui est très intégrée dans la scène culturelle londonienne. Elle prend en photo tous les groupes de Londres. C’est hyper intéressant d’avoir ce regard là. Pour nous, ce sont des groupes qu’on ne voit que de loin, et pour elle, ce sont ses copains et ses voisins. C’est son quotidien…

Et pour le tatouage, on a principalement des artistes français, généralement. Juste parce qu’au niveau des restrictions d’hygiène, c’est très compliqué d’avoir des artistes tatoueurs étrangers.

En France, on est beaucoup plus réglo sur ça, donc on privilégie toujours des artistes français. Et on essaie là aussi de mettre au moins une tatoueuse locale en avant. Quelqu’un qui n’a pas forcément de salon.
C’est un monde très complexe et très compétitif. 

Le but, c’est aussi de donner un peu un pied-à-terre pendant au moins une semaine à une artiste locale.

 

-Est-ce que les tatoueurs qui seront là proposeront de faire des sessions de tatouage Flash, qui pourront être faites tout de suite ?
Oui, c’est principalement du Flash. On autorise les tatoueurs et les tatoueuses à faire des projets personnels, bien sûr, parce qu’il y en a qui viennent de loin. Pour certains qui suivent depuis longtemps, c’est l’occasion de faire une grosse pièce, etc.

Mais c’est vrai qu’on privilégie plutôt le flash, les designs déjà faits, les trucs plutôt peu onéreux pour qu’il y ait plus de monde qui puisse venir…

On essaie d’avoir des styles et des pratiques différents.

On a notamment une tatoueuse qui tatoue seulement à l’aiguille et pas à la machine. Ça prend plus de temps. Mais ce n’est pas du tout la même approche, ce n’est pas la même douleur, ce n’est pas la même cicatrisation. C’est intéressant de voir qu’on n’est pas obligé d’avoir une machine pour tatouer. 

-On parle maintenant beaucoup de l’impact éco-responsable des festivals. Comment vous situez-vous par rapport à cette problématique ?
Très actuelle et qui nécessite d’être actuelle. Nous, on a la chance d’accueillir nos évènements dans des lieux qui sont déjà existants, donc on n’a pas de structure entière à monter pour notre Festival. Déjà, on n’a pas de grosses logistiques à mettre en place.

Dans la mesure du possible pour la programmation, on s’y prend longtemps à l’avance et on discute avec les agents des artistes pour que les groupes ne viennent faire qu’une seule date en France. On est prêt à donner des noms d’autres assos en France pour organiser d’autres choses et que les artistes ne viennent pas juste faire un tour pour un soir et repartir.

Par exemple, là, on a un artiste qui vient de Londres, qui vient tout seul, donc pour lui, ça ne fait pas sens de prendre une voiture ou de prendre un ferry. On essaie de faire en sorte qu’il prenne le train et pas l’avion.

On a réussi cette année, mais il a fallu ramer, surtout avec l’Eurostar qui est vraiment hors de prix.

En général, notre but est compris, donc on réussit au fil des ans à faire un bon réseau de personnes qui peuvent accueillir les groupes à Laval, à Paris, au Mans, à Bordeaux, à Toulouse. On a tout ce petit réseau-là qu’on est très content de relayer.

Les aller-retour pour une date, ça n’a pas de sens et le principe de l’exclusivité n’a pas tellement de sens non plus à notre échelle. C’est possible en fait de faire des dates à une heure ou deux et qu’il y ait quand même du public aux rendez-vous.

 

-Tu n’es pas seule dans l’association : quel est ton rôle et combien êtes-vous exactement dans votre structure ?
Je m’occupe de la coordination de l’asso et de la programmation de tous les artistes. Entre guillemets, c’est moi qui travaille le plus, parce que tout simplement ça ne s’arrête jamais et que je recommence dès la fin du festival pour prévoir l’édition suivante, en fait. Mais dans l’asso, pour vraiment porter le projet à l’année, on est 5 personnes. On a une personne pour la communication générale, une autre personne qui nous aide à faire des contenus vidéo. On a une personne qui aide à la production de l’événement, donc qui bosse avec moi sur la coordination, mais plutôt sur l’accueil des artistes, sur la gestion de la billetterie, la gestion des équipes, et on a aussi une personne qui est dédiée quasiment uniquement aux bénévoles de l’association, qui nous aide à trouver les gens qui vont servir des bières, qui vont nous aider à bouger des meubles au BAM pendant tout un week-end, qui vont faire de la billetterie Et quand les bénévoles nous rejoignent la semaine du festival, on est à peu près une vingtaine de personnes.

Depuis le début, ça a toujours été quelque chose de très collaboratif, déjà par nécessité parce qu’on ne peut pas être partout à la fois, mais aussi parce qu’on veut que les gens s’approprient le projet, qu’ils fassent partie du projet. Quand on fait du bénévolat à Rituel, on sert des bières, mais ce n’est pas que ça : il faut vivre aussi le moment, il faut s’impliquer aussi dans le projet globalement.

 

-Tu parlais des bénévoles, c’est quoi votre petite formule magique pour les convaincre de venir ?
Il y en a beaucoup ça va être des gens proches des amis parce qu’on fait ça depuis la 7ème année maintenant il y a des gens qui sont venus à la première édition, qui nous ont rejoint après ils sont venus en spectateur et qui a vraiment voulu rejoindre il y a beaucoup de bouche à oreille de copains qui veulent aider parce qu’on est aussi dans un milieu où tout le monde a envie de donner un coup de patte aux gens qui ont des projets et ça c’est hyper intéressant c’est hyper important pour nous et après on fait aussi des appels sur les réseaux sociaux et on travaille beaucoup avec les gens qui sont déjà dans les lieux qu’on accueille par exemple le BAM c’est principalement géré par des bénévoles maintenant donc c’est eux aussi qui nous aident beaucoup sur le BAM sur les histoires de clés de pièces de mise en place mais aussi qui nous aident beaucoup sur la communication, qui vont mettre des affiches des flyers dans tous les commerces de clonés parce qu’ils le connaissent très bien et qui sont eux là vraiment pour aider et pour accompagner les projets qui sont agréés au BAM.

Ça, c’est très important pour nous. C’est vrai que sans les bénévoles du BAM, ce n’est pas possible. C’est vraiment un gros soutien et c’est hyper important parce qu’on sent que si on est en galère, même si on ne se connait pas énormément, ils vont quand même venir nous aider. Ils auront toujours une idée pour dire : « Moi, j’ai ça chez moi, je te ramène ça tout de suite » et ils reviennent dans les 10 minutes avec quelque chose pour aider. C’est hyper important, merci le BAM.

 

-Dans votre équipe, je sais qu’il y a des gens très impliqués dans le monde artistique et musical local, mais toi, qu’est-ce qui t’a vraiment titillé au départ pour monter ce festival ? Pour organiser un festival, il faut quand même avoir des goûts, des envies, et une certaine sensibilité, en tout cas ?
Le truc qui m’a motivée en premier, c’est que je voulais absolument organiser des événements autour de la musique.

J’écoutais beaucoup de musique, j’allais beaucoup en concert, et au bout d’un moment, j’ai trouvé qu’il y avait certains groupes, certains artistes très peu représentés à Rennes. Mais on ne peut pas forcément, certains Assos n’ont pas les mêmes affinités. Ça part de là, c’est l’idée. L’envie d’organiser des événements où moi j’aurais envie d’ aller, de manière très égoïste au départ. Et ça venait aussi avec une volonté de travailler dans la musique en général, de se former petit à petit. Parce que c’est un milieu très fermé, avec beaucoup de contacts, beaucoup de réseaux. 

 

Rapidement, on s’est dit : « On va juste faire nos trucs et voir ce qui vient à nous, voir si on arrive à monter en compétences, voir si on arrive à faire des événements plus gros, petit à petit…»

Ma première motivation, c’est de faire des événements qui n’étaient pas là avant, d’appeler des artistes qui ne seraient jamais venus à Rennes normalement et d’apporter sa pierre à l’édifice culturel de Rennes qui est hyper fertile.

• Plus d’infos et réservations ici :  https://rituel111.fr/festival-rituel-7/
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